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Saviez-vous que le 17 octobre 1969, 50 kg du réacteur 1 de la centrale Saint-Laurent-des-Eaux entrent en fusion, entrainant le premier accident #nucléaire français de l’histoire ?

Thread 4 : 1969, l’accident de Saint-Laurent-des-Eaux
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1/ A la sortie de la 2nde guerre mondiale et suite à la création du @CEA_Officiel en 1945, la #France se lance dans la construction de réacteurs militaires (produisant du plutonium) à Marcoule (photo : G1) et de différents types de réacteurs de #recherche.
2/ La première filière industrielle de réacteurs produisant de l’#électricité voit réellement le jour au début des 60’s sur le site de Chinon (photo), avec une technologie française : les réacteurs de type UNGG (uranium naturel, modéré au graphite et refroidis au gaz carbonique).
3/ Cette technologie, portée par le CEA, dont les réacteurs sont exploités par @EDFofficiel, jouit d’une forte popularité auprès du général de Gaulle (à Marcoule en 1958 sur la vidéo) qui y voit un symbole d’indépendance et de fierté nationale.
4) Après les constructions de 3 réacteurs UNGG à Chinon, deux constructions supplémentaires sont envisagées à Saint-Laurent-des-Eaux au bord de la Loire à 30 km d’Orléans. La filière UNGG se met en place.
5) Toutefois, dès le milieu des années 1960, EDF émet des doutes sur l’avenir des réacteurs UNGG. En effet, les industriels américains de Westinghouse et de General Electric commencent à proposer des centrales à eau légère à des prix très compétitifs.
6) Entre le milieu et la fin des 60's, une « guerre des filières » opposent les partisans des UNGG à ceux de l’eau légère. C’est à cette période que débute la construction de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (1963) dont le réacteur 1 est mis en service le 24 mars 1969.
7) Après de nombreux rapports, la démission du général de Gaulle en avril 1969 et l’élection de Georges Pompidou en juin à la présidence de la République marque symboliquement la fin des réacteurs français UNGG (qui sera officiellement actée le 14 novembre 1969)
8) Le 16 octobre 1969, Marcel Boiteux, directeur général d’EDF, se rend sur la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux pour son inauguration et annonce dans le même temps qu’elle sera l’une des dernières car la France abandonne cette #technologie.
9) Le réacteur 1 de Saint-Laurent-des-Eaux (500 MWe) comprend des échangeurs de chaleurs sous le cœur du réacteur et une structure de supportage et de protection (aire support). 4 turbosoufflantes véhiculent du gaz carbonique (pression de 26,5 bar) pour refroidir le réacteur
10) Le cœur du réacteur comprend 2935 canaux chargés chacun de 15 éléments combustibles d’un poids de 10 kg. Chaque élément est contenu dans une chemise de graphite. Le chargement du réacteur s’effectue par le haut par un mécanisme alliant programmation et gestion manuelle.
11) Les réacteurs de Saint-Laurent des -Eaux présentent la particularité d’intégrer dans le caisson réacteur, à la fois le cœur et les échangeurs de chaleur qui servent à générer la vapeur pour la production d’électricité.
12) Le 17 octobre 1969 au matin, sur le réacteur de Saint-Laurent-des-Eaux n°1, lors d’une opération de chargement de combustible, un élément de « réglage de débit » est introduit par erreur dans un canal du cœur du réacteur comprenant des éléments combustibles.
13) Cet élément entrave la bonne circulation du gaz carbonique et la température à l’intérieur du caisson augmente considérablement. Des gaines de combustible, en alliage de magnésium et de zirconium, commencent à fondre avec l’uranium qu’elles contiennent.
14) Cinq éléments combustibles, correspondant à environ 50kg d’uranium, percent un dispositif de récupération des débris appelé « poubelle » et tombent sur « l’aire support » disposée sous le cœur du réacteur.
15) Le système de détection de ruptures de gaines (DRG) permet d’arrêter immédiatement le réacteur. La radioactivité ambiante est importante dans le caisson du réacteur, ce qui oblige les opérateurs de la centrale à porter un masque de protection intégrale (Spiratom).
16) Par chance, les éléments combustibles étaient presque neufs et étaient donc peu irradiés, ce qui a limité la radioactivité relâchée.
