Il y a qqs jours, j'ai pu interpeller @AdeMontchalin sur la perte de sens des agents publics dans leur métier.
L'échange était sincère.
Mais j'y ai constaté un gouffre entre la ministre et ses agents. Et surtout, en creux, deux visions bien distinctes du service public.
Thread.
Fin septembre, le collectif @nosservicespub publiait les résultats d'une enquête massive menée auprès de 4 500 agents des services publics sur le sens et la perte de sens dans leur métier.
Il se trouve que, hasard, le matin même nous avions l'occasion d'interpeller la ministre.
Les résultats de l'enquête étaient frappants. 80 % des répondants se disaient "régulièrement" ou "très fréquemment" confrontés à un sentiment d'absurdité.
Les premiers problèmes rencontrés ? Le manque de moyens et l'absence d'alignement avec les orientations stratégiques.
En clair les répondants nous criaient une chose : "laissez-moi faire correctement mon job".
Les 3000 témoignages recueillis donnent le tournis. Ils nous disent : "je suis venu pour servir l'intérêt général, mais au quotidien, c'est dur."
Elle était invitée par un think tank à présenter ses orientations pour la fonction publique.
Invité également, j'ai présenté notre enquête. Et, puisque le "défaut de vision" des chefs y ressort fortement, je lui ai posé la question : "quelle est votre vision du service public ?"
Si sa réponse m'a frappé, c'est que la ministre a paru sincèrement concernée par la perte de sens.
Elle répondait y en substance par : "il faut simplifier. Le problème n'est pas dans les moyens trop faibles mais dans les procédures trop lourdes. La solution c'est l'innovation."
C'est par ailleurs la position assez constante du gouvernement, donc sans grande surprise.
Mais quand même. Revenons-y.
Commençons par les moyens.
Parce que nier la paupérisation des services publics apparaît à des années lumières de notre quotidien.
Dans notre enquête, le 1er problème rencontré, c'est le manque de moyens. Plus des 2/3 des répondants le soulignent.
Et des centaines de témoignages
C'est Isabelle, prof d'anglais, à qui on "impose de faire cours à 35 élèves par classe... avec priorité à l'interaction orale."
C'est ce cadre territorial à qui on demande "des propositions de nouveaux projets à l'automne, et de nouvelles sources d'économies 6 mois plus tard"
Le manque de moyens, dans les hôpitaux c'est des 10aines de postes vacants d'infirmières, d'aide-soignant.e.s, de sage-femmes.
C'est cette pédiatre pour qui la perte de sens, c'est "Traiter les patients à la chaîne, sans avoir le temps de parler aux familles."
C'est omniprésent
Mais non, apparemment pour notre ministre de la fonction publique, il n’y a de soucis ni de postes ni de budget.
Et pourtant elle ajoutait en toute détente : "ce qui me met en colère, c’est de voir que la droite n’a toujours pas fait son aggiornamento sur la RGPP".
Audacieux.
Mais ce n'est pas la partie de la réponse d’@AdeMontchalin qui m'a le plus marquée.
En réalité, ce qui me frappe, c'est que sa réponse à une question sur sa "vision du service public" était centrée sur la "simplification", la solution à trouver par l’innovation.
(Passons sur le fait que la "simplification" c'est peut-être aussi ne pas multiplier les tableaux d'indicateurs parfois absurdes à faire remonter tous les 4 matins)
"Simplification" donc.
Comme si sa "vision du service public" se résumait à des mécanismes, une machinerie à mieux huiler.
Comme si le service public n'avait d'autre finalité que de se simplifier toujours. De se réformer encore.
Je crois que c'est là une divergence majeure :
Nous sommes nombreux convaincus qu'il faut alléger la bureaucratie.
Mais si on veut l'améliorer, c'est qu'on croit le service public irremplaçable.
Le service public c'est l'émancipation. C'est l'égalité. C'est le droit essentiel des gens qui galèrent.
C'est ça notre vision.
Quand nous disons "le service public doit répondre aux besoins des gens", on réaffirme sa place dans la société.
A l’inverse, quand la ministre répète "l’intérêt général, ce n’est pas que l’Etat" c'est à se demander si cela ne tend pas à nier la légitimité propre de l’Etat.
Et cela serait sans conséquences si cela n'était que des discours.
Mais je crois que cela reflète au contraire une vraie divergence, et qu'elle se manifeste au quotidien : dans la dématérialisation tous azimuts, dans les baisses de moyens, dans les réformes statutaires, etc.
Au final, cet échange éclaire ce que nous disent les milliers de répondants à l'enquête de @nosservicespub sur la perte de sens : quand le gouvernement ne porte plus ni moyens ni vision du service public, cela s'en ressent, au quotidien.
Pour les usagers, comme pour les agents.
Est-ce irrémédiable ?
