Bon, après le conclave raté de la gauche, je vais tenter un truc : prédire la #Presidentielle2022, et comment on s’en sort. 👇
Pour commencer, disons l’évidence : “les prédictions c’est compliqué, surtout pour l’avenir”, comme disait l’autre. Mais si je devais parier de l’argent sur un scénario, ça serait celui là :
Déjà, faisons un tour des déclarations qui ressemblent de près ou de loin à des (pré) candidatures :
Attention, je ne dis pas que tous se présenteront. Mais qui peut assurer qu’il n’y en aura qu’un et un seul parmi tous ? On en a déjà eu 8 en 2002.
(NB : Je ne dis pas non plus que tous sont de gauche, loin de là : simplement qu’ils peuvent y grignoter de l’espace)
Bon, face à cette multitude, on voit en général trois solutions : il faudrait
- soit un accord programmatique,
- soit une primaire,
- soit que l’un d’entre eux écrasera les autres si tout le monde y va.
Commençons par cette dernière solution.
Soyons optimistes, imaginons que les sondages douchent les espoirs de quelques uns et qu’ils ne soient que 6.
Si 5 font 2,5 points en moyenne (comme en 2017), il y a 12,5 points de gauche qui n’iront pas chez celui qui écrase les autres, dans un camp qui dépasse rarement les 35%.
Si vous pensez que c’est faisable, je crois qu’il est bon de rappeler qu’en 2017, il n’y avait que 8 points chez les candidats de gauche hors JLM, et il était quand même 4ème. Alors imaginez s’il en manque 12,5.
Si vous êtes du PS, d’EELV ou de LFI, peu importe, imaginez que les deux autres partis fassent leurs scores planchers qu’on observe à chaque élection plantée, c’est à dire environ 6 à 8% chacun, et vous verrez vite que ça ne marche pas.
Bref, si vous pensez que vous pouvez vous payer le luxe de la division parce que vous avez le cheval rare qui va piétiner les autres, j’espère vous convaincre que c’est pas assez.

Bon, alors départageons tout ce monde dans l’arène électorale, alors, par une primaire, non ?
Pour commencer, EELV, la FI, le PS et le PCF, aucun de ces partis ne fait confiance aux autres pour l’organiser. Mais même si c’était le cas, il y a plus gênant. Mettez vous dans les bottes de n’importe quel candidat :
Si vous êtes Mélenchon, refuser la primaire en 2017 vous a plutôt bien réussi.
Si vous êtes un autre, non seulement vous avez constaté en 2017 les résultats de Mélenchon et Macron qui ont refusé la primaire, mais en plus, vous avez vu ce qui est arrivé :
- à Hamon qui s’y est plié et l’a remportée à la loyale,
- aux perdants de la primaire qui ont tenu parole,
- à Jadot qui a rejoint le vainqueur de la primaire (et ne s’est pas fait rembourser ensuite),
- et à ceux qui ont trahi qui sont devenus ministres etcaetera…
Après avoir vu ça, vous iriez à une primaire, vous ? Parce que moi, absolument ja-mais : que les autres aillent y perdre leur temps pour se faire trahir ensuite, pendant ce temps je tracerais ma route, j’irais monter ma logistique, mon équipe, mon programme, ma base militante…
Et quand les autres arriveront la fleur au fusil fin janvier 2017, pardon fin janvier 2022, ma machine de guerre sera déjà prête à les écraser. Comme Mélenchon et Macron il y a 3 ans. Comme Xavier Bertrand qui refuse de passer par une primaire à droite.
Les primaires, c'est viable que quand une candidature hors de l'appareil est impossible (comme, de fait, aux USA). C'est pas le cas en France.

Reste l’accord sur un programme. Pour ça, il faut soit s’entendre sur un deal malgré nos désaccords, soit régler les désaccords.
Pour ce qui est de la première option, je suis 100% d’accord avec Mélenchon : "Si l'on se met tous d'accord, ce serait sur l'offre qui ne fâche personne, et si on fait ça, plus personne n'écoute”

francetvinfo.fr/politique/mele…
Et le fait que lui refuse cette option (et franchement je le comprends, j’aurais pas non plus envie de défendre un accord programmatique mou auquel je crois mollement), ça la condamne de facto.

