Thread by @lapsyrevoltee

Bon grâce à toutes vos sources, je me suis fait une plongée du côté des théories antivax et particulièrement celle évoquée par mon patient, vous m'avez demandé ce qu'une psy peut faire là dedans, etc. Voilà ce que j'ai compris :

1. Le contexte
Je vais changer des détails pour ne pas mettre en danger l'anonymat de mon patient mais je vais garder l'esprit du raisonnement
La théorie qu'il a évoquée c'est que le vaccin rendrait les non vacciné.e.s malades
2. La formation de l'idée
Je vous ai demandé des

sources parce que je voulais comprendre d'où venait cette théorie. C'était important pour moi et je vais vous expliquer pourquoi ça m'aide en tant que psy
Donc, d'après ce que j'ai compris cette idée vient

a) Du "shedding".
En gros, il s'agit de traiter le vaccin comme si

c'était un virus. Celleux qui croient à cette théorie pensent qu'une personne vaccinée peut exhaler des particules de virus qui auraient un effet sur les non vacciné.e.s se trouvant à proximité. Le mode de transmission serait le même que celui du covid

b) De l'ArnM
Ensuite, ça

vient d'une déformation du fonctionnement du vaccin à ARN. Le vaccin donne un plan de construction au système immunitaire pour créer une protéine qui va s'accrocher au virus s'il se présente. Une fois que le corps a reçu le plan de construction, il fabrique la protéine. Cette

étape dure 1-2 jours et puis c'est tout. Ce n'est que si le virus entre dans le corps que la fabrication sera relancée. Mais s'est répandue l'idée que le vaccin continuait à fabriquer des protéines en permanence et qu'elles se multipliaient et attaquaient le corps

c) Une

protéine dans le placenta
Certains médecins s'étaient inquiétés que la protéine fabriquée contre le covid puisse nuire aux femmes car elle avait des similitudes avec un protéine fabriquée dans le placenta. En gros, les anticorps se seraient mis à attaquer le placenta

et auraient provoqué une infertilité. Sauf que la protéine fabriquée ne fait que ressembler à celle du placenta, ce ne sont pas les mêmes et surtout dans ce cas les anticorps naturels de celleux qui ont eu le covid auraient eu le même effet. Or nous avons bcp de femmes qui ont

eu le covid et de jolis bébés !

d) Des effets secondaires sur les règles
Cette peur est venue se nouer au fait que dans les effets secondaires rapportés du vaccin certaines personnes se plaignent de cycles menstruels

un peu déréglés. Mais pas d'infertilité ! Une des hypothèse est que le vaccin crée une petite réaction inflammatoire qui pourrait avoir un effet temporaire sur le cycle.
Donc si on récapitule la formation de l'idée, on a :

le vaccin peut un peu perturber les cycles menstruels ➡️ la protéine fabriquée par les anticorps ressemble à une protéine du placenta ➡️les anticorps attaquent le placenta ➡️le vaccin fait de la protéine dangereuse ➡️ le vaccin est transmissible comme le virus ➡️le vaccin rend

les femmes infertiles➡️le vaccin transmet des maladies

3- La théorie retenue par mon patient
Ce que mon patient a évoqué c'est seulement cette partie : le vaccin nous rend malades, il faut donc s'éloigner des personnes vaccinées pour se protéger

4- On fait quoi en tant que psy?

a) Qu'est ce qui a été retenu ?
La première question que je peux me poser maintenant que je sais comment cette idée s'est formée dans la société c'est : quelle partie a été retenue par mon patient ?
Ici ce n'est pas la fertilité, c'est la contagiosité et le fait de s'éloigner de

l'autre. En posant des questions, en invitant mon patient à parler sans le juger, en me concentrant sur ce qui lui fait peur, ce qu'il ressent quand il lit ces théories, j'obtiens des informations précieuses.

