Thread by @helenesergent

Bonjour à toutes et à tous ! Aujourd'hui je suis de retour sur l'île de la Cité pour suivre l'audition de Bertrand Ludes, directeur de l'institut médico-légal de Paris #13novembre

L'IML (l'Institut médico-légal) a été saisie le soir des attentats du #13novembre pour identifier les victimes et déterminer la cause des décès. L'objectif est d'établir, le plus rapidement possible, une liste unique des victime et de rendre les corps des victimes à leurs proches

Cette liste unique des victime sera arrêtée le 18 novembre 2015. Dans une interview accordée à @Mediapart avant le début du procès, le procureur de l'époque, François Molins était revenu sur les "ratés" de cette étape délicate #13novembre mediapart.fr/journal/france…

"Nous avons fait le choix de recourir au seul Institut de médecine légale de Paris, dans une démarche de simplification (...) Face au nombre de morts, nous avons dû faire le choix de discriminer : pour certains corps, on pratiquait des autopsies, pour les autres non"(Molins)

Molins a également révélé que l’IML à l'époque ne pouvait utiliser le scanner dont il disposait en raison de travaux : "Il a fallu acheminer les corps pour les scanner dans un hôpital parisien, puis les amener à l’IML", ce qui a contribué à ralentir les opérations #13novembre

En attendant le début de l'audience, je vous recommande chaudement la lecture du compte-rendu de l'audience d'hier par ma collègue @c_politi consacrée à la "leçon de bravoure" du premier policier entré au Bataclan 20minutes.fr/justice/313014…

L'audience est reprise. Le président demande à "l'expert Ludes" de s'avancer à la barre. Costume gris, cheveux grisonnant, Bertrand Ludes dirige l'Institut médico-légal de Paris. C'est lui qui a dirigé les opérations médico-légales dans ce dossier #13novembre

"J’étais en charge des organisations médico-légales, je dirigeais l’équipe médico-légale qui a pris en charge les victimes. Je vais rappeler les missions fixées par M. le procureur de la République", indique-t-il en introduction #13novembre

Première mission : "Pratiquer l’autopsie complète sur les corps et/ou les fragments humains enregistrés sous différents numéros pour établir les circonstances et causes de décès et de rechercher tout indice de crime ou de délit" #13novembre

"La 2e mission, c’était de procéder à la description détaillée des corps et remettre aux enquêteurs tout projectiles que nous aurions pu trouver et de pratiquer des prélèvements sanguins ou tout actes utiles pour la mission" #13novembre

D'emblée, il indique que "l’identification des victimes relève des forces de police" et non de son service. Il précise : "Les corps ont été amenés avec un procès verbal qui précise soit l’identité du défunt, soit une identité présumée ou alors l’absence d’identité" #13novembre

"Je n’aborderai pas ces questions d’identifications", dit-il tout en précisant que pendant les opérations liées au #13novembre, l'IML devait continuer de "prendre en charge les défunts non liés" aux attentats

"Le corps de la première victime est arrivé le 14 novembre à 6h du matin et la dernière le même jour vers 10h50", poursuit le Professeur Ludes. Au total, 123 corps entiers et 17 fragments de corps ont été admis le 14 novembre. #13novembre

"Des cellules d’urgence médico-psychologiques avaient été mises en place dès le 16 novembre dans la voie d’accès de l’IML". Les jours précédents, la protection civile était déployée au même endroit #13novembre

Si l'IML a été désigné comme lieu unique pour réaliser les opérations de médecine légale, c'est notamment parce qu'il dispose d'une salle d'une capacité pouvant accueillir 200 corps, "Un espace réservé « aux catastrophes » si je puis dire", ajoute Bertrand Ludes #13novembre

Concernant les familles, indique-t-il, elles ont été orientées "par la psychologue clinicienne qui était en charge de la présentation des défunts. Ces présentations ont eu lieu dans la salle dédiée à la présentation, les corps sont montrés derrière une baie vitrée" #13novembre

Bertrand Ludes explique que cette disposition derrière une baie vitrée "permets de présenter des corps encore sous scellés judiciaires". #13novembre