17) De fait, selon les informations disponibles, la contamination de l’environnement, liée à des opérations de « dégonflage » du réacteur pour libérer le CO2 a été très faible et le personnel peu impacté (détails d’un rapport de 2016 au ministre de l’environnement).
18) Néanmoins, le plus dur débute avec la décontamination du réacteur. Dans un premier temps, une intervention humaine est impossible. On récupère de l’uranium à distance avec une pince, des brosses et des aspirateurs pilotés par des opérateurs grâce à une caméra vidéo (ex photo)
19) 12 kilogrammes d’uranium sont ainsi récupérés dans cette première phase. Mais il reste de l’uranium dans le caisson. La seule solution est d’y envoyer des hommes, qui devront également réparer des systèmes de détection de ruptures de gaines (DRG).
20) Pour s’entrainer à cette opération périlleuse, on construit une maquette d’une partie du réacteur pour préparer les agents. Les réacteurs UNGG n’étaient pas conçu pour une telle intervention.
21) Un sas est construit autour de la zone d’intervention et des agents du CEA assurent le suivi en matière de radioprotection. Pour beaucoup d’agent, il s’agit de la première intervention en milieu fortement contaminé. Un véritable chantier se met en place.
22) Après avoir attendu que la radioactivité décroisse, en mars 1970, les opérations débutent. Pendant deux semaines, 105 travailleurs entrent dans le caisson ou règne un débit de dose de 20-30 rem/h (300 mSv). Sur les photos, le découpage à la scie de l'alvéole.
23) Le temps d’intervention est limité à 6-8 minutes en moyenne pour ne pas dépasser la limite d’une « intervention exceptionnelle concertée » que la réglementation de l’époque estime à 12 rem (120 mSv) maximum.
24) En plus de la radioactivité, la chaleur, le déplacement dans des espaces exiguës rendent le travail très complexe. Les agents doivent décoller, récupérer et gratter les débris d’uranium fondu mais également réparer les détecteurs de ruptures de gaines.
25) Les 105 agents qui ont travaillé directement dans l’entresol (zone la plus exposée) ont reçu des doses allant de 2 à 5,4 rem (20 à 54 mSv). La rotation des interventions et la faible irradiation du combustible (quasi neuf) ont évité des doses plus importantes.
26) Après le nettoyage du réacteur et l’envoi de l’uranium en laboratoire pour analyse, quelques kg d’uranium restent dans le réacteur. Des filtres sont installés pour les récupérer sur le long terme (Les filtres seront enlevés en 1978).
27) Après un dépannage « express », le réacteur redémarre le 16 octobre 1970, soit quasiment un an jour pour jour après l’accident. Pour les agents de la centrale, c’est la fierté d’avoir redémarré le réacteur après le premier accident de l’histoire qui prédomine.
28) Pendant de nombreuses années, l’accident de Saint-Laurent-des-Eaux va tomber peu à peu dans l’oubli alors que 58 réacteurs à eau pressurisée remplacent progressivement les 7 réacteurs UNGG.
29) En 1980, un second accident, un peu plus médiatisé se produit sur le réacteur 2 de Saint-Laurent-des-Eaux. Néanmoins, c’est l’accident de Three Mile Island (1979, USA), dont le réacteur est proche des REP Français qui attire tous les regards.
30) Les deux accidents de Saint-Laurent-des-Eaux, les plus « graves » qu’ont connu les réacteurs nucléaires français seront reclassés au niveau 4 sur 7 de l’échelle INES par l’ @ASN. Les réacteurs sont arrêtés en 1990 et 1992 et sont encore en cours de démantèlement.
31) Ce n’est qu’après l’accident de Fukushima (2011), suite à un article du Point puis à un reportage de Canal+ que ces accidents reviennent sur le devant de la scène. Plusieurs rapports (@Ecologie_Gouv , @IRSNFrance , @CRIIRAD …) seront ensuite publiés.
32) J’espère aujourd’hui avoir réalisé ma petite part de ce travail de mémoire !

FIN
😅😅
33) Rapports dispo en ligne :
Rapport à la ministre de l’environnement (2016) : vie-publique.fr/sites/default/…
Pages IRSN dédiées : irsn.fr/FR/connaissanc…
Rapport CRIIRAD : criirad.org/installations-…
34) Vidéos :
Documentaire canal + :
Construction centrale (EDF) :
De Gaulle à Marcoule (1956) : ina.fr/video/AFE85007…
37) Autres sources papiers publiques : me contacter en privé.
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