Précisons d'emblée que ce thread n'a pas pour objectif de minimiser ce qui se passe sur les centrales de @civaux et @chooz ou sur le réseau ⚡️🇪🇺, mais bien d'apporter des éléments de contexte techniques qui me paraissent intéressants.
🔹Chronologie des faits
avec du retour d'expérience défauts tuyauterie
🔹Explication sur "la corrosion sous contrainte" 😏
🔹Choix d'@EDFofficiel
🔹Explications sur l'accident "APRP"
🔹Conséquences
🔹Contexte général
🔹Réactions
🔹Perspectives
▶️ Chronologie des faits :
1⃣La première étape conduisant à la situation actuelle a lieu le 20 Novembre dernier avec la publication d'un communiqué de presse par @EDFofficiel :
Le communiqué porte sur le choix d'EDF d'arrêter à titre préventif le second réacteur #nucléaire N4 de la centrale de Civaux ( mêmes réacteurs à Chooz ) afin de réaliser des contrôles sur le système RIS ( injection de sûreté )
L'injection de sécurité ( RIS ) est un système de sauvegarde qui injecte de l’eau dans les boucles du circuit primaire principal du réacteur pour maintenir un inventaire en eau suffisant dans le cœur permettant de refroidir le combustible en s'alimentant dans le réservoir PTR.
Il s'agit donc d'un système de mitigation destiné à non pas à empêcher la survenue d'un accident ( ici une brèche ) mais à en limiter voire d'en annuler toutes les conséquences relevant de la sûreté #nucleaire
On dit qu'il appartient au 3eme niveau de défense en profondeur :
Les systèmes de ce niveau n'ont aucun rôle dans le fonctionnement normal de l'installation mais une attention spécifique doit être portée à leurs possibilités de défaillances, c'est pourquoi ils font l'objet d'une surveillance appropriée.
Alors pourquoi ces questionnements sur le RIS ? ⤵️
EDF a détecté des anomalies lors d’examens par procédés ultrasons sur les tronçons de tuyauteries RIS de la tranche 1 lors des contrôles réalisés ces dernières semaines dans le cadre de sa visite décennale
Lors des arrêts ▶️ réglementation ▶️ l'installation est inspectée : Arrêté du 10/11/1999 relatif à la surveillance de l'exploitation du circuit primaire principal et des circuits secondaires principaux des réacteurs nucléaires à eau sous pression
▶️ "des défauts ont été détectés à proximité de soudures"
▶️ "Des contrôles initiés sur les mêmes matériels du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Civaux ont fait apparaître des défauts similaires."
▶️ "le remplacement des pièces concernées a été décidé sur les réacteurs de Civaux"
▶️ "ce qui conduit à prolonger les arrêts 2 deux réacteurs."
▶️ "EDF a donc pris la décision d’arrêter les 2 réacteurs de Chooz afin de procéder à titre préventif à ces mêmes contrôles"
Le défaut a été détecté au niveau de soudures de la tuyauterie et plus précisément au niveau d'un coude ⤵️
Alors pourquoi on regarde cette tuyauterie en particulier ?
Parce qu'on a déjà constaté des fissurations dans des tronçons non isolables raccordés au circuit primaire sur le parc nucléaire 🇫🇷 mais aussi 🌍
Ca s'appelle du retour d'expérience.
Citons par exemple :
▶️1987 🇺🇸 Farley 2 : sur le RIS
▶️1988 🇧🇪 Tihange 1 : sur le RIS
▶️1992 🇫🇷 Dampierre 2 : sur le RIS
Toutes les fissures étaient situées au niveau d'une soudure au niveau d'un coude !
Le phénomène incriminé dans ces cas est "la fatigue thermique" :
Avec des variations de température, les matériaux se dilatent/contractent de manière cyclique, ce qui peut entrainer des contraintes voire un endommagement
( On pourrait parler du RRA aussi, mais ca sera pour une prochaine fois )
Or, il se trouve que si c'est bien la recherche de fatigue thermique qui a permis de détecter ce défaut ... les premières analyses montrent que ce n'est pas ce phénomène qui est en cause à Civaux ...
Mais de la "corrosion sous contrainte"
On en reparlera 😁
EDF a inspecté CIV2 et a trouvé des défauts similaires ▶️ c'est important a minima pour la caractérisation des causes :
Qui a soudé ? Homme/Machine ? Quels matériaux ? Quels historiques d'exploit ? Qu'y a t-il de commun entre les 2 tranches ? La conception est elle en cause ?
EDF a les pièces et a décidé de remplacer les tronçons de tuyauterie sur les deux réacteurs de Civaux, pour cela il faut prolonger les arrêts :
🔹CIV1 : + 2 mois ▶️ 30 avril 2022
🔹CIV2 : + 3 mois ▶️ 31 mars 2022
Absents donc pour Janvier-Fevrier-Mars ... 😩
Mais surtout @EDFofficiel a choisi d'arrêter les deux réacteurs de @EDFChooz courant Décembre 😩²
Pourquoi ?
