Et c'est parti sur un court fil autour du cosmopolitisme sourd, et plus particulièrement depuis la fin du XIXe siècle, en quoi cela influence la culture sourde. #histoiresilencieusedessourds 1/?????? (court ou long,je n'en sais rien ;) )
Avant tout chose, essayons de comprendre en quoi les sourds constituent une communauté. Vous diriez : "comment cela se fait que des handicapés constituent une communauté ?"
--> la langue des signes, tout simplement ! Cela met l'handicap au second rang. 2/??
En effet, de nos jours, les militants sourds évoquent davantage le droit à l'accès à la langue des signes comme condition préalable sur tout le reste. Ils n'évoquent peu les discriminations liés à la surdité. Pourquoi ? 3/??
Parce qu'il n'y a pas une seule surdité, mais des surdités. Il y a une telle variété de situations qu'il est impossible de dire qu'il y a une seule surdité, cela n'existe pas. Ainsi, les Sourds préfèrent évoquer leur dénominateur commun : être sourd et 4/??
en plus, être noétomalalien. (utilisateur de la langue des signes, gestualiste, signeur etc...). Cette combinaison de deux caractéristiques apportent une nouvelle vision du monde, une autre évocation centrée, non sur l'audio, mais sur la vision. 5/??
Et c'est cette vision d'un monde visuel, noétomalalien qui est à la base du cosmopolitisme sourd, qui va au-dessus des frontières et des différentes cultures. Et, c'est très ancien même ! 6/??
On peut retrouver cette mention avec le livre de Pierre Desloges quant à la facilité qu'ont les sourds de différentes régions à se mettre en contact et à s'échanger d'informations, à être solidaires. J'en ai évoqué dans ma thèse/livre sur les sourds de la 7/??
Belle Epoque, au chapitre premier. J'y expliquais que les caractéristiques d'une communauté sourde ne se réduisent pas à une caractéristique physique, mais il comprend également le vécu commun, une volonté d'en être, et en même temps, d'y être non volontairement. 8/??
Ainsi, le cosmoplitisme sourd évoque justement toutes ces caractéristiques commune entre tous les sourds, de leurs vécus communs, de leurs parcours quelque soit le pays, l'origine etc... Et, c'est ce qui a fait développer le mouvement militant sourd mondial à la fin du XIXes 9/??
Face à la volonté des partisans d'une éducation purement orale qui veulent construire une éducation basée sur la langue du pays, les sourds font développer une solidarité internationale, lancée dans un 1er temps par les sourds allemands, en 1873 10/??
Ces derniers sont, à cette époque, les plus avancés dans les droits, comme les américains et les scandinaves, avaient des associations puissantes et des maisons de retraites pour sourds âgés. 11/??
Ils ont donc lancé les premiers congrès d'Europe centrale, entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Suède (les seuls pays existants à cette époque, pour rappel) entre 1873 et 1884. 12/??
Mais, ce sont les sourds français qui vont lancer dans une dimension réellement internationale avec le congrès de Paris en 1889, profitant de l'existence de l'exposition internationale, pour évoquer leur sort face à l'oralisation exclusive. 13/??
Donc, durant ce congrès, les participants (venant de tous pays) mettent en commun leurs difficultés respectives et du bilan du congrès de Milan qui s'est imposé dans certains pays. Ce qui en ressort, c'est l'assentiment commun sur l'importance du noétomalalien. 14/??
Ils ont surtout évoqué le fait qu'il y a eu un siècle d'expérience pour prouver les succès de l'utilisation des langues de signes dans l'éducation de l'enfant sourd. Les américains mettent en avant le succès de leur Gallaudet Collège 15/??
Les Français évoquent leurs gloires passées et de leur sidération face à la sinistre décision du congrès de Milan qui balaient ces années de réussites. Le congrès a voté pour la restauration de la langue des signes dans l'éducation de l'enfant sourd. 16/??
Cette volonté commune est régulièrement revotée à chaque congrès jusqu'en 1914. ET c'est seulement après que cela a volé en éclats... 17/??
La première guerre mondiale a brisé cette solidarité internationale sourde que je pourrais aussi évoquer, dans le droit esprit de la Belle Epoque, le Transnationalisme sourd, pour aller au-delà des frontières. 18/??
Ainsi, le premier conflit mondial a d'abord brisé cette solidarité, mais aussi renforcé l'eugénisme par un développement du nationalisme, de la sélection génétique, de l'obsessionnel pureté de "race" en évoquant ces sous-humains que sont les sourds... 19/??
En effet, les lois autour de la Prohibition, votées en 1919 freinent les voyages transatlantiques pour les sourds. Puis, les différentes lois qui freinent voire qui obligent de se stériliser... 20/??
Or, ces lois ne rencontrent guère d'opposition de la part des sourds. Pour la plupart, cela se passe à l'étranger, donc pas concerné. Alors qu'à la Belle Epoque, on assiste à une perception différente. Cette transformation s'explique par 21/??
Une éducation oraliste qui met au centre le pays, et non plus une vie commune, et encore moins d'une "supposée langue" qui "n'est qu'un amas de gestes". Ce rejet du noétomalalien se développe sur tous les pays au cours de ce siècle 22/?
