Hier un de mes plus fidèles compagnons de galère a quitté le tribunal, pour partir à la retraite. J'etais toute jeune substitut et lui était déjà au tribunal depuis longtemps. Il y était rentré comme agent technique, et petit à petit était devenu un maillon indispensable.
Il était greffier (enfin catégorie C, il "faisait fonction" de greffier mais 0 différence) du TTR (la perm pénale), il tutoyait tous les enquêteurs, il connaissait toutes les ficelles.C'est à ses côtés que j'ai appris le métier, que j'ai fait des conneries, bricolé des solutions.
On a vécu les perm de folie, 3 téléphones sonnant non stop; les défèrements à la chaîne; les dossiers à 80 infractions qu'on enregistrait à 2 ("on fait la course?"). Il m'a vue hésiter, gueuler en défèrement, changer d'avis ("ok je vous mets pas à l'écrou, retour à la case JAP").
Sa femme est tombée malade. Je me suis séparée. J'ai rencontré M.sir. Il est tombé malade, il était fatigué, plus dur à suivre à la perm, mais il voulait pas le montrer. Il est devenu papi, 1 fois, 2, 3...Je suis partie, revenue. On a vécu nos coups durs, nos bonheurs...
Toujours en se chambrant, toujours en se confiant avec pudeur, toujours à savoir qu'on pouvait compter l'1 sur l'autre. Il avait eu la médaille des services judiciaires, que j'ai pu le taquiner!!
Hier il est parti, couvert de cadeaux oui mais sans bruit, sans fête.
Hier il est parti, couvert de cadeaux oui mais sans bruit, sans fête.
Crise sanitaire oblige, pas de pot de départ, il nous a dit au revoir au détour d'un couloir, et il a embarqué ses blagues et un morceau de la mémoire du tribunal avec lui. Je sais que je le reverrai, qu'on la boira cette coupette, et qu'on trinquera à ce repos bien mérité.
Tu vas me manquer.
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