Le 27 mars 1854, la France et le Royaume-Uni, alliés de l'Empire ottoman, déclaraient la guerre à la Russie. Fait peu connu, la guerre de Crimée marqua la fin de la marine de guerre à voile. (Peinture d’Ivan Aïvazovski, 1886) #thread
La fin de la marine de guerre à voile, et par conséquence celle du règne des vaisseaux de ligne, était en fait inéluctable depuis les débuts de la navigation à vapeur. Elle fut simplement accélérée par ce conflit et se joua en plusieurs actes.
L’histoire commence ainsi : en 1853, le tsar Nicolas Ier voulant accéder à la mer Méditerranée et dépecer l’empire Ottoman, cet "homme malade, très malade" selon l’empereur russe, ordonna l’occupation des provinces moldo-valaques et la destruction de la flotte turque.
Premier acte. Le 30 novembre 1853, une escadre ottomane fut anéantie par la flotte russe lors de la bataille de Sinope. Peinture d'Ivan Aivazovsky.
A Sinope, les navires russes étaient armés de canons-obusiers à la Paixhans. Contrairement aux canons ou caronades antérieurement utilisés, bouches à feu tirant des boulets massifs ou de la mitrailles, le canon-obusier lançait des boulets explosifs particulièrement dévastateurs.
En France, cette nouvelle artillerie navale, "destinée non à armer les vaisseaux, mais à les détruire" fut pensée par un officier de l'armée de terre, Henri-Joseph Paixhans, dés 1822.
Le canon-obusier fut effroyablement efficace à Sinope, où les Ottomans subirent des pertes importantes. Peinture d'Ivan Aivazovsky.
L'utilisation de cette nouvelle artillerie imposa bientôt le blindage des navires de guerre, imposant de fait la vapeur...
Deuxième acte. Après avoir déclaré la guerre à la Russie, les Alliés décidèrent d’attaquer principalement en Crimée. Les Franco-Britanniques réunirent une importante escadre chargée de transporter un corps expéditionnaire de 60 000 hommes en mer Noire.
Le 22 octobre 1853, l'escadre alliée se dirigeant vers la mer Noire fut bloquée devant le détroit des Dardanelles pendant plusieurs jours à cause des vents et courants contraires.
Le vaisseau amiral français la Ville de Paris fut l'un des rares à pouvoir franchir le détroit grâce au remorquage du 90 canons le Napoléon, vaisseau à vapeur flambant neuf conçu par l'ingénieur Dupuy de Lôme, le premier à être doté d'une hélice.
Le vaisseau amiral anglais HMS Britannia, qui n'était pas à vapeur, dut attendre une semaine, honteux, un temps favorable pour passer et rejoindre son équivalent français.
Troisième acte. Le 17 octobre 1854, la flotte alliée arrivée devant Sébastopol bombarda les forts protégeant le port russe. Les navires franco-britanniques, en bois, subirent d'importants dommages durant cette attaque inefficace. Peinture d'Adrien Champel.
Dans son ouvrage La marine de Napoléon III, Michèle Battesti écrit que cette journée "marque un tournant dans l’histoire de la guerre sur mer dans la mesure où elle constitue une des dernières représentations des vaisseaux en bois. Leur obsolescence[…]est désormais irréfutable."
Quatrième acte. Un an après l'attaque ratée de Sébastopol, le 17 octobre 1855, seules trois batteries flottantes (cuirassées) françaises - nommées la Tonnante, la Dévastation et la Lave - suffirent pour réduire sous silence la forteresse russe de Kinburn.
En 4h, trois navires cuirassés parvinrent à faire mieux qu'une escadre de 27 grands vaisseaux en bois. Pour citer à nouveau l’historienne M. Battesti, il n’était dés lors plus question d’envoyer d’autres bâtiments que des "forteresses de fer" contre des forteresses de pierre.
L'ensemble de ces évènements amenèrent les puissances navales de l'époque à conclure que la marine à voile et en bois avait fait son temps. Certains l'avaient certes compris depuis plusieurs décennies, mais de toute évidence la guerre de Crimée confirma cette idée.
Citons notamment le capitaine de frégate français Merigon de Montgéry, qui dés 1819 écrivait : "Dans peu d'années, les bâtiments à vapeur seront les seuls employés à la guerre."
