[FIL] Avec beaucoup de retard, j’ai enfin lu le dernier livre de l'excellent @MrjDuclos et je vous le recommande, pour 10 raisons. 
1/ On y reconnaît l’influence de "deux esprits éclairés entre tous, tous deux disciples de Raymond Aron" (p32), Stanley Hoffmann et Pierre Hassner (à la mémoire duquel l’ouvrage est dédicacé).
2/ Bonne analyse des mutations de l'ordre mondial qui n’est pas multipolaire puisqu’à la bipolarité de la guerre froide a succédé un "moment unipolaire" américain puis "un désordre généralisé" (p48).
Ce désordre est en réalité une transition vers ce que j'avais appelé en 2015 une "bipolarité fluide Etats-Unis/Chine" (jbjv.com/IMG/pdf/JBJV_2…).
Duclos estime lui aussi que "la rivalité systématique entre la Chine et les Etats-Unis, en fait entre la Chine, aidée de la Russie, et l’Occident" (p239) dominera les années 2020 et il pose la question d’une "nouvelle guerre froide, 'aux caractéristiques chinoises'" (p241).
Il a raison de souligner les différences avec la guerre froide précédente, mais aussi de dire que, contrairement à ce qu’on a pu penser initialement, celle-ci ne manquera pas "d’un combustible idéologique".
3/ Sur le faux débat entre "gaullo-mitterandisme" (passé de "concept analytique" à "instrument polémique" (p52)) et "néo-conservatisme à la française" (qui est "une fable, avec des relents complotistes", p78), il faut lire les pages 78-86.
Voir aussi son article de 2017 (institutmontaigne.org/blog/2017/08/0…) et ceux de @BrunoTertrais (lemonde.fr/idees/article/…), @JustinVaisse (esprit.presse.fr/article/vaisse…) et @charillon (afri-ct.org/wp-content/upl…)
4/ Cette belle description d'Emmanuel Macron par Antoine Garapon : "un homme jeune, d’une sensibilité de type protestant, d’esprit fondamentalement libéral...
...il croit à l’individu, à la responsabilité, au bonheur personnel, dans un pays vieillissant, de culture catholique, où le libéralisme est toujours resté une langue étrangère" (p86).
5/ La main tendue, l’espoir d’un "reset" avec la Russie était une illusion (à laquelle tout dirigeant croit lorsqu’il arrive au pouvoir) puisqu’il n’y a pas eu de "progrès notable", de "résultats substantiels".
Cette illusion était en partie motivée par l’ambition de découpler Moscou de Pékin alors que ce n’est pas un jeu à somme nulle et que Lavrov lui-même a confirmé que "si Macron s’imagine que nous allons choisir l’Europe contre la Chine, il se trompe complètement" (p106).
Par ailleurs, cela a eu l’effet pervers d’entamer "le capital politique de M. Macron aux Etats-Unis et auprès des pays européens antirusses" (p105), ce qui a contribué à un "malentendu fondamental" avec nos partenaires européens -
également causé par plusieurs déclarations, dont celle sur la "mort cérébrale de l’Otan" (p175). "insistons sur le déficit de confiance avec les autres Européens (aggravé par l’attitude sur l’Otan), car on se rend mal compte en France des différences de perception" (p213).
6/ Petit désaccord sur l’opération Hamilton (avril 2018) : l’auteur estime que "la portée de cette action est restée plus limitée que ne paraît le croire le chef de l’Etat (ces frappes ont été considérées localement comme des ‘piqures d’aiguilles’)" (p131).
Il semble au contraire que les frappes ont eu un effet dissuasif si l’on en croit la chronologie des attaques chimiques, qui ont cessé ensuite comme j’ai tenté de le montrer dans cet article cambridge.org/core/journals/…
7/ Il faut insister comme il le fait sur "l’articulation entre Indopacifique et relation transatlantique" dans le partage des risques avec les Etats-Unis (p. 245-47), ce qui implique une plus grande présence militaire européenne dans l’Indopacifique.
8/ Sur la pandémie comme continuité plutôt que rupture : "nous ne passons pas d’un ‘monde d’avant’ à un ‘monde d’après’, nous sommes dans un monde (…) dont le bouleversement va se poursuivre" (p247). C’est ce que j’avais tenté de montrer dans cet article: jbjv.com/IMG/pdf/JBJV_2…
9/ Dans son dernier chapitre, il formule des recommandations utiles, dont :
- "rétablir une position d’influence centrale en Europe" = davantage de confiance donc de concertation et de prise en compte des intérêts et perceptions des Etats d’Europe centrale et orientale (p274) ;
- "rétablir une position d’influence centrale en Europe" = davantage de confiance donc de concertation et de prise en compte des intérêts et perceptions des Etats d’Europe centrale et orientale (p274) ;
- une stratégie d’endiguement de la Chine coordonnée avec les Etats-Unis. Il ne s’agit pas de s’aligner, mais pas non plus de faire croire à "la notion d’équidistance entre une Amérique démocratique et une Chine qui revient de plus en plus au modèle totalitaire" (p287).
10/ La confiance en l’avenir de la démocratie libérale, dont témoigne la conclusion : "le moment va venir où leurs faiblesses ébranleront de l’intérieur les systèmes autoritaires" (p301). On en voit d’ailleurs les balbutiements en Biélorussie comme au Kazakhstan.
Il faudra d’ici là avoir été "capables de renouveler le libéralisme politique, de faire de nouveau de la démocratie libérale une idée neuve et attrayante" (p296). Une conclusion stimulante, même s'il y a du pain sur la planche. Merci à @MrjDuclos pour ce beau livre.
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