Thread by @phl43

Ça m'avait complètement échappé, mais plus de 4 mois après la fin des prélèvements, l'Inserm et la DREES ont enfin publié les résultats de l'enquête Epicov, qui permet de savoir combien de gens ont vraiment été infectés pendant la première vague. 1/n drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-stat…

En effet, cette enquête a rassemblé un échantillon représentatif de la population, dont les membres ont fait l'objet d'un test sérologique. Ça évite les biais de sélection qu'il y a quand on se base sur les cas confirmés par PCR et de fait certains résultats sont inattendus. 2/n

Je suis cependant plutôt déçu car, même s'ils ont enrôlé ~135 000 personnes, seulement ~12 400 ont été testés. Ce n'est pas suffisant pour estimer précisément la prévalence du virus par département, sauf pour les départements les plus touchés qui ont été suréchantillonnés. 3/n

C'est pour ça qu'ils ne donnent les estimations que par région et pour ces quelques départements. On voit que l'Île-de-France a été la région la plus touchée, suivie par le Grand Est. 4/n

Le Haut-Rhin a été le département le plus touché, suivi de près par les départements de la petite couronne et Paris. 5/n

Pour l'ensemble de la France métropolitaine, environ 4,5% des habitants avaient été infectés à la fin du confinement, ce qui est très proche mais légèrement inférieur à la projection réalisée par l'Inserm en avril (hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-025481…) à partir des données hospitalières. 6/n

Si on regarde de plus près qui a été davantage touché, on a quelques surprises. Par exemple, les femmes ont été davantage infectées que les hommes, alors même que plus d'hommes sont morts. Elles ont donc vraisemblablement une meilleure réponse immunitaire au virus. 7/n

Les gens qui travaillent dans le secteur médical ont sans surprise été beaucoup plus touchés, de même que les gens vivant dans des communes très denses, les immigrés non-européens et leurs descendants et les personnes vivant dans un logement surpeuplé. 8/n

C'est également le cas des gens plus diplômés, mais c'est probablement parce qu'ils vivent plus souvent en milieu urbain, ce que confirme d'ailleurs la régression logistique que les auteurs de l'étude ont faite. 9/n

Cette analyse permet d'estimer l'impact sur le risque d'infection de chaque variable *toutes choses égales par ailleurs*. Enfin, ce serait le cas si on était sûr que le modèle était bien spécifié, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas. Mais c'est quand même intéressant. 10/n

On voit que, une fois qu'on contrôle pour la densité de la commune, le type de profession, l'âge, le sexe, etc., la différence entre les gens diplômés et les autres n'est plus statistiquement significative. 11/n

On voit également que le fait d'avoir plus de 64 ans était un facteur protecteur. C'est sans doute parce que les vieux ont moins de contacts et que, se sachant plus vulnérables, ils se sont mieux protégés. Ce n'est pourtant pas toujours l'impression qu'on a eu ! 12/n

Le fait d'être une femme reste un facteur de risque, mais je pense que l'effet ne serait plus significatif si le modèle incluait la profession de manière plus fine, car les femmes ont plus souvent des métiers avec beaucoup d'interactions inter-personnelles. 13/n

Le fait d'être immigré n'est plus un facteur de risque statistiquement significatif, mais je pense que c'est juste par manque de puissance statistique. En revanche la différence selon l'origine s'estompe quand on contrôle pour tous ces facteurs. 14/n

Ce qui est plus surprenant c'est que, si le fait d'être pauvre (i. e. dans le premier décile de niveau de vie) est un facteur de risque, le fait d'être riche (i. e. dans le dernier décile) l'est encore plus ! Bientôt un chèque de 150€ pour aider nos riches à tenir le coup ? 15/n

Autre résultat surprenant, mais qui avait déjà été observé ailleurs et fait l'objet d'une discussion : le fait de fumer semble réduire le risque. Encore une fois j'insiste sur le fait que le modèle est sans doute mal spécifié, pas la peine de vous remettre à fumer... 16/n

Le nombre de personnes dans le foyer et la présence d'un cas suspect dans le foyer sont sans surprise associés à un risque nettement plus important. 17/n

Bref, tout ça est très intéressant, mais c'est vraiment dommage que l'échantillon ne soit pas plus grand. La seconde vague de l'enquête devrait bientôt commencer et l'échantillon va être agrandi. J'espère qu'on n'aura pas à attendre si longtemps pour les résultats ! 18/18