Thread by @LarrereMathilde

Chose promise, chose due, une petite histoire des cafés, de leur rôle politique et de la licence IV !
(à dérouler ci dessous, enfin sous ce tweet, pas sous celui que je RT!)

https://twitter.com/LarrereMathilde/status/1230733178756681729

1)Le 19e sc, c’est le sc des cafés ! Y’a des cafés partout ! et plus encore sous la IIIe république, car en 1880 une loi très libérale permet la x° des débits de boissons (il suffisait de déclarer !) seuls les condamnés ou les mineurs n’avaient pas le droit d’en ouvrir.

2)Bon l’une des raison est que le 19e est le sc de la démocratisation de la consommation d’alcool… La Fr étant championne toute catégorie.
Sacré descente nos ancêtres : en 1900 les Français boivent en moyenne 162 litres de vin par an, et presque 5 litres d’alcool fort

3)Dans les pays de bière, ça y va aussi, 337 litres de bière en moyenne par Lillois/an. Et à chaque fois on compte tous les habitants ! même les enfants (lesquels buvaient aussi mais moins que leur parents), même les femmes (qui elles aussi buvaient moins).

4)Donc la consommation d’un homme adulte… comment dire…
Bon, soyons claire, c’était too much… en terme de santé publique c’était qd même très pbmatique

5)A titre de comparaison, auj c’est 44 litres de vin /an/habitant. (en 1830 ça tournait autour de 70 litres de vin). Il faut dire que ça fait des décennies qu’on a intériorisé les risques de l’alcoolisme. on fait plus attention qd même!

6)Donc ça picole et pour ce faire il faut des lieux, donc… des cafés !
En ville, les bourgeois laissent les estaminets ou les cabarets aux classes populaires et se réfugient dans des cafés chicos, tables de marbre, dorures, comptoir en étain et boissons à prix prohibitifs

7)Bon mais si les cafés sont si importants, ce n’est pas seulement parce qu’on y boit mais aussi, voire surtout, parce que ce sont des lieux de sociabilité populaire, et… de politisation.

8)D’ailleurs, tout bon candidat du 19e sc se devait de payer la tournée plusieurs fois pendant la campagne (sinon on parle d’ "élection sèche", et souvent, le mec perd !) Résultat, un certain nombre de candidats/députés possédaient plusieurs café pour assurer leur (ré)élection

9)Reste que les cafés c’est aussi un lieu de politisation populaire qui échappe et donc déplait aux autorités.
Car c’est là qu’on débat, discute, critiques, là qu’on prépare les grèves

10)Là qu’on cache aussi souvent les caisses de grèves, qu’on s’organise. enfin bref, vous aurez compris que ça ne plaisait pas trop...
A l'Eglise non plus d'ailleurs car les gars allaient au café plutôt qu'à la messe!

11)Résultat, début 20e, les cafés sont vus d’un mauvais œil. D’abord parce que la forte consommation d’alcool commence à poser de réels pbs de santé publique, mais aussi pour essayer de contrôler ce lieu de sociabilité et d'organisation ouvrière

12)Les deux peurs se mêlent, l’anti alcoolisme se teinte de moralisme et de discours de classe, se focalise uniquement sur les consommations et café ouvriers. Comme si les bourgeois ne buvaient pas !

13)L’alcool est présenté comme un vice des seules classes laborieuses.
« L’alcool fait de l’ouvrier laborieux un paresseux et un envieux, un voleur, souvent pis encore, mais à coup sur, une recrue toute prête pour l’émeute » (Docteur Bergeron, 1877)

14)La dénonciation de l’alcoolisme participe donc de la construction de l’image des « classes laborieuses - classes dangereuses » qui sert avant tout à justifier la répression contre les salariés

15)Bref, fin 19e, début 20e un vaste mouvement anti alcoolique s'exprime mais sans grand effet tangible… sauf dans les cités ouvrières paternalistes, sous le contrôle des patrons qui font fermer les cafés, comme au Creusot

16)(pas grave, les ouvriers trouvent d’autres cafés ! et préparent d'autres grèves)

17)Tout au plus, une loi interdit d’ouvrir un café près d’une école, d’une caserne ou d’un hosto.
Mais bon, localement, les maires ferment l’œil car il n’est jamais très malin de s’affronter au bistrotier du coin

18)Finalement, c’est la guerre qui fait coupure.
Les anti alcooliques font de leur cause une cause patriotique et profitent de la désorganisation des lobbies alcooliers

19)l’alcool devient un ennemi de l’intérieur. Les mesures anti alcoolique se succèdent
Interdiction de l’absinthe en 1915
1917 : loi sur le délit d’ivresse
Nombreux cafés ferment faute de consommateurs

20)Au final, en 1918, la consommation d’alcool à la fin de la Grande guerre est tombé au niveau de celle de la monarchie de Juillet (du moins officiellement) et le nombre de débit de boisson a été divisé par 2.

21)Pas de bol, ça recommence après la guerre, d’autant qu’on a abreuvé les poilus de pinard pour qu’ils supportent les tranchées… et les mauvaises habitudes ont été prises

22)C’est à nouveau pendant la guerre (la deuxième) qu’a lieu une nouvelle offensive contre les troquets : En 1941, on crée les licences, not la licence IV sans laquelle un établissement ne peut pas vendre de l’alcool fort

23)Différentes licences existent selon le type d’alcool : la licence II concerne le vin, la bière et le cidre; la licence III vise en plus les liqueurs comprenant moins de 18° d’alcool; la licence IV, est nécessaire au commerce du rhum et des alcools distillés.

24)Comme le nombre de licence est limité et controlé, cela permet à l’Etat de contrôler le nombre de débit d’alcool à 1/450 habitant-es

25)
Comme le nombre de Licence IV est bloqué, on ne peut qu’acheter une licence à qq qui l’a possède. Selon le lieu, le prix d’une telle licence peut aller de quelques milliers à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

26)Ca fait un petit bout de temps qu’on envisage de revenir sur ce système, de fait assez obsolète à l’heure où de facto la consommation a baissé, ou par ailleurs il est très facile d’acheter de l’alcool
donc rien de neuf à la sortie du premier ministre

27)Certains pensent que ça créerait de l’emploi, d’autres s’inquiètent qu’à l’inverse ça menace la survie économique de café déjà parfois en difficulté
perso, j'ai pas d'avis sur la question

en attendant... je vais prendre un verre au café avec des copains!

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