Parce que le défaut est présent sur CIV1 ET CIV2, dès lors un défaut générique palier n'est pas à exclure ⤵️
... comme nous l'avons vu, le défaut est sur un système de sauvegarde, il y a donc un enjeu sûreté fort et c'est précisément ce que @EDFofficiel met en avant avec la notion "d'exploitant responsable" repris par le Directeur du Parc #Nucléaire et Thermique :
C'est donc 2 réacteurs #nucléaire s de plus qui se sont arrêtés la semaine dernière avec un retour annoncé pour le 23 janvier, ce qui dépendra des résultats des tests très certainement :
Voilà pour les communiqués d'EDF, ensuite l'@ASN a aussi communiqué sur cette situation :
L'ASN confirme les informations d'EDF mais on y apprend en plus qu'il s'agit d'un phénomène de "corrosion sous contrainte" ⤵️
l'IRSN parle de "défauts à proximité des soudures de certains coudes"
▶️ Plusieurs coudes sont donc touchés
Une des étapes en caractérisation d'évènement est la recherches des conséquences réelles et potentielles.
Donc l'idée, est d'exposer de manière déterministe, ( puisque la caractérisation physique réelle des défauts est en cours ) les conséquences qu'aurait pu avoir ces défauts
Et ce dans la pire des situations :
▶️ Toutes les tuyauteries RIS sont touchées
▶️ Un choc thermique froid au chaud suffit à rupter
▶️ Sinon : un seisme suffisamment important pour gommer les marges restantes engendre des brèches multiples dur le circuit primaire
▶️ Les brèches sont suffisamment importantes pour engendrer un problème de refroidissement
▶️ Donc une mise en défaut importante de la démonstration de sûreté
Notons toutefois que même dans ces situations dégradées il reste des solution techniques, appoints, lignages entre les circuits qui seront mis en place en gestion accidentelle.
Rappelons aussi qu'à Dampierre 2 en 1992 le débit de l'unique fuite constaté était de 600L/h pour un seuil accidentel fixé à 2,3m3/h
Enfin, l'IRSN se montre "satisfaite" de la décision d'EDF du fait qu'une anomalie "générique" au palier N4 ne peut être exclue à ce jour.
Enfin elle rappelle que les données récoltée lors de la caractérisation devront être comparées au reste du parc en exploitation
L'idée ici, est bien de vérifier s'il peut y avoir transposition d'un palier à un autre des enseignements tirés de cette situation : c'est le traitement du retour d'expérience
A ce titre, puisqu'on parle beaucoup de défaut générique depuis quelques temps, je vous invite à lire ce thread qui traite justement de cette question sur un exemple précis :
Soit un choix d'arrêter 4.5GW avec le contexte qu'on connait ...
Comme je l'ai dit plus haut, la position d'EDF est bien d'afficher l'enjeu de sûreté #nucléaire associé à la position des défauts et de leur nombre, inconnu à ce jour.
Je vais être clair : d'un point de vue sûreté nucléaire, ce choix est le bon et c'est indiscutable. Point.
Je vous fais l'affront de vous rappeler la définition de la sûreté #nucléaire :
"Les valeurs et les valeurs et comportements - modélisés par ses dirigeants et intégrés par ses membres - qui servent à faire de la la sûreté nucléaire la priorité absolue."
Point.
Je rappelle que la confiance qu'on accorde à une installation #nucléaire à fonctionner "en toute sûreté" repose sur une "démonstration de sûreté" : Article 1.3 ⤵️
Dès lors que la démonstration de sûreté est mise en défaut de manière importante, ici a minima à CIVAUX 1, une bonne culture de sûreté impose de se positionner à nos objectifs de sûreté.
Et c'est bien cela qui justifie le choix de EDF.
Vous ne comprenez toujours pas pourquoi EDF a décidé d'arrêter ses réacteurs ?
C'est parce que vous ajoutez dans l'équation des considérations, certainement valables, mais en dehors du scope de la seule sûreté #nucléaire.
Je vous renvoie à votre propre "culture de sûreté #nucléaire" et par extension à votre capacité à vous conformer à la loi.
Maintenant que ce point "sûreté #nucléaire" est clarifié, il y a d'autres éléments pour expliquer cette décision et en particulier le guide n°21 de l'@ASN :
Et pour cela j'ai besoin de la pyramide réglementaire 🇫🇷 appliquée aux Installation #Nucléaire s de Base :
Les guides, tout en bas, sont donc des déclinaisons destinés à assurer le bon respect des étages réglementaires supérieurs ⤵️
Vous aurez remarqué qu'ils ne sont pas dans le domaine "contraignant", c'est à dire qu'ils ne sont pas prescriptifs.
L'ASN les a écrits pour en fait donner à l'avance sa position sur les sujets traités par le guide
Etant non prescriptifs, les industriels et plus largement les exploitants peuvent choisir de ne pas respecter les guides ASN ...
MAIS
Ils ont intérêt à avoir des dossiers solides pour justifier de s'affranchir des recommandations de ces fameux guides ...