b) Pourquoi ?
La 2e question que je me pose c'est pourquoi il a

retenu ça ? En quoi ça change sa façon d'être dans le monde ? Qu'est-ce qu'il en pense ?
Et là j'accède déjà à un niveau plus personnel, ce n'est plus la théorie qu'il me relate mais ce qu'il en pense, où est-ce que ça s'accroche pour lui, à quoi ça fait écho, à quelle peur ?

c)

c) Qu'est-ce que ça dit de lui ?
Là il me parle d'amour et de séparation, de confiance et de doute. Il me dit qu'au début il aimait vraiment le message antivax parce que c'était un message pour lui assez rassurant : l'épidémie n'est pas si grave, on doit rester proches. Pour lui

refuser les masques, refuser la fermeture de certains lieux publics : c'est refuser l'abandon, refuser l'angoisse de l'impuissance de pouvoir contaminer et tuer l'autre, c'est refuser l'aléatoire du monde. Le complot suppose une intention, la pandémie elle, est aveugle, amorale.

Elle n'a pas de sens.

d) S'accrocher au sens subjectif et essayer de creuser
Est-ce qu'il peut en dire plus sur cette question de la séparation et de l'impuissance ? Là, il me dit qu'il a l'impression que le fait de dire que c'est l'autre qui est contagieux, le vacciné, c'est

renverser une forme de ségrégation. C'est lui qui peut décider de mettre à distance, lui qui peut décider qui est dangereux. Il finit par me dire que c'est peut-être aussi un prétexte pour ne pas voir certaines personnes.

5- Ne pas oublier le social
Attention, une idée se forme

dans une société, dans un contexte. Si une idée prend racine c'est qu'elle fait écho à beaucoup de gens. Elle dit des choses au niveau individuel comme nous l'avons vu mais elle dit aussi des choses au niveau sociétal. Et ça en tant que psy on ne doit pas l'oublier. Ainsi mon

patient parle aussi du doute envers la science, envers la politique. Il parle de l'impression que ses intérêts ne sont jamais pris en compte par les élites, que ce ne sera pas la première fois qu'on prétend œuvrer pour son bien et qu'on le poignarde dans le dos. Il y a tout ça

aussi dans sa défiance.

6- A quoi ça sert ?
En l'invitant à parler sans le juger j'ai de nouvelles pistes pour travailler en psychothérapie avec lui et sans essayer de le convaincre, je lui montre en acte qu'il n'y a pas de séparation entre nous. A la fin de la séance, il me dit

que quelque part ces théories le rassurent. Elles donnent un contour et un responsable pour toute cette peur. Elles désignent un ennemi et rendent le monde plus simple à interpréter. Elles lui donnent des outils pour symboliser sa peur d'entrer en relation avec l'autre, que ces

relations finissent par lui faire du mal.

Je termine en résumant : l'important en tant que psy c'est d'être ouvert, de vraiment vouloir entendre au delà de la théorie, ce que la personne y trouve, ce que ça dit d'elle et aussi de son insertion dans le social.
En ce qui concerne

les vaccins, c'est aussi normal d'avoir des inquiétudes : pour la plupart d'entre nous c'est la première fois depuis que nous sommes en vie que nous sommes témoins de la création d'un nouveau vaccin. Et c'est normal que nous ayons des craintes. Je vous rappelle qu'il existe

des plateformes pour signaler les effets secondaires du vaccin : solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_…

Vous connaissez ma position sur le sujet, étant atteinte du covid long #ApresJ20, je sais que le covid est plus que la grippette annoncée, même pour les jeunes et les enfants, l'important

était ici de répondre à votre question sur le processus psychologique devant de telles idées. Enfin, je vous rappelle que je ne suis pas immunologue et que je me suis livrée ici à un exercice de vulgarisation (tant sur la science qui n'est pas mon métier que sur la psychologie

qui est mon métier mais que je résume). Tous les commentaires sont les bienvenus, avec précisons et sources si possible et dans le respect !