Ainsi, la loi Aktion T4, en 1933, en allemagne, impose la stérilisation de tous les sourds de naissance. Cette loi n'a guère soulevé que quelques réactions indignées. C'est après la seconde guerre que l'on retrouve très lentement ce cosmopolotisme sourd 23/??
Ici encore, c'est entre deux blocs : l'occident et le monde soviétique. Et c'est à partir de 1951 que la Fédération Mondiale des Sourds est votée, fruit d'un voeu datant de la Belle Epoque. Mais, cela ne soulève pas trop d'enthousiasme... 24/??
Parce que cette FMS représente souvent l'ordre traditionnel : l'éducation orale reste la norme. Cela fait déjà presque 80 ans que les LS sont bannis ou dévalorisées dans la plupart des pays. donc, difficile d'évoquer l'attachement aux LS. 25/??
Or, les langues des signes constituent le pilier fondamental de toute communauté sourde. Sans elles, nul communauté, tout simplement. Sans elles, ce n'est qu'un groupe de personnes handicapées auquelles il faut soigner... 26/??
Cette perception d'un simple groupe de personnes est la norme entre la seconde guerre et les années 80. On le voit dans les médias, et surtout dans la relation entre les écoles et les parents : l'enfant sera réeduqué, il entendra. C'est tout 27/??
Mais, l'ordre traditionnel est bousculé par l'arrivée d'une nouvelle génération, dans les années 70, qui est attaché au bien être des enfants, et surtout au droit d'avoir leur langue (influence des droits civiques). Le choix de l'individu prime ici. 28/??
Ainsi se construit une solidarité internationale depuis l'université Gallaudet, aux Etats-Unis, l'un des derniers bastions du noétomalalien avec la scandinavie, à cette époque vers les autres pays dont la France. 29/??
A partir des années 80, les sourds Français, depuis l'expérience américaine, vont donc construire un combat militant sourd français, tout en s'appuyant sur cette expérience internationale, et de la transformation de la FMS désormais défentrice des LS. 30/??
Puis, la révolte estudiantine sourde à Gallaudet pour avoir un président sourd apporte une nouvelle vague de cosmopolitisme sourd en 1989 avec le "Deaf Way", et en 2002 le Deaf Way II 31/??
De notre côté en France, on innove avec le mouvement des Sourds en Colère, évoquant le droit de rejet de l'implantation cochléaire, au nom du droit de l'enfant sourd de choisir, l'opérer, c'est lui dénier le droit. Cela influence les autres pays. 32/??
Au fur et à mesure, les lois des pays changent, reconnaissant de plus en plus les LS, cela est alimenté par les contacts réguliers entre les sourds des différents pays, et de la solidarité. Le rêve des congressistes de la Belle Epoque est ainsi concrétisé. 33/??
Ainsi, il semble bien que le militantisme sourd dans chaque pays est immanquablement alimenté par les militantisme locales, que les échanges et la solidarité internationale font clairement progresser depuis 40 ans. C'est cela le cosmopolitisme sourd. 34/??
Le vécu commun, adapté à chaque pays, et également à chaque époque, car moi-même, en lisant, je reconnais également ce qu'a vécu l'auteur ou l'autrice du texte. C'est très évocateur, car on comprend ce vécu commun. Cet article évoqué le montre bien. 35/35
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C'est un peu tard, mais, ayant été inspiré par le reportage sur les pyramides dans France 5, je vais commencer ici un fil sur la question du tombeau de l'abbé de l'Epée qui a soulevé d'importants débats au cours du XIXe siècle. Voici ce qui devrait intéresser @lebizarreum1
Donc, le 23 décembre 1789, l'abbé de l'Epée, de son vrai nom complet Charles-Michel de l'Epée, né le 24 novembre 1712, meurt à 77 ans, après s'être consacré aux enfants sourds depuis 1760. #histoiresilencieusedessourds
A ce moment-là, c'était une célébrité. De nos jours, les médias en auraient consacré des minutes de reportage. Mais, cela survient à un moment de révolutions. 14 juillet était déjà passé !
Donc, c'est parti ! Suivez ceci : #courssilencieux pour retrouver le fil !
Le sujet du cours : La chronologie sourde ! J'ai prévu environ une heure pour ceci. Mais cela dépendra de ce que je dirai. Chaque tweet sera numéroté, donc pas de soucis pour se perdre ! 1/??
#Courssilencieux Avant toute chose, la chronologie en histoire sourde est une construction assez récente contrairement à l'historiographie classique. Quelle est la chronologie classique ? 2/??
Il est construit, pour l'Occident, sur le traditionnel Antiquité-Moyen Âge - Temps Modernes - Epoque Contemporaine. Ainsi, l'Histoire sourde, dans le sens scrict d'Herodote (témoignage écrit), est une très petite partie de l'Histoire classique ! #Courssilencieux 3/??
Vraiment, le XXe siècle n’est pas ma période favorite en histoire des Sourds... trop d’eugénisme dedans... et trop de textes délirants à propos d’une « race sourde » (dixit le fameux graham Bell) #fautallerdedans#pasagreable
Je vous ferai un fil sur ce sujet vers 17h, restez en ligne.
Me voila ! Prêts pour vous embarquer dans l'un des chapitres les plus nauséabonds de l'histoire Sourde ? Je vais montrer en quoi la question des Sourds est bien plus complexe que la question d'une simple surdité.