Vous connaissez sûrement le concept de "destruction créatrice" de Joseph Schumpeter (1882-1950), cet économiste autrichien tant admiré, notamment par @dstrausskahn. Mais vous ne connaissez peut-être pas les conséquences politiques qu’il avait imaginées
#Thread (d’actualité ?) 1/
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2/ Selon Schumpeter, le capitalisme est condamné à terme. Non pas en raison de ses contradictions comme le pensait Marx… mais en raison de ses succès ! Il rappelle dans Capitalisme, socialisme et démocratie (1942) que le capitalisme est à la fois un SYSTEME et un ORDRE.
3/ Pour lui, le capitalisme en tant que SYSTEME ne risque rien du fait de sa puissance et de sa capacité d’adaptation qui lui assurent sa pérennité. Les raisons de son effondrement potentiel sont à chercher ailleurs. Car le capitalisme est également un ORDRE.
4/ Un ordre, c’est-à-dire une "civilisation" qui repose sur des mentalités, des institutions et des valeurs. Or, ce sont justement les changements psychologiques, éthiques, politiques et sociologiques qui risquent de détruire cet ordre et qui vont entraîner le système avec lui.
5/ L’analyse de Schumpeter s’articule autour de deux constats. Premier constat, le capitalisme fragilise ses propres institutions car il permet la formation de monopoles, ce qui détruit l’esprit d’entrepreneur. Il parle même de "crépuscule de la fonction d’entrepreneur".
6/ Et puisque le monopole a de l’avenir, les gestionnaires qui l’administrent en auront également. La bureaucratisation de l’entreprise guette. Le progrès tend à se dépersonnaliser, à s’automatiser et n’est plus issu du fruit de la volonté des individus.
7/ L’initiative individuelle s’effrite progressivement : "le travail des bureaux et des commissions tend à se substituer à l’action individuelle", écrit-il.
8/ Schumpeter redoute ainsi la destruction du cadre institutionnel de la société capitaliste et la transformation du régime de propriété en système de gestion bureaucratique.
9/ Dans le même temps, et c’est là qu’intervient le deuxième constat de Schumpeter, le capitalisme doit faire face à une hostilité croissante de l’opinion. Il crée en effet une mentalité et un style de vie incompatibles avec les conditions même de sa régénération et de sa survie.
10/ Du fait de la destruction créatrice et de l’innovation incessante, le capitalisme est en permanence en mouvement, ce qui induit de l’instabilité, même si c’est au service d’un progrès sur longue durée.
11/ Or, au fur et à mesure que le niveau de vie progresse et que les acquis sociaux se diffusent, les citoyens supportent de moins en moins ce climat "d’insécurité" propre au capitalisme.
12/ Devant le bouleversement constant de l’économie, nos angoisses personnelles deviennent de plus en plus fortes.
13/ L’auteur reconnaît qu’il est difficile de faire accepter que le capitalisme améliore le sort de la société dans son ensemble à ceux qui sont potentiellement menacés par les effets de la concurrence et des phases récessives de l’économie.
14/ Conscients de leurs acquis et de leur situation favorable, les citoyens vont rechercher un système plus stable, d’apparence plus protecteur et dans le même temps, se montrer de plus en plus à l’écoute des critiques contre le capitalisme.
15/ Cette tendance sera d’autant plus forte que le capitalisme encourage la liberté de pensée, ce qui va favoriser l’émergence de groupe d’individus dont la fonction est justement de conduire le réquisitoire anticapitaliste.
16/ Ces individus, que Schumpeter nomme "intellectuels" ou "professionnels de l’agitation sociale", ne sont pas intégrés dans la sphère économique. Ils peuvent donc la critiquer à loisir. Leur rôle est de stimuler, activer, exprimer et organiser les sujets de mécontentement.
17/ Leur rang se renforce en outre du fait de l’accroissement de la taille de l’administration publique. En effet, la "fonctionnarisation" engendre "l’esprit de caste" et dans le même temps stimule l’aversion pour le mouvement inhérent au capitalisme.
18/ Les citoyens vont finir par ne voter que pour ceux qui promettent de maintenir leurs acquis, de les protéger contre l’instabilité et les injustices du capitalisme. Ils vont demander toujours plus d’Etat, ce qui accélèrera la marche vers la stagnation et le déclin.
#FIN
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*1883, année de la mort de Marx et de la naissance de Keynes
