La France s'apprête à passer la barre symbolique des 50 millions de vaccinés.
Et après ?
Avant de se précipiter pour conclure que le "pari" de l'exécutif a été "gagné", une vraie question : peut-on réduire la politique vaccinale à un volume d'injections ?
Quelques réflexions ⤵️
Aucun doute : la vaccination contre le covid-19 constitue aujourd'hui notre principale arme contre le virus. Les vaccins disponibles sont efficaces, y compris face au variant delta.
Tirer de ce constat une ambition unique de couverture massive de la population est donc tentant.
C’est d’ailleurs ce qui sous-tend la politique menée par le gouvernement, en particulier au travers de la mise en place du passe sanitaire : on veut faire du chiffre. Et c'est important ! L’avancée de la vaccination doit être saluée sans ambiguïté.
Mais ça n'est pas suffisant.
Parce qu'un bilan d’étape lucide de la politique vaccinale nécessite de ne pas oublier (au moins) deux enjeux déterminants : la confiance, et la lutte contre les inégalités.
En clair, on ne peut pas juger la campagne vaccinale au regard du seul volume d'injections.
Je m'explique
1⃣ La confiance publique, « notamment dans la communauté scientifique et dans le vaccin en général » est indissociable de l’élévation du taux de vaccination de la population globale.
C'était souligné par l'OMS dès le mois d’avril.
Un peu dans le vide...
L’OMS soulignait également l’importance d’un processus de décision transparent et associant l’ensemble des parties prenantes, de manière à garantir l’acceptation démocratique des contraintes imposées par la loi.
On rappelle que le débat sur le passe à l'Assemblée a duré 3 jours.
Il est trop tôt pour tirer un bilan ferme sur la confiance publique.
Constatons à ce stade qu'avec le choix du passe sans concertation, l'exécutif a contribué à cliver la société, créant de fait des ponts entre hésitation vaccinale, opposition politique et militantisme antivax
Constatons également qu’en cherchant à assimiler "santé publique" et "soutien à sa politique", l'exécutif a certes divisé les oppositions, mais aussi facilité les accusations de partialité envers toute tentative de pédagogie sur le vaccin, même indépendante.
Pourquoi la confiance est si importante ?
Depuis mars 2020, l’urgence caractérise la gestion sanitaire, au "coup par coup"
Mais nous avons désormais une certitude : que ce soit par un hiver difficile, la nécessité d’une 3e dose, un nouveau variant.. il y aura une prochaine étape
La confiance, c'est une condition de la pérennité – et donc de l’efficacité – de la politique sanitaire.
L'abîmer ou négliger cet enjeu, c’est à la fois affaiblir durablement les institutions publiques et rendre plus difficile le « coup suivant » de toute gestion de crise.
2⃣ Mais si l’objectif « unique » du volume de vaccinés masque la confiance, il invisibilise également les inégalités importantes qui perdurent.
18 % des habitants du 93 de plus de 75 ans n’ont toujours pas reçu de 1ere dose de vaccin. Un taux 50 % supérieur à celui de Paris...
Plus encore : la vaccination des personnes les plus à risque n’est toujours pas terminée : aujourd’hui encore, près d’1 personne obèse sur 5 n’a pas reçu de première dose.
C'était pourtant une "priorité nationale"... du moins jusqu'à fin mai dernier.
Enfin, oublier la dimension mondiale de la pandémie et de la diffusion des variants par-delà les frontières serait un contresens.
A ce titre, la politique internationale d’accès au vaccin et aux brevets est une dimension indissociable de la politique vaccinale interne.
Alors prenons le temps d'une analyse lucide.
Les progrès de la vaccination sont réels, et il faut les saluer - et saluer les acteurs de terrain sans qui rien ne serait possible.
Et il convient tout autant de constater les manques sur les autres volets de la politique vaccinale.
Oublier que 1) vaccination massive 2) confiance publique et 3) lutte contre les inégalités sont trois objectifs indissociables, c'est prendre le risque d’un resurgissement de la crise par l’un ou l’autre de ces biais.
