« Vous savez, avec le vieillissement de la population, la sécu, on ne peut plus se la payer ! »
Vous pensez que c’est une idée neuve ? Non, c’est une critique aussi vielle que l’institution.
Un fil à partir du débat à l’assemblée nationale de… 1949.
Contrairement à la question de la fraude et des abus des assurés (⬇️), celle du vieillissement de la population n’est pas centrale en 1949. Mais elle fait tout de même son apparition et déjà se pose la question de l’allongement de la durée de cotisation !
Pour mémoire, les systèmes par capitalisation institués par les retraites ouvrières et paysannes (1910) et les assurances sociales (1928-30), sont un échec. C’est Vichy qui généralise la retraite par répartition avec l’allocation aux vieux travailleurs salariés (1941).
En 1945, alors que le gouvernement provisoire avait annoncé qu’il reviendrait à la capitalisation, il conserve le système par répartition. Le départ à taux plein est fixé à l’âge de 65 ans, avec une décote pour ceux qui veulent partir dès 60 ans.
Si cela paraît relativement généreux pour l’époque, c’est oublier que l’espérance de vie à la naissance en 1949 est de 62,2 ans pour les hommes et 67,6 ans pour les femmes. Et il s’agit là d’une moyenne : les ouvriers mouraient bien avant les cadres.
Le slogan syndical de la CGT en 1910 contre les retraites ouvrières et paysanne raisonne donc avec une grande actualité en 1949 : la retraite est encore avant tout une retraite pour les morts !
Et pourtant, Paul Reynaud, député du Nord, ancien ministre des finances en 1938 qui avait mis fin à la semaine de 40 heures en raillant la « semaine des deux dimanches », pense qu’il est déjà l’heure en 1949 de repousser l’âge de départ à la retraite.
Pour Paul Reynaud, « la réforme concernant l’âge de la retraite » est importante car, « sans nuire aux droits des assujettis » elle leur permettrait de maintenir « le plus longtemps possible un niveau de vie élevé ». Sa démonstration est glaçante d’actualité.
Il y aurait trois âges de la vie :
- L’enfance et l’adolescence, où l’on se prépare à produire
- La jeunesse et l’âge mûr, où l’on produit
- La vieillesse, où les capacités de production déclinent et meurent.
A ces prémices les députés communistes s’emportent et interrompent Reynaud. Faisant référence aux capitalistes, Tourtaud s’exclame : « Il en est qui ne produisent jamais ». Ramette renchéri : « Les ouvriers de ce pays ont le droit au respect […] ils n’ont pas de masseurs ! »
Impassible, Reynaud poursuit: «les progrès de la science ont d’abord, et surtout, pour effet de prolonger l’âge mûr, pendant lequel on peut produire. [Et, le] rôle du cerveau est de plus en plus important par rapport aux muscles, or le cerveau vieillit moins vite que les muscles»
« Dans ces conditions, un pays où l’âge moyen est élevé et dont la Constituions déclare que les citoyens ont droit au travail ne saurait interdire le travail à un homme qui peut continuer à produire »
A l’appui de sa démonstration Reynaud propose une comparaison avec « un pays gouverné par les socialistes, la Suède, où pour établir l’âge de la retraite, on a étudié la pyramide des âges ».
La Suède – déjà l’eldorado des réformateurs !
Le député conclu : « Vous savez que la situation démographique de la Suède est assez semblable à la nôtre ; on y est arrivé à cette conclusion que l’âge normal de la retraite – il peut y avoir, bien entendu, des exceptions – est de 67 ans. »
67 ans !
Évidemment, ces derniers temps, et encore plus avec la mobilisation de 2019-2020, on ne cesse pas d’entendre que puisqu’on vit plus longtemps, il faut cotiser plus longtemps. Ici un exemple parmi d’autres de soutien à la réforme avortée de 2019 :
Certes, l’espérance de vie augmente, mais pas de la même façon pour tout le monde.