Dés 1857, c'est à dire au lendemain du conflit, les marines française et anglaise cessèrent de considérer les navires à voile comme navires de guerre. Les deux puissances motorisèrent leurs vaisseaux anciens et conçurent de nouveaux vaisseaux à vapeur. troisponts.net/2013/07/20/la-…
Deux ans plus tard, en 1859, la France lançait la frégate cuirassée la Gloire. Conçue par l'ingénieur Dupuy de Lôme, soutenu par Napoléon III, la Gloire est considérée comme étant le premier cuirassé de haute mer de l'histoire.
En réponse, les Britanniques lancèrent en 1860 le HMS Warrior, à coque en fer. Le règne des cuirassés commençait, celui des vaisseaux était terminé ! #FIN
A propos du bombardement de Sébastopol par la flotte franco-britannique le 17 octobre 1854. Quand des forteresses de bois s'attaquèrent à des forteresses de pierre. troisponts.net/2020/10/17/le-…
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Tandis que la Grèce célèbre le bicentenaire de la guerre pour son indépendance, rappelons que la marine française y joua un rôle décisif. En 1827, une escadre réunie par le Royaume-Uni, la Russie et la France écrasa la flotte ottomane durant la bataille de Navarin.
En 1828, un corps expéditionnaire français d'environ 15000 hommes commandés par le général Nicolas-Joseph Maison débarqua en outre dans le sud-ouest du Péloponnèse afin d'y chasser les forces turco-égyptiennes.
A Pylos (Grèce), un mémorial rend hommage à "La France, à ses enfants, marins et soldats morts pour l'indépendance hellénique [lors de la] bataille de Navarin (20 octobre 1827) et de l'expédition de Morée (1828-1830)".
25 mars 1766 : lancement à l'arsenal d'Indret (Nantes) de la frégate la Boudeuse. C'est à son bord que le comte de Bougainville réalisa le premier tour du monde français de 1766 à 1769. La Boudeuse fut accompagnée dans ce passionnant voyage par la corvette l’Étoile.
Refondue en 1776, la Boudeuse prit part à la guerre d'Indépendance américaine, durant laquelle elle captura notamment le sloop HMS Weazel dans les Antilles, le 13 janvier 1779, et participa à la prise de l'île de Saint Barthélémy, le 28 février 1779.
Pendant les guerres de la Révolution, elle reprit le 8 juin 1794 la frégate l'Alceste, capturée par les Anglais lors de la prise de Toulon l'année précédente et donnée à la marine sarde.
Il est temps de mettre fin à un mythe ! Contrairement à une idée très répandue, le vaisseau espagnol Santísima Trinidad n'était pas un "quatre-ponts" unique en son genre.
Le vaisseau espagnol disposait bien de quatre batteries complètes, mais la dernière n'était pas couverte. Cette quatrième batterie était en fait constituée grâce à la réunion des gaillards. Et ce détail change tout !
Au XVIIIe siècle, le niveau supérieur des vaisseaux se divisait en gaillard d’arrière et gaillard d’avant, ceux-là étaient reliés par des passavants et étaient donc partiellement armés.
Âge moyen des vaisseaux à la bataille de Trafalgar, 1805 (source : Rémi Monaque, Trafalgar) :
🇫🇷 : 9 ans
🇪🇸 : 24 ans
🇬🇧 : 16 ans
Il y aurait beaucoup à dire sur ces chiffres. En premier lieu que la flotte française est composée de navires quasi neufs, presque tous issus des plans types Sané-Borda adoptés dans les années 1780 et construits à la toute fin de l'Ancien Régime ou pendant la Révolution.
On constate également l'âge avancé des vaisseaux espagnols. Le plus vieux d'entre eux, le 100 canons Rayo, fut lancé à La Havane en 1749. A Trafalgar, ce navire a donc 56 ans !
Les navires-écoles des marines sud-américaines arborent encore les grands pavillons que portaient autrefois les navires de guerre de l'époque de la marine à voile. Et c'est beau ! Ici la Gloria (1967), de la marine colombienne.
Le Cuauhtémoc (1982), navire-école de la marine mexicaine.
Le Guayas (1976), navire-école de la marine équatorienne.