C’est la période où tous mes patient·e·s me parlent de leur ÉVALUATION ANNUELLE DE COMPÉTENCE AU TRAVAIL. Et comme chaque année, c’est le moment où je manque de faire 12 attaques/jour tant ce que j’entends est scandaleux.
Le principe en soi, de noter quelqu’un, est un creuset
pour fabriquer de la souffrance au travail. Cela provoque des blessures narcissiques réelles, des doutes, des pertes de confiance. C’est aussi une énorme INFANTILISATION. Les notes, c’est à l’école (et d’ailleurs à l’école, il y a des réflexions en cours pour inventer d’autres
systèmes car on n’est plus si sûr·e·s que ce soit très aidant). C’est vendu comme un support d’échange mais en fait ça évacue toute discussion par une espèce de mécanisme de tunnel (on ne parle que des points de compétences pré-selectionnés par l’employeur et seulement sous
l’angle des critères donnés par l’employeur). C’est aussi très INTRUSIF parce que dans certaines évaluations on se positionne sur votre caractère ou votre personnalité (vous êtes trop timide, pas assez dans l’échange avec vos collègues, vous ne souriez pas assez) et ça valorise
toujours le même modèle de personnalité pour une plus grande uniformisation. On vous demande de justifier votre absence de sourire si possible en invoquant votre vie personnelle. Ce qui peut vous être reproché plus tard. Tout ce processus tend à rendre à la fois plus lissé et
plus puissant le rapport de DOMINATION sous un verni objectif (les chiffres c’est impartial lol). Et ça crée un précédent pour l’année d’après puisqu’on vous compare à ce qu’on a posé cette année.
Soit on me rapporte que c’est une pantomime ridicule soit on m’en parle comme
créant énormément de souffrance, exacerbant les discriminations. Cette année en vrac : on a reproché à une patiente de ne pas prendre assez d’initiatives tout en admettant qu’il n’y avait pas de possibilité de le faire (coucou l’injonction paradoxale + ce qui reste dans le
dossier c’est le manque d’initiative), a une autre qu’elle avait moins l’air d’avoir envie d’être là (coucou le travail alimentaire, pourquoi on devrait être ravi d’être là ?), à un autre d’avoir été négatif (après l’annonce d’un plan social), etc.

Je vous conseille d’être
très vigilant·e dans ces situations. Si ca va sur le terrain de votre vie perso, vous pouvez dire que vous ne voyez pas ce que ça apporte à l’entretien ou que ça vous met mal à l’aise, si ça va du côté de votre caractère vous pouvez demander si ça impacte la qualité de votre
travail. Dans l’ensemble posez des questions faussement naïves pour faire que l’autre précise où il veut en venir car souvent ces entretiens fonctionnent sur des sous-entendus et des dominations intériorisées. Poser des questions, demander des précisions met en lumières ces non
dits. Par exemple, pourquoi être souriant·e serait un plus ? On a intériorisé cette donnée et on ne tique plus quand on nous dit ça mais ma patiente à qui on a fait cette critique est employée de bureau (pas de clientèle), en quoi sourire rend son travail meilleur ? Bref, si
vous n’avez pas de marge parce que vous craignez de perdre votre emploi, juste vous dire courage vous n’êtes pas seul·e a souffrir de cette merde (ne culpabilisez pas, par définition c’est très difficile de sortir d’un rapport de domination) et si vous avez un peu d’espace de
rébellion, n’hésitez pas à l’utiliser pour faire apparaître les enjeux.

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More from @lapsyrevoltee

31 Oct
RETOUR SUR L’ÉTAT PSYCHIQUE DES GENS POST RECONFINEMENT ET ATTENTAT :
Hier, j’ai eu une longue journée de consultations. J’ai trouvé toute ma patientèle psychiquement atteinte. Voici un résumé des idées qui sont le plus revenues
⬇️
- C’est comme si j’étais dans un monde dont je ne comprends plus les règles. Je navigue à vue.
- Le virus et le terrorisme sont un ennemi invisible, ça peut surgir n’importe quand
Là nous avons deux idées qui reprennent le fait que les gens ne savent plus comment anticiper
les dangers, comment se sentir protégés. C’est typiquement ce qui crée les conditions des traumatismes. Ça implique une hypervigilance constante de peur de ne pas voir arriver un danger et donc bcp d’angoisse car malgré cela rien n’est maîtrisable & beaucoup des outils psychiques
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24 Oct
Vous êtes plusieurs à m'avoir demandé, suite à mon tweet, comment on réagit en tant que psy, devant quelqu'un qui tient un discours complotiste et si on essaye de le ou la raisonner. Je crois que ce n'est pas mon rôle de juger le discours ou les croyances de ⤵️
mes patient.e.s parce que cela voudrait dire que j'érigerais mon opinion en norme. J'interviens très concrètement quand je sens que le discours en question met directement la vie de quelqu'un.e en danger. Par exemple, si un.e patient.e me dit que comme le covid n'existe pas iel
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7 Oct
#cequejefaismal Le médicament donne le diagnostic. Voila une démarche que j'ai vue dans les services de psychiatrie axés comportementalisme. Si le patient répond à une classe de médicament, cela détermine sa pathologie. Je vais vous expliquer pourquoi je trouve ça humainement
très dangereux avec deux exemples. Une de mes patientes a fait ce qu'on appelle un virage maniaque sous anti-dépresseurs, c'est à dire qu'elle s'est mise à être agitée, désinhibée, speed. Ce qu'il faut faire dans ces cas là, c'est diminuer/arrêter l'antidépresseur et s'il
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22 Sep
réponse AUX MALADES CHRONIQUES qui me reprochent depuis ce matin de parler des séquelles du covid parce que pour elleux c’est validiste (car le covid est déjà médiatisé) et qui me disent, en gros, que c’est bien fait pour ma gueule parce que ça me sensibilise à leur lutte ⬇️
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21 Sep
Le décret qui permet l’accès à la qualification de « maladie professionnelle » pour le covid est paru. C’est une honte, nos dirigeants, loin de respecter leur engagement, continuent de cracher à la gueule des gens :
1- il faut avoir une sérologie ou une PCR positive alors qu’on
sait que les malades de Mars-Avril n’ont pas eu accès à la PCR et parfois à la sérologie seulement 4 mois après leur contamination (une étude démontrait que les anticorps pouvaient se négativer dans cet intervalle) et que bcp de malades ont des sérologies négatives (même ayant
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2- Il faut avoir reçu de l’oxygénothérapie. Je rappelle qu’en mars pour être hospitalisé il fallait sérieusement desaturer. Les limites de SAO2 déclenchant l’hospitalisation étaient
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14 Sep
Ceux qui se découvrent grands féministes quand il s’agit de libérer les femmes de l’Islam, vous êtes juste islamophobes. J’ai lu le Coran et j’ai aussi lu la Bible. L’avez-vous lue aussi ? Si on reste collé au texte, je vous rappelle que la Bible est très misogyne et
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