Donc passons à l’autre option, se mettre d’accord.
Il y a quelques temps, @RaveaudGilles a fait ce fil, dans lequel il dit en gros que les gauches sont fracturées sur 3 sujets : l’Europe, la croissance et le rapport à la religion/l’ethnique
On est d’accord ou non sur la liste des sujets, peu importe, un truc reste vrai : au sein de la gauche, on est pas d’accord sur plein de trucs. Soyons clairs : c’est normal, c’est même notre ADN. On est le camp insatisfait, qui questionne, qui déconstruit, qui remet en cause.
Les conservateurs veulent que rien ne bouge, et pour ça, pas besoin de dix projets différents, un seul suffit, “non aux gros changements”. Mais quand on veut du changement, on propose des solutions, on les débat, on les expérimente, jusqu’à trouver ce qui fonctionne.
Le meilleur exemple pour moi c’est certains débats féministes. D’abord “jetez vos soutifs”, puis “oui mais moi vu ma poitrine, j’en ai besoin”, “oui mais c’est un instrument d’oppression”, “ok mais m’obliger à ne pas en porter est aussi un diktat, je me sens mieux avec”, etc...
De telle sorte que le statu-quo aujourd’hui sur les vêtements*, maquillage, etc, est : “mets ce dans quoi tu te sens bien, tant que c’est ton choix et que tu sais que t’es libre de porter autre chose”
*encore que sur le voile le débat n’est pas terminé, comme quoi.
Bref, chez nous, débattre est naturel, et c’est contre-nature pour nous de se forcer à taire les débats parce que l’élection présidentielle, reine en France, défavorise ceux qui y arrivent divisés. Autrement dit : « il faut une union »... sauf qu’on n'est pas le camp qui s’unit !
Les débats sur ce qu’il est féministe de porter, ça a duré 60 ans, la laïcité ça fait facile 200 ans... Est-ce qu’on pense vraiment que d’ici à 2022 ou même 2027, on va régler nos divergences sur l’UE, ou sur la décroissance, ou sur le travail, le revenu universel, la 6ème rép…?
Je ne crois pas. Et je vais vous dire : on ne devrait pas accepter d’avoir à le faire.

