Thread by @arnaudbontemps

Il y a 4 ans, je sortais de l'ENA.

Des grands corps au 93, j'ai énormément appris. Y compris sur les dysfonctionnements structurels et idéologiques de l'Etat.

Alors il y a 2 jours nous avons lancé @nosservicespub pour porter de l'intérieur une parole alternative.
Rewind (1/X)⤵️

J'ai rejoint l'Etat pour y servir "l’instrument dont dispose la société pour conduire son propre avenir"
(comme je disais dans mon intro du grand O de l'ENA)

C'était un peu naïf, j'avais des grands et beaux idéaux.
Et j'y crois encore ..!
Mais la pratique m'a rendu moins naïf :

Et cela dès ma première expérience professionnelle.

Je contrôlais une agence de l'Etat.
Au sein de l'agence ils étaient 120, pour un budget RH de 15 M€.
Mais ils étaient trop peu, donc ils faisaient appel à 60 prestataires en continu. Pour un budget "prestataires" de... 15M€.

Les prestataires coûtaient donc 2x + cher, mais l'agence n'avait *pas le droit* de recruter en interne... parce qu'il fallait "maîtriser la dépense publique" 🙃

On m'a déconseillé de souligner cette absurdité. On m'a dit que je prenais des "risques".

1er job, 1ere déconvenue.

Je suis ensuite allé travailler à l'organisation des soins en Seine-Saint-Denis.
Un job passionnant, avec des collègues géniales et géniaux, au contact de professionnel.le.s de santé remarquables.
(💘s'ils me lisent)

Mais ici aussi, j'ai été confronté à des limites structurelles

On sait qu'investir dans la prévention et dans l'organisation des soins est nécessaire. Que ça nous fera même faire des économies.
Seulement à court terme cela nécessite de mettre l'écoute du terrain avant le serrage de boulons budgétaire.

Et ça vous comprenez, c'est compliqué..

Cela impliquerait "trop" de choses :
- la généralisation d'une posture d'écoute du terrain
- des relations entre le national et le local qui soient bcp moins descendantes
- que les objectifs (ici la santé) priment sur la baisse de dépense.

Or on retrouve ces limites... partout.

Dans la lutte contre le changement climatique, dans l'éducation, dans le secteur social, dans la politique carcérale...

La hiérarchie est omniprésente. Les baisses de moyens aussi. On infantilise les agents. Le débat interne est inexistant.
Et j'en passe.
🙊🙉🙈

Cette dichotomie entre notre cerveau "fonctionnaire" et notre cerveau "citoyen", on est des centaines à la vivre au quotidien.
On ne retrouve pas l'idée du service public pour laquelle on y est venus.
On perd le sens de l'intérêt général.

Et on a décidé que cela devait cesser.

Depuis des années on montait des collectifs anonymes.
Moi ça m'allait bien : c'est plutôt plus facile de rester undercover. De pas trop s’exposer. De réfléchir et de s’engager, mais tout en ménageant ses possibilités de carrière.

Sauf qu'à ce rythme, on va droit dans le mur.

Alors aujourd'hui on décide de reprendre la parole depuis ces milieux d'habitude muets.
De décrypter publiquement ces dysfonctionnements structurels.
D'assumer que notre travail est politique et que nous devons participer à le changer

C'est le sens du collectif @nosservicespub✨

En février, on publiait une 1ere tribune sur la réforme de l'aide médicale d'Etat, avec 500 professionnel.le.s de la santé, pour alerter sur cette réduction de l'accès aux soins des plus précaires en pleine crise sanitaire.

(@lemondefr & @MediapartBlogs)
blogs.mediapart.fr/collectif-nos-…

Cette semaine, on chiffrait le montant total de l'externalisation publique : 160 milliards d'euros. Soit l'équivalent du quart du budget de l'Etat (ici une reprise de @franceinter).

Cela mérite débat, non ?

Et on a bien l'intention de continuer.
franceinter.fr/la-sous-traita…

La plupart d'entre nous restera anonyme et c'est légitime : ce qui compte, c'est de nous organiser. De construire les liens avec nos collègues. Avec les autres collectifs et syndicats.

De prendre notre part.
Pas par des "petits gestes", mais en inversant le rapport de force.

Si la puissance publique est l'outil de la société pour décider de son propre avenir, alors il est nécessaire de réinventer des leviers de décision collectifs.

Et vu de l'intérieur, on peut vous dire qu'il y a du travail pour reconnecter décisions publiques et besoins des gens.

On ne lâche pas nos idéaux sur le service public, bien au contraire. On abandonne juste un bout de notre naïveté pour passer à l'action.

Si vous voulez nous rejoindre, participer ou suivre nos travaux, c'est par ici 👉🏻 @nosservicespub !

Et à bientôt ! On se remet au boulot.

PS : et si d'aventure la question de l'organisation des soins (et de la nécessité de tout changer pour vraiment progresser) vous intéresse, je vous mets ici un (petit) fil twitter, tiré d'un (long) article :

https://twitter.com/arnaudbontemps/status/1349755886311526408