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Le "parc lapin", le "cornig a person", le "menez", le "foueneg c'halva", le parc "kost et c'hoat", le "mejou", ces noms de champs évoquaient la géographie et la typologie des parcelle. C'était notre quotidien on les connaissait comme notre poche.
Mon grand-père a eu ses 60 ans (âge de la retraite à l'époque) en 84, ma grand-mère 10 ans plus tard. De ce fait, ils ont gardé leur activité à plein régime jusqu'en 90 ou 91, puis ont commencé à réduire leur travail en arrêtant l'engraissement des taurillons.
Les bêtes étaient attachées par une chaîne autour du cou et ancrée sur un madrier de la mangeoire. Lorsqu'il commençait à être costaud vers 12 mois, on leur mettait un anneaux dans le pif. Ça permettait de les tenir un peu mieux quand on les déplaçait, en y passant une corde.
Leur mettre l'anneau c'était un sacré chantier. Point d'anesthésie à l'époque. Une corde autour des cornes, une autre en licol sur le museau bien serrée et bien attachée à un poteau, et Pépé toujours malicieux qui me donnait le bout mort de la corde en me disant de tirer de
toutes mes forces, ce que j'exécutais 💪. Les anneaux étaient désinfectés dans un bol de lambic et j'avais le droit de jeter le fond du bol sur les naseaux du dernier bestiau qui se léchait les babines et qui parfois semblait sombrer dans un autre monde (tiennent pas la liche !)
Le troupeau laitier aussi a diminué doucement jusqu'en 94. Ils ne voulaient pas arrêter d'un coup, car ils savaient que ça serait trop difficile #Emotions
S'ils sentaient que j'avais qques velléités à faire ce métier, ils n'envisagaient pas que ça se fasse sur la ferme familiale.
Je n'étais encore qu'au collège et la ferme ne correspondait plus du tout aux standards du moment.
C'était difficile pour moi de voir la vie s'éteindre dans la ferme. Au fur et à mesure que les activités diminuaient, nous démontions...
Dans le auvent les stalles des taurillons
étaient en bois, du chêne, et surtout de l'orme... après avoir appris à enfoncer des clous, j'apprenais à manier le pied de biche et la barre à mine. On découpait tout ce bois à la tronçonneuse pour en faire du bois de chauffe... les planches et les chevrons étaient polis et
lustrés par le frottement des animaux... la démolition c'était à la fois rigolo, avec mon cousin Vincent nous nous en donnions à cœur joie (le mode bourrin ça nous allait bien 😆) et à la fois déprimant...
J'imaginais mon arrière grand père qui avait du passer un temps fou à
construire tout ça... mon grand-père, lui semblait n'éprouver aucune nostalgie... il faisait place nette.
Ds le hangar, il y avait un petit poulailler pour les poulets de chair et qques pintades en hiver. Vers nos 10-15 ans avec Vincent, on avait un business avec ce poulailler...
Tous les mois, un mercredi après-midi nous en sortions le fumier et remettions de la paille fraîche. Puis on allait voir notre grand-mère (trésorière en cheffe) pour réclamer notre salaire... 5 Frs chacun...
Détruire ce poulailler c'était la fin de notre petite affaire, comme les clapiers... petit à petit le hangar reprenait du volume. Mais un volume de vide, sans vie.
Fini aussi le silo à betteraves... les betteraves que l'on récoltait à la main, qu'il fallait éfeuiller et gratter
avec un couteau pour enlever la terre pour les conserver durant l'hiver.

Une partie du hangar fût mise à disposition d'un jeune agri pour stocker de sa paille.
Dans les champs aussi il y avait du changement. Nous plantions une partie des prairies avec du peuplier. Ça permettait aux retraités d'extraire ces parcelles du parcellaire agricole et d'en réduire les taxes foncières. À l'époque je ne comprenais pas bien pourquoi on faisait ça,
mais ça me faisait déjà mal au coeur. Je savais que je ne verrai plus de vaches paître dans ces champs. Quelque part ils perdaient vie aussi... je me rappelle d'y faire du foin. Il y avait dans ces prairies des touffes de jonc qu'il fallait retirer au mieux des andains.
La part de pâtures diminuait avec le nombre de vache et était remplacé par les céréales et le maïs grain.
En 93, on demonta le silo de maïs ensilage qui était dans le hangar. On y stockait de quoi nourrir les vaches pour 5 mois d'octobre à février/mars et une taupinière
(un tas à l'extérieur) complétait les besoins de l'année.
L'abattage des palissades en bois qui matérialisaient le silo libérait encore une place colossale dans le hangar.
Il restait encore quelques vaches que le tas extérieur suffisait à nourrir.
Un appentis qui prolongeait l'étable pour 4 vaches, devint un garage pour la Ford fiesta qui remplaça la R6 de Mémé. Cette R6 avec laquelle on allait chercher les veaux nouveaux-nés au champ. On allait aussi au marché aux veaux à Menez Kerveyen vendre les veaux noirs et acheter
des limousins. C'était rigolo les veaux dans le coffre qui venaient te lipper les oreilles pendant la route.
Toute une époque !

C'était aussi les derniers lots de cochons. La porcherie était un bâtiment en pierre dans le prolongement de la maison. À son bout, le "loch-poêle"
abritait la "chidourn vras" où l'on cuisait les patates pour les cochons. On y stockait aussi les sacs de poudre de lait pour les petits veaux et le concentré pour les 🐄🐂 et les 🐖. La "chidourn" c'était une grande marmite qu'on chauffait au feu de bois. Outre les patates, Mémé
y chauffait de l'eau en hiver pour le "barbottage" qu'elle distribuait au sceau aux vaches, aux taurillons et aux 🐖. Il s'agissait d'une soupe de farine de blé-orge (maison) et de tourteaux. Encore un endroit de la ferme où j'aimais laisser traîner mes narines et mes mains 😁
Le grain était stocké à plat au grenier au dessus des vaches, on y montait par une échelle de meunier. À la récolte, notre mission avec mon cousin, étaler au "rozel" (raclette) en bois le grain qui coulait des lucarnes par la vis, pieds nus dans le grain chaud, qui nous
grattait les pattes et une poussière épaisse qui nous desséchait les narines et la gorge et nous "bazanait" le visage. De l'orge, du blé, de l'avoine sur 35 ou 40 cm sans les mélanger, et qu'ensuite on passait au moulin électrique au fil des semaines.
Je n'ai pas vu le départ des 6 dernières vaches. Et je n'ai jamais demandé à mes grands-parents parents comment ils l'avaient vécu. C'était comme ça...
On a démonté les tuyaux de la machine à traire, les auges, et bouché la rigole où les vaches faisaient leurs besoin.
On n'imagine pas ce que ça fait une étable où on sait qu'il n'y aura plus d'animaux. Le vide, le silence, le froid... les odeurs qui s'effacent...
Quelque part, mon grand-père avait raison, au fur et à mesure de démonter les installations et de faire place nette.
Je pense que c'était sa thérapie. Mais ça n'a effacé ni mes souvenirs, ni arrasé mon ambition...

à suivre...
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