Donc 1000 candidatures = non, primaire = non, union = non. C'est la quadrature du cercle. Alors comment on fait ?
(Avant de passer à la suite, une dernière brique : Mélenchon va voir 70 ans en août. Toute solution qui implique qu’il s’efface, pour ensuite être libre de retenter en 2032 à 75 ans est inacceptable pour lui. Il faut l’entendre.)
Donc, comment on fait ?
La première étape consiste à réaliser que Debré et de Gaulle savaient ce que je viens de dire, que la droite française bonapartiste n’a, la plupart du temps, aucune difficulté à s’unir, là où la gauche adore se déchirer.
Du coup, quand ils ont conçu la 5ème république, ils ont logiquement choisi un mécanisme qui récompense l’union et punit la division, où le résultat change selon le nombre de candidats. Le scrutin majoritaire à deux tours est résolument politique et stratégique.
Que la gauche l’accepte alors que ça joue contre nous 👏 A 👏 CHAQUE 👏 ELECTION 👏 est incompréhensible. Il en existe d'autres, qui ne connaissent pas ce phénomène (on dit qu’ils sont “indépendants des alternatives non pertinentes” dans le jargon de la théorie du choix social)
Vote par approbation, vote alternatif, méthode de Coombs, jugement majoritaire : peu importe. Tous sont strictement supérieurs au système actuel. Si vous ne connaissez pas, (en très gros) votre vote permet de dire "si ça peut pas être A alors B, si ça peut pas être B alors C".
Dans ces modes de scrutin, pas besoin de voter utile, c’est vraiment “que le meilleur gagne”, et pas “que le camp le plus divisé perde”. Dans ces modes de scrutin, les voix pour Hamon/Poutou/Arthaud n’auraient pas été des voix contre Mélenchon (et inversement).
Autrement dit, un candidat en plus ou en moins ne vient pas flinguer les chances des autres d’y arriver.
(Et accessoirement, ils ne sont plus incités à être ennemis mais à être copains, à dire "si vous ne votez pas pour moi, mettez moi au moins en N°2").
Avec ces modes de scrutin, pas sûr que la gauche gagne, hein (heureusement d’ailleurs, sinon ce ne serait pas démocratique). Mais au moins, elle a une chance et n’est pas désavantagée artificiellement (et antidémocratiquement).
Et surtout, ça se met en place très facilement (pas besoin de changer la Constitution, une loi organique suffit). Pas besoin d’un quinquennat, on peut avoir une équipe élue pour quelques mois, qui met ça, et uniquement ça, en place puis dissout l’AN et démissionne.
Pour Mélenchon comme pour les autres, c'est un deal acceptable, parce que tous voient leurs chances de gagner augmenter à la nouvelle élection 6 mois plus tard. Pas besoin d'union contre-nature. Et particulièrement pour Mélenchon : il a encore l'âge !
Reste plusieurs questions.
1) “Quel candidat pour ces quelques mois ?”
J’en sais rien, on s’en fout, c’est pour quelques mois : tirons le au sort parmi les lieutenants de chaque parti par exemple.
2) “Pourquoi pas directement une 6ème république ?” Parce que dès qu’on dit 6ème, il faut ensuite dire laquelle, et là, en une seconde, plus personne n’est d’accord. Depuis 1958 on parle de 6ème république, et on arrive toujours pas à se mettre d’accord sur son organisation.
Et aussi parce que c’est beaucoup plus compliqué à mettre en place : il faut gagner le Sénat, donc il faut gagner très largement les prochaines municipales… en 2026, puis les sénatoriales en 2029 et 2032. Entre temps, faut avoir gagné les présidentielles 2027 et 2032...
(Oui, la 5ème est bien verrouillée... Bien trop.)
3) “L’urgence sociale/climatique/économique ne peut pas attendre 6 mois”
Abusons pas non plus. Et surtout, l’alternative n’est pas entre 0 et 6 mois hein, elle est entre 6 mois et 60 mois, 5 ans de Macron ou de Le Pen. Voire pire si on reproduit nos divisions en 2027, 2032...
4) “Et s’il y a une crise mondiale pendant les quelques mois ?”
On trouve un moyen, si on veut, on peut. Par exemple, un triumvirat des dirigeants des partis. On alors on fait *vraiment* confiance à l’AN. Ou autre chose, c'est un faux obstacle.
5) “Et si Jadot / JLM / Hidalgo / Montebourg / un.e autre ne veut pas ?”
Si tout le monde est ok, sauf un qui veut tenter sa petite chance à la victoire sans voir sa grande chance de tous nous faire perdre, une solution est de lui assurer la défaite :
Mutually Assured Destruction, en somme.

De toute façon, si l’un refuse de jouer le jeu, on revient à la situation d’aujourd’hui, donc bon...
6) “Ton nouveau mode de scrutin n’est qu’un patch de la 5ème république.”
Oui. Complètement. Ca ne règlera pas ses problèmes fondamentaux (cf. le fil ci dessous). C’est très loin d’être idéal. Mais c’est ce qu’on a de moins irréaliste à l'heure actuelle.
Et peut être que dans 10 ans, quand on est plus dans la guerre des clans mais en train de mener la bataille culturelle, on arrivera à une situation où seront politiquement envisageables une vraie 6ème, les vraies réformes climatiques, le bras de fer pour réformer l’UE, etc...
Parce qu’en l’état, imaginons 1s que par miracle, on gagne 2022 ou 27. Et après ? On perdra probablement la suivante, puis on refera probablement 3 ou 4 cycles électoraux de division à gauche, avec toujours les mêmes impossibilités à s’entendre sur le fond comme sur le candidat.
J’ai pas envie qu’en 2052 on entende encore des “il faut un accord/une primaire” comme si c’était l’idée du siècle qui résoudrait tout durablement, alors que ce n’est pas le cas... 🙄
Le temps des corrections est venu.
Dans ce tweet, il faut évidemment lire "2027" et pas "2032".
PS : est-ce qu'on arrive à mobiliser là dessus ? Oui, et même des abstentionnistes :
"Françaises, français, tous les dirigeants de gauche ont toppé pour mettre fin au vote utile qu'on déteste tous. Ça ou Macron saison 2... S'il y a une fois où ça vaut le coup de se bouger !"

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