Pour ces opérations, l'IM a pu compter sur la présence de 15 médecins légistes, 4 médecins de la gendarmerie, 2 autres médecins d’autres instituts, 4 chirurgiens dentistes, 6 radiologues, une anthropologue légiste, 7 agents d’accueil, la psychologue clinicienne et 22 techniciens

"Pour vous rendre compte des contraintes que représentent une telle organisation : dans une salle d’autopsie il y a environ 10 personnes. 2 médecins légistes, 2 enquêteurs, 1 expert en balistique, s’ajoutait après la sécurisation des prélèvements sanguins", poursuit l'expert

Le témoin propose désormais à la cour une "approche plus lésionnelle" des opérations. Traduction : on va aborder les blessures constatées sur les victimes. #13novembre

Bertrand Ludes évoque "des projectiles de très haute vélocité". Certaines balles ont été retrouvées "intactes" et "peu déformées" à l'intérieur des corps des victimes.
"Dans la majorité des cas, il a été trouvé des fragments de projectiles", ajoute-t-il. #13novembre

Il explique qu'il était "difficile de caractériser les plaies" : "Nous avions beaucoup de mal car nous avions de très multiples orifices cutanées, de 1 à 32 orifices" sur certains corps #13novembre

Dans le délai imparti (l'IML disposait de 8 jours pour réaliser toutes les opération), Bertrand Ludes explique que des autopsies n'ont pas pu être réalisées sur l'ensemble des victimes. Pour la seule scène de crime au Bataclan, 69 autopsies ont été réalisées. #13novembre

Il rappelle que des choix ont été faits parce que certaines blessures ne nécessitaient pas d'autopsie pour déterminer la cause du décès. Il ajoute qu'une autopsie, dans le cas de multiples blessures, pouvait durer "6 à 8 heures" #13novembre

"Nous avons dénombré 51 victimes touchées dans deux régions et pour ces victimes 36 étaient au Bataclan et 15 au niveau des terrasses", poursuit le directeur de l'IML. #13novembre

31 victimes ont été touchées sur 3 zones du corps, dont 20 se trouvaient au Bataclan. 5 victimes ont, elles, étaient touchées dans 4 régions du corps. 2 étaient au Bataclan et 3 étaient sur les terrasses #13novembre

La président pose la question délicate du moment du décès des victimes. L'expert peut-il l'estimer? "La question est difficile", répond Bertrand Ludes #13novembre

"Nous avons, pour un grand nombre de victimes des décès immédiats, des traumatismes crâniens, des hémorragies massives (...) Quand vous avez plusieurs impacts, souvent les victimes avaient déjà perdu connaissance mais ça dépend des organes et vaisseaux touchés" #13novembre

"Si la personne a une plaie thoracique, vous avez tout de suite une incapacité à respirer et une hémorragie", ajoute l'expert, tout en répétant qu'il ne peut indiquer précisément "en nombre de minutes" quand est intervenu le décès d'une victime #13novembre

Aucune lésion liée à un objet contondant (type couteau) n'a été relevé sur l'ensemble des victimes, confirme Bertrand Ludes. Uniquement des plaies par balles. #13novembre

Question de la cour: "À quel moment une famille peut avoir accès au corps de son proche ?"
"Dans les consignes que nous avons, la victime doit être identifiée formellement afin d’être présentée aux familles. Ce sont malheureusement des opérations qui prennent du temps" (expert)

Une autre magistrate demande à Bertrand Ludes si ses équipes ont relevé des "blessures à bout-touchant". "Nous ne pouvions pas faire une analyse précise pour répondre à votre question", tout en précisant qu'"une interrogation forte dans un cas" subsiste. #13novembre

Une magistrate poursuit en demandant si le décès de Samy Amimour au Bataclan est consécutif à l’explosion de sa ceinture ou à un ou plusieurs coups de feu ?
"Ce que nous avons constaté, ce sont des lésions en rapport avec l’explosion du gilet", répond l'expert #13novembre

Une magistrate du parquet demande des précisions sur les délais des opérations : "Les opérations ont été réalisées en 6 jours, l’imagerie a commencé le 14 et les autopsies ont démarré le 15 et se sont terminées le jeudi soir", indique Bertrand Ludes #13Novembre2015

