Audience correctionnelle, il y a des années ; Audrey est appuyée sur la barre & lève 1 sourcil amusé. Sur le banc des parties civiles Alex, son compagnon, tassé sur lui-même, les yeux rivés au sol, l'air misérable. Audrey est poursuivie pour violences conjugales.
Il y a quelques semaines, les services de police sont intervenus à la demande d'un voisin d'Alex et Audrey, qui a entendu une dispute, allant crescendo jusqu'à des hurlements, puis plus rien, ce qui l'a inquiété. Sur place, à force d'insistance, Alex a ouvert la porte.
Les policiers ont constaté qu'il avait la jambe en sang & présentait 1 plaie à la cuisse. Il n'avait pas envie, manifestement, de parler de cette blessure... Dans la cuisine 1 couteau ensanglanté & dans le salon Audrey, alcoolisée et tenant des propos incohérents.
L'équipage de police secours a fini par comprendre que le couple s'était disputé et qu'Audrey avait porté 1 coup de couteau à Alex qui était difficilement parvenu à la désarmer avant d'aller dans la cuisine essayer de nettoyer sa plaie, saignant abondamment.
Elle est placée en garde-à-vue & il est transporté à l'hôpital. La plaie est profonde, le couteau n'est pas passé loin de la fémorale. Alex, entendu, explique que comme souvent, Audrey a trop bu, s'est énervée, s'en est pris à lui... Il est très réticent à parler de leur couple
mais il décrit 1 climat tendu, des désaccords fréquents. L'enquêteur sent bien qu'il ne lui dit pas tout : par gêne, par crainte, il s'exprime par sous entendus et ellipses... Il ne dépose pas plainte, malgré la gravité du coup porté, pour ne pas l'enfoncer...
Audrey, 1 fois son taux d'alcool redescendu, reconnaît avoir porté le coup de couteau, mais pour se défendre des coups de son compagnon. Elle n'est pas blessée. L'enquêteur décide de gratter en auditionnant l'entourage du couple, pour se faire 1 idée. Il ne va pas le regretter.
Très vite, il se rend compte que le couple est très isolé. Audrey est en rupture avec sa famille, depuis longtemps. Le policier réussit a contacter sa mère, qui indique simplement ne plus parler a sa fille depuis des années et ne pas être étonnée de la savoir en garde-à-vue.
L'entourage d'Alex est largement plus prolixe et déclare ne pas le reconnaître depuis 4 ans et le début de sa relation avec Audrey. Beaucoup de ses amis ont d'ailleurs fini par s'en éloigner, gênés de la situation et de le voir empêtré dans cette situation.
Audrey est décrite comme facilement cassante envers son conjoint, l'insultant et le rabaissant, dénigrant son physique, son prétendu manque de charisme, se moquant de sa situation professionnelle précaire tandis qu'elle, a un emploi stable et entretient le ménage.
L'amie la + proche d'Alex a même assisté à des violences d'Audrey sur lui, & à plusieurs reprises, il lui a parlé d'autres épisodes au cours desquels elle lui avait porté des coups. Elle a tenté de le persuader d'en parler, de partir, mais il est comme envoûté & effrayé
à la fois et elle n'est jamais parvenue à lui faire franchir le pas. Ça la met en colère, ça la rend triste, et elle se sent impuissante face à cette situation qu'Alex lui a fait promettre de ne jamais révéler, à personne. Elle a senti qu'il s'éloignait d'elle,
la contactant de loin en loin et à présent en cachette, du fait de la jalousie d'Audrey... Elle le sent fréquemment à bout, et à plusieurs reprises elle a constaté sur lui des griffures, des bleus... qu'elle a insisté pour prendre en photo. Juste au cas où...
Elle fournit ces photographies à l'enquêteur, qui décide de ré entendre Alex. Celui-ci s'effondre. Il explique avoir eu trop honte pour tout dire lors de sa 1ère audition, mais oui, il est victimes de violences, verbales tous les jours, physiques minimum 2 à 3 fois par mois.
Audrey le griffe, le gifle, lui jette des objets, lui porte des coups de poing ou de pied, parfois lorsqu'elle a trop bu, parfois dans d'autres circonstances, parfois suite à 1 dispute, souvent suite à 1 prétexte quelconque...Rien de ce qu'il fait ne trouve grâce à ses yeux.
Il ne réplique jamais, il essaye parfois de la maîtriser mais la plupart du temps il s'en va le temps qu'elle se calme.Après les crises elle s'excuse & est gentille pendant quelques temps...puis ça recommence. Il n'en peut plus mais ne parvient pas à se sortir de cette relation.
Alex voit le médecin légiste & son état psychologique le préoccupe finalement bien plus que sa plaie a la cuisse : 15 jours d'ITT. Audrey finit par reconnaître avoir 1 fort caractère et être parfois 1 peu vive avec son compagnon, qui la contredit beaucoup et qui la pousse à bout.
Elle minimise les faits et l'assure, puisqu'Alex s'est plaint de son comportement, puisque ça ne lui convient plus, elle va mettre ses affaires devant la porte et terminé. Elle maintient qu'elle lui a porté 1 coup de vouteau car elle a eu peur en le voyant énervé... Le magistrat
du parquet de permanence l'a fait placer sous contrôle judiciaire avec interdiction de rentrer en contact avec Alex et l'a convoquée en audience correctionnelle. Et nous voilà. Audrey répète qu'elle a un gros caractère, et que oui, peut-être que parfois elle est allée 1 peu loin.