Revenons à l'exemple du guide 21, il traite de "la gestion des écarts" selon les grandes lignes suivantes :
Selon moi, la situation décrite dans les tweets précédents correspond à ce cadre dit "d'écart"
Je passe quelques pages pour arriver à la définition des délais associés au principe de "résorption dès que possible" : considérons le délai A1 ⤵️
Qu'avons nous dans les tableaux en annexes ?
Et là, j'ai la moitié de twitter qui me dit :
"Tu vois bien qu'il y a matière à discuter, à se défendre pour rester en production, toi même tu entoures le critère A2 ! ! ! !"
Et c'est vrai.
Je n'ai pas fait l'analyse de sûreté qui a mené à l'arrêt des réacteurs, je ne fais que donner des éléments, qui ici ont le statut d'hypothèses.
Mais à ces gens là, je leur dirais que pour moi, une partie de la réponse est dans le communiqué de l'IRSN, avec l'utilisation d'un mot en particulier ...
Vous l'avez vu, on en a parlé précédemment :
Parce que ce mot renvoie à une autre partie des annexes du guide ASN n°21 celle où on parle de séisme et où on retrouve les critères A1 :
Il y aurait pu y avoir discussion au vu de ce dernier tableau, mais l'appréciation de l'affectation du premier niveau de défense en profondeur ne me parait pas facilitante pour tenir cette position ...
Ce qui nous amène à la question :
Pourquoi EDF ne s'est pas plus battu pour maintenir ses réacteurs #nucléaire s en production, surtout dans le contexte actuel ???
My2cents sur le fait que la nature du défaut sur un système de sauvegarde, les inconnues sur le nombre de tuyauteries touchées, le scénario catastrophe de l'IRSN et à la lecture du guide 21 me font dire que l'ASN aurait imposé le repli de toute façon.
Or il y a un "avantage" a devancer ce genre d'injonction : en prenant la décision d'arrêt, EDF peut prétendre à une meilleure maîtrise des critères de redémarrage, ce qui n'aurait pas été le cas pour un arrêt imposé par l'ASN, où on serait passé par un avis IRSN + les délais.
Arrêter au plus vite pour pouvoir redémarrer au plus vite ses réacteurs #nucléaire s, lorsque le réseau électrique en aura vraisemblablement le plus besoin.
Est ce satisfaisant ? Non, mais ces différents éléments permettent de dire que le YAKAFOKON n'existe tout simplement pas.
Enfin, il convient de verser au dossier que l'ASN dispose dans ses outils d'un pesage entre les différents enjeux, dont la sûreté du réseau électrique, comme par exemple lors des canicules de 2003 et 2006 :
En 🇫🇷 les #SMR ont été mis sous le feux des projecteurs il y a peu à la suite de l'intervention d'@EmmanuelMacron lors de la présentation de #Francerelance ⤵️
La 🇨🇳 prévoit de construire au moins 150 nouveaux réacteurs #nucléaire au cours des 15 prochaines années, soit plus que ce que le reste du monde a construit au cours des 35 dernières années.
Au début de l'année, le gouvernement a désigné l'énergie #nucléaire comme la seule forme d'énergie ayant des objectifs intermédiaires spécifiques dans son plan quinquennal officiel.
Il s'agirait du type de transformation énergétique globale dont les démocraties occidentales - qui doivent tenir compte des contraintes budgétaires, de la volonté politique et de l'opinion publique - ne peuvent que rêver. 😑
Au sommet des chefs d'État et de gouvernement jeudi à Bruxelles, «une très grande majorité d'États membres» a souhaité inclure à la fois le gaz (🤬) et le #nucléaire (🤗) dans cette liste d'investissements durables
Mi-octobre, dix États de l'UE, dont la France, ont publié une tribune soutenant le nucléaire au motif qu'elle n'émet pas de CO2 et fait partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, mais également qu'elle contribue à l'indépendance énergétique européenne.
Aujourd'hui 11 s'étaient positionnés officiellement pour :
La présidente LR de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, se prononce en faveur de la construction d'une "petite centrale #nucléaire" à Cordemais, pour remplacer la centrale électrique.
"Le #nucléaire est une énergie propre, très peu émettrice de gaz à effet de serre, qui doit nous permettre, en complément du développement des énergies renouvelables, de soutenir de façon durable le dynamisme économique de notre région"
Et l'idée est loin d'être dénuée de bon sens du fait que c'est précisément l'un des objectifs des #SMR que de venir remplacer des centrales ⚡️ fossiles, tout en s'intégrant facilement au réseau ⚡️ déjà en place :
Cette phase était consacrée au cadrage des
objectifs, des méthodes et des hypothèses, et s’est
achevée au premier trimestre 2021. Elle a été
ponctuée d’une large consultation publique.
Les jeux d'hypothèses, en particulier sur la consommation sont les suivants :
"Le gouvernement a tacitement accepté la position d'essayer d'inscrire l'énergie #nucléaire dans la classification de l'🇪🇺 des formes d'énergie durables."
"La position du gouvernement sur l'énergie #nucléaire a déjà été formulée au sein du Comité des ministres de l'🇪🇺 le 9 juillet, mais elle n'a pas été rendue publique."