Il explique que si des autopsies avaient été réalisées sur l'ensemble des victimes, les opérations de médecine légale auraient duré entre "15 jours et 3 semaines" #13novembre

Pourquoi avoir mené des examens radiographiques et des scanners ? "La radiographie permet de localiser les projectiles par armes à feu et le scanner permet de visualiser les lésions internes dans les organes" #13novembre

La magistrate du parquet demande à Bertrand Ludes si des enseignements ont été tirés à l'IML depuis le #13novembre ?
Réponse de l'expert : "Ça nous a conforté dans l’installation d’un scanner, nous avons engagé 3 psychologues cliniciennes de plus"

"Nous avons également fait acquérir au niveau national des chambres froides démontables pour augmenter la capacité d’accueil et travaux de rénovation sont en cours", ajoute-t-il #13novembre

On passe aux questions des parties civiles. Frédéric Bibal est le premier à prendre la parole. Il souhaite avoir des précisions sur le volet organisationnel et sur les choix faits concernant l'accueil des familles #13novembre

Il souhaite savoir en combien de temps se sont déroulées les présentations des corps aux familles. #13novembre

Bertrand Ludes avait indiqué plus tôt que 156 présentations avaient été réalisées. (Des corps ont été présentés à plusieurs membres de la familles, d'où le nombre plus élevé de présentations que de victimes) #13novembre

Le directeur de l'IML détaille : 4 présentations réalisées le 14, 26 le 15, 43 le 16" etc etc. Frédéric Bibal demande comme s'est passée la journée du 16 novembre avec 43 présentations, une seule salle dédiée aux présentations et 1 seule psychologue clinicienne #13novembre

"Il y a eu des moments d’attente", reconnait le directeur de l'IML et "compte tenu de l’affluence, certainement ces temps (passé auprès du proche décédé) ont été contraints". #13novembre

Plusieurs familles avaient fait état de dysfonctionnements. Une mère d'une victime avait par exemple témoigné dans @paris_normandie : 7 minutes lui avait été accordées à l'IML pour voir sa fille décédée #13novembre paris-normandie.fr/id227556/artic…

"J'en suis tout à fait conscient et j'en suis vraiment désolée", finit par dire le directeur de l'IML, Bertrand Ludes #13novembre

Me Jean Reinhart demande à Bertrand Ludes combien de familles il a reçu pendant les opérations : "J’ai dû recevoir 3 ou 4 familles".
- Me Reinhart : "J’en ai reçu 26 qui m’ont fait un retour d’expérience sur ce qu’ils ont vécu à l’IML et c’est pas merveilleux". #13novembre

- "Vous ne participez pas à l'appel aux familles ?", demande Me Reinhart
- "L'annonce décès est réalisé par les enquêteurs, elle ne doit pas être faite par le personnel d'accueil de l'IML" #13novembre

"Malheureusement il y a eu des cas où c'est la personne qui a répondu au téléphone en disant qu'untel ou untel se trouvait chez nous, ce qui revient à une annonce décès", reconnait Bertrand Ludes #13novembre

"Est-ce qu’il faut réorganiser quelque chose au sein de l’IML ?", poursuit Me Reinhart
"Clairement l’annonce décès est réalisée par les forces de police après identification" désormais indique Bertrand Ludes #13novembre

Me Reinhart revient sur le temps de présentation des corps accordés aux familles. Certaines ont dû quitter cette salle au bout de cinq minutes. "Si ça s’est passé comme ça, je suis vraiment désolé et confus", dit Bertrand Ludes #13novembre

"Je veux dire, on peut donner le temps pour se recueillir face à un corps. Si quelqu’un leur a demandé de quitter la salle après 3minutes, c’est forcément ma collègue psychologue clinicienne et je ne la vois pas dans cette démarche" ajoute Bertrand Ludes #13novembre

Me Reinhart demande à l'expert quand les premiers cercueils ont pu quitter l'IML. "Je dis ça pour que vous preniez conscience de l’écart qui existe entre le monde qui est le vôtre, et qui est tout à fait légitime et le monde des familles est particulièrement lourd" #13novembre

Il donne les dates, les premiers départs sont intervenus le 20 novembre, soit moins de 6 jours après l'arrivée des premiers corps des victimes. "Pour certaines personnes, les départs ont été décalés", indique toutefois le directeur de l'IML #13novembre

