Petit fil dominical d’exaspération sur un ouvrage qui m’est récemment tombé sous la main : le « Petit Manuel impertinent anti-discours populistes illustré », de Peter Patfawl. Il s’agit probablement du livre politique le plus crétin que j’ai jamais lu. 
Si je fais ce petit retour de lecture, c’est parce que l’ouvrage m’apparaît symptomatique de plusieurs maux très répandus dans l’école de pensée « anti-populistes ».
1. Une incapacité à définir le populisme autrement qu’en des termes caricaturaux et manichéens qui renvoient ce phénomène à la démagogie sans comprendre son essor
2. Une grande confusion conceptuelle au moment de distinguer ce qui relève du populisme ou non
3. La certitude d’être très supérieur au reste de la population, et notamment aux partisans du « populisme », alors qu’on est soi-même parfaitement ignare et simpliste dans ses raisonnements
La préface du livre est rédigée par Jean-Pierre Stroobants, correspondant à Bruxelles du journal Le Monde - ça ne s’invente pas. Il consacre sa préface à rejeter vigoureusement l’existence du peuple avec des arguments... curieux.
Sans surprise, les poncifs sur le populisme menant immanquablement à la guerre mondiale ou à la catastrophe généralisée sont présents.
Suivent les premières cases dessinées par Peter Patfawl, censées décrire l’électeur populiste type. Et alors là... on se pince pour y croire tellement c’est méprisant, caricatural et déconnecté de la réalité.
💁♂️
Peter Patfawl nous donne sa définition du populisme dans cette page. Niveau analyse politique on est à peu près entre le CE2 et le CM1. Je vous ai encadré le passage le plus saillant... Les deux ennemis principaux (en France) sont identifiés : la FI et le RN.
Attention, gros sabots : à l’aide de schémas, on nous explique que le populisme « d’extrême droite » mène au fascisme et celui « d’extrême-gauche » à « l’anarchie et la colère ». Il y a même des flèches pour que ce soit bien clair !
Une fine rétrospective sur l’évolution du mouvement des gilets jaunes de la part des antipopulistes, ennemis du simplisme et de la démagogie.
Signe du désordre mental de l’auteur, le « populisme » devient un fourre-tout dans lequel il case toutes les tendances politiques qui ne lui plaisent pas, du climato-scepticisme au royalisme. Absurde.
Gros sabots, le retour : le populisme a déjà existé ! Ben oui, les nazis, Staline... À méditer avant de passer aux urnes 😉😉😉
Pourquoi le populisme monte ? L’auteur a son explication ? C’est bien évidemment le manque de PÉ-DA-GO-GIE des gouvernements qui n’explique pas assez bien ses réformes à une populace qui n’y entend goutte.
À ceux qui pointeraient les problématiques causées par la concentration des grands médias entre les mains d’une poignée de milliardaires, Peter Patfawl oppose un mépris là encore assez déroutant de morgue et de suffisance.
« Partager des rumeurs populistes » est passible d’une amende de 135.000 euros, nous apprend l’auteur... qui mélange allègrement les concepts en qualifiant le complotisme de « forme la plus dangereuse de populisme »
Le livre s’achève enfin par un « best of » des meilleurs dessins antipopulistes de Patfawl. Je vous en mets quelques uns qui sont soit prodigieusement idiots soit incompréhensibles. Plantu a sans doute trouvé son maître.
« N’oubliez pas de penser », conclut l’auteur, qui aurait bien fait de s’appliquer ce conseil.
La certitude qu'ont certains antipopulistes de défendre le vrai et le bien, probablement liée en partie à leur position sociale élevée, les dispense de s'informer sérieusement, de cultiver le pluralisme des sources, d'analyser les phénomènes politiques dans leur complexité.
Les leçons de morale et les jugements définitifs que produit l'antipopuliste borné lui paraissent être le fruit de vérités générales.
Il se croit détenteur de la fine compréhension des choses alors qu'il est aussi ignorant que la représentation qu'il se fait de l'électeur "populiste" moyen. Ce livre en est un exemple presque caricatural.
Pour s'informer plus en profondeur et avec érudition sur le phénomène du populisme, on se procurera donc plutôt "Le dictionnaire des populismes" paru aux éditions du Cerf.
Pour une critique argumentée du populisme, l'ouvrage de Pierre Rosanvallon "Le siècle du populisme" me semble adapté.
