Décryptage en accès libre. Crise entre Varsovie et Bruxelles, mais de quelle crise parle-t-on ?
Contrairement à ce que véhiculent bcp. de politiques fr., l’enjeu premier n’est pas la primauté du droit européen sur le national à proprement parlé.
En arrivant au sommet européen, hier après-midi, le Premier ministre polonais a répété ce qu'a dit le tribunal constitutionnel dans l'exposé oral de ses motifs:
« Nous respectons la supériorité du droit européen sur le droit national »
Si, si.
La Pologne n'entend pas du tout commencer à dire « le RGPD, je n'en veux plus », ou « le droit de la concurrence, non merci », « puis cette histoire de temps de travail, je vais zapper je crois ». Du tout.
Mais alors, c'est quoi le souci ?
Le coeur du problème, ce sont les réformes judiciaires menées par le gouvernement polonais ultraconservateur du PiS depuis 2015. Au nom de la lutte contre la corruption, de mettre à la porte des derniers juges communistes, etc.
En soi, un pays peut réformer sa justice. Mais, aux yeux des Européens, et surtout de la CJUE, celles menées en Pologne ont surtout eu pour effet de la mettre sous influence du gouvernement.
C'est quoi le souci me diriez-vous ? Pourquoi les Polonais ne pourraient pas faire cela, s'ils en ont envie ? En quoi cela concerne les Français, les Allemands, les Maltais, les Portugais et les Roumains ?
Tout simplement parce que ce sont les tribunaux polonaise qui au quotidien appliquent le droit de l'Union. Ce droit qui doit être appliqué de la même façon partout en Europe. Ca ne remonte à la CJUE qu'en cas de doute d'un juge national (quand il faut interpréter).
Si la justice national n'est pas un minimum indépendante, quelle garantie ? Comment les autres Etats peuvent se faire confiance ? Qui dit que le gouvernement ne va pas chercher à faire le tri ?
Et aussi, quel contrôle sur l'utilisation des fonds européens par le gouvernement ?
La Commission a donc lancé depuis 2017, plusieurs procédures en manquement. Et la Cour de Luxembourg l'a dit depuis 2019: oui, les traités prévoient bien qu'il faut que les justices nationales soient un minimum indépendante.
This is l'article 19.1 du traité my dear.
C'est ce point qui rend fou le gouvernement polonais, au point de vouloir casser toute la machine, de mettre son pays au ban de l'Union, de perdre des milliards de fonds structurels (et plan de relance).
Et si vous voulez en savoir plus, sur le déroulé de la discussion sur le sujet lors du sommet européen d'hier (sommet qui continue aujourd'hui), et les enjeux à venir pour les Vingt-Sept, tout est dans ce papier @Contexte, en accès libre.
Précision avant qu'on me le fasse remarquer: la nuance avec Karlsruhe, c'est que les juges all. piquaient une colère contre une décision de la BCE. Pas contre les fondamentaux de l'édifice, càd: la validité d'un article du traité (validé pourtant par référendum par les Polonais)
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Concernant les conséquences de la crise pour l’Europe de la santé, c’est en cours au niveau européen. La Commission a déjà fait qq. propositions et la Conférence sur l’avenir de l’Europe (qui vient d’être lancée) doit fournir d’autres pistes de travail.
Que diriez-vous, pour bien débuter la journée, d'un peu de lecture sur le concept tendance à Bruxelles: l' « autonomie stratégique ».
Soyons fous.
Le sujet a émergé au printemps dernier, et depuis, il est devenu un vrai enjeu politique à Bruxelles.
Explication rapide du principe: lors du premier confinement, les Européens se sont rendus compte qu'ils dépendaient trop de l'extérieur, dans certains secteurs stratégiques. Médical et sanitaire en l'occurence.
Mais aussi, que la Chine n'avait aucun souci à utiliser ses capacités de production à des fins politiques. Que oui, derrière la beauté du commerce international, des transformations technologiques, il y a des enjeux de puissance.
« Accord historique » pour certains. « Echec de Macron » pour d’autres.
Essayons de raison garder, et de démêler ce qui a été négocié pendant 4 jours et 4 nuits à Bruxelles et finalement approuvé.
Fil (qui risque d’être un peu long).
Tout d'abord, il faut savoir que les 27 ont approuvé ce matin deux choses: le plan de relance + le budget 2021-2027 de l'Union. Les deux sont liés, mais restent deux choses assez différentes. L'un est ponctuel, l'autre est structurel. On va commencer par le plan de relance.
750 milliards d'euros dont 390 de subventions. C'est-à-dire de l'argent qui va être distribué aux Etats selon les besoins liés à la crise économique. Les chiffres sont encore flous, mais cela représenterait plus de 60 milliards pour l'Italie. Plus de 55 pour l'Espagne.
Quand on voit comment en France, l’Assemblée nationale peut être maltraitée par le gouvernement [calendrier, qualité du texte, vote, etc], on se dit que le Parlement européen - malgré qq. grosses faiblesses structurelles - est bien plus puissant que son cousin français.
Déjà, le Parlement européen, il gère son agenda comme il veut. S’il ne veut pas voter un texte, il ne le vote.
Si l’examen de la réforme des retraites à l'AN commence à vous lasser (si si, avouez), j’ai un autre match politique à vous proposer.
Le budget européen 2021-2027. Cela a l’air aride dit comme ça (voir carrément techno), mais le scénario est très prometteur.
Qq. explications.
L'UE fonctionne avec une programmation budgétaire sur 7 ans. Qu'il faut donc négocier tous les 7 ans. Entre temps, il suffit de dérouler ce qui a été décidé, en ajustant aux marges.
Actuellement, nous sommes à la fin du "cadre financier pluriannuel 2014-2020".
Aujourd'hui, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept se retrouvent à Bruxelles pour tenter de déterminer le suivant. Le 2021-2027.
Ca fait un moment que l'UE bosse dessus. La proposition initiale de la Commission date de mai 2018. Maintenant, va falloir trancher.
Le PR a sorti l’artillerie lourde pour tenter de recoller les morceaux avec la Pologne, de montrer aux Polonais que la France peut les comprendre, les soutenir, tout en fixant des limites claires (comme les valeurs).
Qq. extraits.
Dès le début, Macron rappelle un fait historique méconnu: en 1000 ans, la Pologne et la France ne se sont JAMAIS affrontées. Pourtant, les deux pays n’ont pas lésiné sur les aventures militaires.