Une victime retrouvée à proximité du Bataclan le lendemain des faits, sous une couverture de survie. Me Reinhart demande à l'expert si l'IML a pu déterminer si cette victime a bénéficié de "soins" avant de décéder.
#13novembre

"Dans nos constatations, il a effectivement été atteint dans la cavité abdominale avec des lésions osseuses et une hémorragie interne massive. Pour nous, il n’aurait pas bénéficié de gestes de réanimation", répond Bertrand Ludes #13novembre

Plusieurs avocats interrogent l'expert sur les derniers instants de victimes, sur les causes du décès. Bertrand Ludes tente d'y répondre précisément à chaque fois. #13Novembre

Me Mouhou intervient pour raconter l'histoire de la famille Mondeguer. "La famille est arrivée pour voir le corps de Lamia le 18 au matin (...) une psychologue indique qu’ils ont trois minutes" pour se préparer #13Novembre

"Et l’expression qui est restée dans leur tête : « Préparez vous à ne pas reconnaître votre Lamia ». Lorsque la famille arrive, le corps ce n’est pas Lamia. Les amis sont là, il y a des cris, et en fait on présente un autre corps" #13Novembre

"C’est le corps d’une autre victime. On arrête la procédure à ce moment là. Vous imaginez le choc pour la famille ? (...) Le 19 se fait une nouvelle présentation du corps, cette fois-ci, de Lamia", raconte Me Mouhou #13Novembre

Bertrand Ludes explique que le corps de Lamia est arrivé sous une autre identité. "Deux corps sont arrivés avec une identification erronée à l'Institut" #13Novembre

Me Mouhou insiste pour comprendre comment cette erreur a pu être commise. Bertrand Ludes répète que l'erreur a été réalisée en amont, et que l'identification des victimes n'est pas du ressort de l'IML. #13novembre

Le président, visiblement agacé, coupe Me Mouhou en lui demandant s'il a d'autres questions. Me Mouhou se rassoit, on continue avec les questions des parties civiles. Les interrogations sur les conditions, l'heure et les raisons du décès sont nombreuses #13Novembre

L'avocate de membres d'une famille d'un jeune homme décédé intervient. Le père de la victime (que l'avocate ne représente pas) maintient que son fils a été victime de lésions par couteau. Bertrand Ludes est formel et dément. Il n'y a eu que des plaie par balles #13Novembre

Dans les questions des avocats, on perçoit la violence qu'a été - pour une immense majorité de familles de victimes - cette période d'identification et de présentation des corps. #13Novembre

Me Coviaux défend les parents d’une jeune femme décédée. Ils gardent, dit-elle, un "souvenir glacial" de leur passage à l’IML. "Après une grande période d’incertitude, le 15 novembre, un référent leur a été assigné qui leur a demandé de se présenter à l’IML", raconte-t-elle

"Ils l’ont fait immédiatement et ont été accueillis par quelqu’un qui leur a dit que « non pas du tout, ça ne concernait pas leur fille » et qu’il ne fallait pas qu’ils soient pressés car l’identification de leur fille pouvait durer 15 jours." (Me Coviaux) #13novembre

L'expert cherche des éléments de réponse, reconnait des erreurs. Me Coviaux finit par lâcher : "La confusion a été telle à l’IML que son père a eu à un moment donné l’espoir fou que sa fille était vivante. Je n’ai pas d’autres questions". #13Novembre

Une dernière avocate demande des précisions sur les causes de la mort de la fille de ses clients. "Depuis 6 ans ses parents sont hantés par ce qu’ont été les derniers instants de leur fille". Ils veulent savoir si leur fille est morte sur le coup ou non. #13Novembre

Le directeur de l'IML répond en détail, indiquant que la jeune femme en question a été touchée simultanément au coeur et aux poumons. Il confirme un décès rapide. C'était la dernière question, son audition est terminée. L'audience est suspendue #13novembre

À la suspension, plusieurs familles de proches décédées regrettent le mea culpa très discret du directeur de l’IML et disent la colère qui demeure, six ans après, vis à vis de cette institution #13novembre