Probablement pas. En tout cas, de plus en plus de voix dissonantes s'élèvent, y compris en interne, pour porter une autre vision : c'est encourageant !
PS : Vous pouvez déjà retrouver toute l'enquête du collectif et ses milliers de témoignages en ligne. Partagez-les autour de vous ! Nous ne sommes pas seuls, et c'est toujours bon de le rappeler
⤵️ nosservicespublics.fr/perte-de-sens
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La France s'apprête à passer la barre symbolique des 50 millions de vaccinés.
Et après ?
Avant de se précipiter pour conclure que le "pari" de l'exécutif a été "gagné", une vraie question : peut-on réduire la politique vaccinale à un volume d'injections ?
Quelques réflexions ⤵️
Aucun doute : la vaccination contre le covid-19 constitue aujourd'hui notre principale arme contre le virus. Les vaccins disponibles sont efficaces, y compris face au variant delta.
Tirer de ce constat une ambition unique de couverture massive de la population est donc tentant.
C’est d’ailleurs ce qui sous-tend la politique menée par le gouvernement, en particulier au travers de la mise en place du passe sanitaire : on veut faire du chiffre. Et c'est important ! L’avancée de la vaccination doit être saluée sans ambiguïté.
🔴Avec le collectif @nosservicespub nous publions cette semaine la 1ere édition du Guide du devoir de réserve, pour inciter les agents publics à reprendre la parole sur leurs missions.
➡️ L'occasion de revenir sur l'actualité et les enjeux d'une notion méconnue et controversée⤵️
Beaucoup de chemin a été parcouru depuis le XIXe siècle. A l'époque, on allait jusqu'à considérer que les fonctionnaires "qui aliènent leur liberté pour un traitement ne devraient pas voter" (F. Burdeau).
Jusqu'au régime de Vichy, le contrôle s'étend même aux choix matrimoniaux !
A partir du statut de 1946, un mouvement d'émancipation des agents commence.
En 1954, le Conseil d'Etat annule une décision empêchant à 5 candidats de se présenter au concours de l'ENA, le directeur ayant affirmé à l'un d'entre eux qu'il refusait... parce qu'il était communiste.
48h à l'#AssembleeNationale sur la gravité des sanctions en cas de non-vaccination, mais pas sur la question essentielle : la stratégie de "contrainte" du gouvernement suffira-t-elle à vacciner toute la population ?
Tant d'énergie déployée pour des débats si mal posés...
Non pas qu'il ne faille pas en débattre, les enjeux sociaux derrière sont majeurs.
Mais si on avait pu passer un peu plus de temps à travailler des solutions aux inégalités face à la vaccination ou des moyens de créer la confiance, on aurait gagné des semaines précieuses.
Sauf un amendement bienvenu sur la vacci des mineurs isolés, la question des moyens pour aller chercher les populations éloignées de la santé était incroyablement absente.
Scoop : ce ne sont pas les 15% de plus de 80 ans non-vaccinés qui se sont rués sur doctolib lundi dernier.
L’Assurance maladie vient de publier ses données sur la vaccination contre le covid-19 par département.
Les résultats sont très inquiétants.
Les alertes des soignant.e.s depuis des mois sont désormais chiffrées : la stratégie vaccinale du gouvernement crée des inégalités (1/X)
Quels sont ces chiffres ?
Au 23 mai, le taux de vaccination France entière (2 injections) était de 16% de la population totale.
En Seine-Saint-Denis, c'était 10%.
Écarts similaires sur la primo-injection (37% France entière contre 23% dans le 93).
Attention à l'interprétation :
En effet, on a vacciné prioritairement les personnes âgées, or la population de Seine-Saint-Denis est bien plus jeune : seuls 16% ont plus de 60 ans, contre 25% sur la France entière.
Il faut donc prendre en compte plutôt le taux de vaccination par âge.
Mais là aussi, ça pique.
Des grands corps au 93, j'ai énormément appris. Y compris sur les dysfonctionnements structurels et idéologiques de l'Etat.
Alors il y a 2 jours nous avons lancé @nosservicespub pour porter de l'intérieur une parole alternative.
Rewind (1/X)⤵️
J'ai rejoint l'Etat pour y servir "l’instrument dont dispose la société pour conduire son propre avenir"
(comme je disais dans mon intro du grand O de l'ENA)
C'était un peu naïf, j'avais des grands et beaux idéaux.
Et j'y crois encore ..!
Mais la pratique m'a rendu moins naïf :
Et cela dès ma première expérience professionnelle.
Je contrôlais une agence de l'Etat.
Au sein de l'agence ils étaient 120, pour un budget RH de 15 M€.
Mais ils étaient trop peu, donc ils faisaient appel à 60 prestataires en continu. Pour un budget "prestataires" de... 15M€.
Je manque d'élégance, pardon : les premiers à en avoir parlé sont @_reflets_, où @jacquesduplessy signe une analyse fort précise de notre note
(merci !)
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