La santé publique ne peut se réduire à un volume d'injections.
Les jours à venir devraient permettre de sortir du "pour ou contre le passe sanitaire" et de débattre des enjeux vaccinaux dans leur complexité.
Journalistes, politiques, observateurs de la vie publique : à vous de jouer. #Fin.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
🔴Avec le collectif @nosservicespub nous publions cette semaine la 1ere édition du Guide du devoir de réserve, pour inciter les agents publics à reprendre la parole sur leurs missions.
➡️ L'occasion de revenir sur l'actualité et les enjeux d'une notion méconnue et controversée⤵️
Beaucoup de chemin a été parcouru depuis le XIXe siècle. A l'époque, on allait jusqu'à considérer que les fonctionnaires "qui aliènent leur liberté pour un traitement ne devraient pas voter" (F. Burdeau).
Jusqu'au régime de Vichy, le contrôle s'étend même aux choix matrimoniaux !
A partir du statut de 1946, un mouvement d'émancipation des agents commence.
En 1954, le Conseil d'Etat annule une décision empêchant à 5 candidats de se présenter au concours de l'ENA, le directeur ayant affirmé à l'un d'entre eux qu'il refusait... parce qu'il était communiste.
48h à l'#AssembleeNationale sur la gravité des sanctions en cas de non-vaccination, mais pas sur la question essentielle : la stratégie de "contrainte" du gouvernement suffira-t-elle à vacciner toute la population ?
Tant d'énergie déployée pour des débats si mal posés...
Non pas qu'il ne faille pas en débattre, les enjeux sociaux derrière sont majeurs.
Mais si on avait pu passer un peu plus de temps à travailler des solutions aux inégalités face à la vaccination ou des moyens de créer la confiance, on aurait gagné des semaines précieuses.
Sauf un amendement bienvenu sur la vacci des mineurs isolés, la question des moyens pour aller chercher les populations éloignées de la santé était incroyablement absente.
Scoop : ce ne sont pas les 15% de plus de 80 ans non-vaccinés qui se sont rués sur doctolib lundi dernier.
L’Assurance maladie vient de publier ses données sur la vaccination contre le covid-19 par département.
Les résultats sont très inquiétants.
Les alertes des soignant.e.s depuis des mois sont désormais chiffrées : la stratégie vaccinale du gouvernement crée des inégalités (1/X)
Quels sont ces chiffres ?
Au 23 mai, le taux de vaccination France entière (2 injections) était de 16% de la population totale.
En Seine-Saint-Denis, c'était 10%.
Écarts similaires sur la primo-injection (37% France entière contre 23% dans le 93).
Attention à l'interprétation :
En effet, on a vacciné prioritairement les personnes âgées, or la population de Seine-Saint-Denis est bien plus jeune : seuls 16% ont plus de 60 ans, contre 25% sur la France entière.
Il faut donc prendre en compte plutôt le taux de vaccination par âge.
Mais là aussi, ça pique.
Des grands corps au 93, j'ai énormément appris. Y compris sur les dysfonctionnements structurels et idéologiques de l'Etat.
Alors il y a 2 jours nous avons lancé @nosservicespub pour porter de l'intérieur une parole alternative.
Rewind (1/X)⤵️
J'ai rejoint l'Etat pour y servir "l’instrument dont dispose la société pour conduire son propre avenir"
(comme je disais dans mon intro du grand O de l'ENA)
C'était un peu naïf, j'avais des grands et beaux idéaux.
Et j'y crois encore ..!
Mais la pratique m'a rendu moins naïf :
Et cela dès ma première expérience professionnelle.
Je contrôlais une agence de l'Etat.
Au sein de l'agence ils étaient 120, pour un budget RH de 15 M€.
Mais ils étaient trop peu, donc ils faisaient appel à 60 prestataires en continu. Pour un budget "prestataires" de... 15M€.
Je manque d'élégance, pardon : les premiers à en avoir parlé sont @_reflets_, où @jacquesduplessy signe une analyse fort précise de notre note
(merci !)
👇🏻