Par exemple, « Les hommes cadres vivent en moyenne 6,3 ans de plus que les hommes ouvriers » insee.fr/fr/statistique…
Et c’est sans prendre en compte la question d’état de santé des personnes lorsqu’elle arrivent à la retraite :
« En 2016, l’espérance de vie en bonne santé à la naissance s’élève à 64,1 ans pour les femmes et 62,7 ans pour les hommes. » drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/e…
En outre, comme le dit @ZemmourMichael, le système des retraites est loin de la faillite.
Alors, peut-être que derrière les arguments lancinants du vieillissement de la population et du déficit il y a d’autres objectifs ? Une vision du monde?
« La sécu, c’est généreux, mais avec la concurrence internationale on peut pas se la payer! Il faut baisser les charges! »
Vous pensez que c’est une idée neuve ? Non, c’est une critique aussi vielle que l’institution.
Un fil à partir du débat à l’assemblée nationale de… 1949.
Le libre échange n'est pas un phénomène neuf.
L’analyse des débat de 1949 montre la très grande clairvoyance des députés à ce sujet : la mise en concurrence avec des pays à salaires et à cotisations plus faibles est susceptible de nuire à la sécu !
Comme souvent le plus clair dans l’attaque est le député de droite Paul Reynaud pour qui la question des charges sociales doit être replacé « dans le cadre du problème français » : « sur le marché international, il ne suffit pas de se contempler il faut se comparer »
« La sécu c’est bien, mais les gens en abusent, alors il faut la réformer ! »
Vous pensez que c’est une idée neuve ? Non, c’est une critique aussi vielle que l’institution.
Un fil à partir du débat à l’assemblée nationale de… 1949.
Lors du débat de 49 la question de la fraude et des abus des assurés est probablement celle qui occupe le plus les députés.
Voici quelques extraits des débats (illustrés par des copies du journal officiel).
Un antidote à ceux qui disent que la sécu serait victime de son succès.
Le député Jean Masson, radical-socialiste membre du gouvernement, énumère la liste des abus "biens connus » que le « gigantisme » de la Sécurité sociale laisse proliférer dans l’anonymat et l’irresponsabilité".
Bientôt le projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’élection présidentielle. On connait la musique : il va falloir faire des efforts et lutter contre le "trou de la sécu" !
J’ouvre un fil d’histoire éco pour montrer que cela n’a aucun sens.
Dans ce fil, je propose de montrer le non-sens du débat sur le trou de la sécu en rappelant que tous les arguments que l’on donne aujourd’hui sont en réalité aussi vieux que l’institution – l’enjeu étant moins le débat économique que le rapport de force politique.
La sécu telle qu’on la connait aujourd’hui nait des ordonnances du 4 et 19 octobre 1945. Or, très tôt les oppositions sont nombreuses et il faut se défaire de l’idée d’un grand consensus sur la construction de cette institution jusqu’aux terribles années 1980.
La sécu, au bord du gouffre depuis sa création. 🙃
Un fil à partir des archives du Figaro (@Le_Figaro) entre 1945 et 1949.
L’ordonnance du 4 octobre 1945 institue la sécurité sociale en remplacement des Assurance sociales (crées en 1928-1930). Et c'est le début des contestations...
Dès le premier jour, le 4 octobre 1945, un article du figaro souligne le déficit des Assurance sociale à la libération (1 milliard par an) et, constant un bénéfice prévu de 1,5 milliards pour 1945, pose la question :
« Le gouffre est comblé. Le restera-t-il longtemps ? »
Sur le volet sanitaire, il est possible d'obtenir le passe avec un test de moins de 72h (et plus 48h). Déjà que 48h n'est pas suffisant pour assurer la non contagiosité, 72h n'en parlons pas...
Le masque n'est plus obligatoire dans les lieux imposant le passe sanitaire... alors que même vacciné le virus se transmet et qu'il y aura dans ces lieux des gens avec des tests peu fiables.
Je me demande quand même si on ne peut pas inverser la proposition : le gouvernement renforce le chantage à l’emploi au nom de la santé. La santé est un prétexte de formes de contrôle renouvelées dans le monde du travail.
On assiste probablement à une nouvelle étape de récupération de la critique par le capitalisme :
👉 Le capitalisme est mauvais pour la santé...
👉 Au nom de la santé on renforce les fondamentaux du capitalisme : le capital et l’Etat sont dotés de plus de pouvoirs.