Elle souligne toutefois qu'Alex ne faisait aucun effort, travaillait rarement, ne faisait rien à la maison alors qu'en plus de son travail, elle enchaînait les corvées... Elle cherchait à le faire réagir, espérant 1 électrochoc. Le président lui parle des violences physiques,
elle ricane, quelques bousculades tout au plus. Elle affirme que les faits ont été largement exagérées par son ex... D'ailleurs, si elle est aussi horrible, pourquoi l'a-t-il rappelée après sa garde-à-vue, pour se traîner à ses pieds et renouer le contact?.. Audrey dit ça
un sourire en coin, et jette 1 oeil méprisant à Alex, qui détourne le regard. Quand c'est son tour de prendre la parole, il reconnaît lui avoir téléphoné, plusieurs fois. Il maintient tout ce qu'il a déclaré, mais... Rien à faire, il l'aime encore, même si cette relation
le rend très malheureux. Il ne réclame aucune indemnisation. Lorsque le tribunal condamne Audrey à un sursis probatoire avec obligation de se soigner et interdiction de contact Alex, elle lève les yeux au ciel avant de quitter la salle, sans 1 coup d'oeil pour son ex compagnon.
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Hilda regarde le tribunal d'un air hagard. Difficile de déterminer si elle ne comprend pas les questions du tribunal ou si elle feint de ne pas comprendre la manière dont le président cherche à la pousser dans ses derniers retranchements... Ayant lu le dossier, je penche
pour la 2ème solution. Hilda a une bonne cinquantaine, cheveux gris au carré et air inoffensif, vraiment aucune raison de se méfier d'elle. Et pourtant je lui reproche un nombre important d'infractions : vols, escroqueries, abus de faiblesse, falsification de chèques...
Hilda a travaillé des décennies dans une usine, à la chaîne, jusqu'au jour où son entreprise a fermé. Des années de dur labeur pour un salaire modeste, une prime de licenciement sans commune mesure avec tout ce que représentait sa vie professionnelle... Le coup de massue.
Audience correctionnelle, mes 3 collègues du siège regardent avec attention Laura, partie civile dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui. Laura est architecte. Elle est habillée sobrement, bien coiffée, elle s'exprime bien. Le monde de la justice lui était jusqu'alors inconnu.
Elle n'aurait jamais pensé se retrouver ici 1 jour même si sourit-elle tristement elle aurait dû se douter depuis le temps que ça finirait comme ça. Sur le banc des prévenus, Yannick l'écoute aussi, l'oeil sombre. Ils se sont rencontrés alors qu'ils avaient 20 ans, à l'école.
Yannick aussi est architecte. Ils sont tombés amoureux très vite. Ils avaient la même passion, la même vision de la vie, cela semblait une évidence. Ils se sont mis en couple, et leurs différences leur semblaient alors une force, elle la fantaisie, lui le pragmatisme,
Substitut en charge des mineurs, je suis aujourd'hui présente dans le bureau de ma collègue juge des enfants, qui a souhaité ma présence. Elle reçoit aujourd'hui une famille que je connais déjà : le mois dernier, j'ai fait juger le père, Aziz, en comparution immédiate.
Il a été condamné à 3 ans d'emprisonnement, pour trafic de stup, cannabis, cocaïne. J'ai également poursuivi ses deux fils, 13 et 14 ans, devant le juge des enfants : ils servaient de rabatteurs et ramenaient de nouveaux clients, notamment mineurs, pour papa.
Toute la famille vivait très largement du trafic de stupéfiants, la mère n'ignorant rien des activités des 3 hommes de la maisonnée. Considérant que ce rapport à la loi défaillant était inquiétant pour les enfants qui présentent des troubles du comportement à l'école,
Comparution immédiate ; je suis juge d'instruction et je siège aujourd'hui en tant qu'assesseur, comme une a deux fois par semaine. Le ressort où j'officie est marqué par une délinquance très forte, la Cour d'Assises est très chargée et ses délais sont très longs...
Le parquet a souvent recours a la correctionnalisation, en faisant passer des vols avec arme ou des violences graves & donc criminelles en comparution immédiate, à condition que le dossier soit limpide & que le tribunal soit suffisamment éclairé sur la personnalité du prévenu.
Les juges d'instruction siègent souvent en compa : on sait pertinemment au vu de l'encombrement de nos cabinets, qui fonctionnent à flux tendu, que nos délais sont déjà très longs et qu'on est déjà au delà du nombre gérable de dossiers. On accepte donc, bon gré mal gré,
Audience correctionnelle, Maxime regarde son juge, assis 1 peu plus haut que lui, et cherche à le convaincre de sa plus parfaite innocence. Mon collègue du siège fronce 1 peu les sourcils : le prévenu parle vite, beaucoup, et pas toujours de manière très cohérente.
Je reproche à Maxime 1 grand nombre d'infractions : menaces, dégradations, petits vols... Presque toutes contestées, même quand les indices s'accumulent contre lui, et dans les dossiers présentés au tribunal aujourd'hui les preuves sont légion : témoignages, vidéo surveillance...
Le procureur a été alerté par les voisins de Maxime, à qui il rend la vie impossible. Il fait BEAUCOUP de bruit, nuit & jour : il reçoit des invités peu discrets, met la musique fort & même seul, il pousse des cris, chante très fort...Les voisins savent que Maxime ne va pas bien.
Après mes réquisitions, plaidoiries du jour :
quand le point "oh la la mais ce sont des réquisitions d'assises" est atteint pour la défense
Moi :
Point "je vous remets des pièces tendant a prouver que..." (après les requiz oui, juste avant 1 plaidoirie en défense donc)
Moi :
point "madame le procureur ne demontre rien du tout, faisons 1 peu de droit" juste avant de bifurquer sur la pauvre maman défunte du prévenu
Le conseil :