[FIL] Réponses à quelques questions suite à la parution de notre rapport sur "Les Opérations d’influence chinoises".
Pour Pascal Boniface, il y aurait 2 camps : d’un côté, ceux qui ont "des relations", un "dialogue critique" avec la Chine (l’IRIS) et, de l’autre, ceux qui pensent que "tout contact est forcément une compromission" (l’IRSEM).
blogs.mediapart.fr/pascalboniface…
C’est faux. La preuve en images. 1) L’IRSEM a reçu des délégations de l’APL. L’une des photos ci-dessous, prise en septembre 2019, montre d’ailleurs les auteurs du rapport entourés de militaires chinois.
L’ironie, par rapport à la formule de Pascal Boniface sur le fait "qu’il ne faut en aucun cas déjeuner avec le diable", est que… nous avons déjeuné avec eux juste après que cette photo a été prise.
2 ) J’ai aussi effectué des missions en Chine, avec entre autres des entretiens à l’Académie des sciences sociales de Shanghai, à l’Ecole normale supérieure de l’Est de la Chine (ECNU) et au Shanghai Institutes for International Studies ( siis.org.cn/Content/Info/4…)
En 2014, j’ai également participé à un colloque organisé par l’université normale de Shanghai et j’ai donné une conférence à l’université Fudan (sur… la bipolarisation du monde à l’horizon 2025). Les étudiants étaient d’ailleurs très bons.
Quant à @PaulCharon, qui lui est sinologue, il a vécu et travaillé 3 ans à Pékin, où il a eu davantage de "contacts" et de "relations" avec des interlocuteurs chinois que beaucoup d’"experts" parisiens n’en auront jamais.
Le problème n’a jamais été d’avoir des "relations" et des "contacts" avec des homologues et des officiels chinois, y compris du Parti et de l’Armée. Nous partageons entièrement les longs développements de @PascalBoniface sur l’importance du dialogue, avec tout le monde.
Caricaturer notre position en faisant croire qu’elle recommanderait de n’avoir "aucun contact" avec la Chine pour mieux la réfuter revient à commettre un sophisme dit de l’épouvantail ou de l’homme de paille.
Ce qui nous distingue n’est pas que les uns auraient des "relations" et que les autres refuseraient d’en avoir, puisque nous en avons tous les deux. C’est plutôt la nature de cette relation.
Il nous semble en effet qu’il ne faut pas confondre deux choses : 1) le fait de recevoir une délégation chinoise ou de faire des missions en Chine pour échanger et se comprendre, ce qui est effectivement important ;
2) et le fait de coorganiser des événements publics avec l’ambassade, qui sont donc par construction peu critiques, a fortiori sur un thème qui est lui-même une stratégie d’influence (la BRI) formulé dans les termes mêmes forgés par le Parti (de "relations gagnant-gagnant")
+ de participer régulièrement à d’autres événements organisés par l’ambassade ou des agences du Parti + de publier régulièrement dans la revue d’influence du Parti + d’entretenir des liens avec une maison d’édition travaillant avec le département de Propagande du Parti.
La différence est que, dans le premier cas, on n’accorde aucune résonance, aucune publicité à la propagande du Parti, et l’on peut d’ailleurs plus librement lui apporter la contradiction puisqu’il n’y a pas la crainte qu’il mette fin à un partenariat ;
tandis que, dans le second cas, qu’il le veuille ou non, le partenaire français est vu par les autorités chinoises comme une caisse de résonance sur le marché local des idées, et - même si là n’est pas son intention - il contribue de facto à l’influence chinoise.
C’est tout ce que nous disons à propos de l’IRIS dans le rapport, ni plus, ni moins, comme j’ai tenté de l’expliquer dans cette réponse : Et cela ne revient aucunement à dire que l’IRIS, son directeur ou tel chercheur sont pro-chinois.
Par conséquent, toutes les défenses mettant en avant le fait que l’IRIS publie aussi des papiers critiques de Pékin, ou qu’untel a des liens avec Taïwan, manquent leur cible : nous ne contestons pas tout cela. Faire mine de ne pas le voir est encore un sophisme de l’épouvantail.
Nous observons simplement que, du point de vue de Pékin (et non du point de vue de l’IRIS), l’institut est un "partenaire ponctuel" qui peut aider à convaincre donc influencer.
Pascal Boniface estime que d’autres think tanks ont la même relation avec les autorités chinoises et donc que l’IRIS est injustement "le seul visé". blogs.mediapart.fr/pascalboniface…
C’est faux. D’abord, l’IRIS est l’un des 3 exemples de think tanks français cités dans ces pages (312-339), les autres étant The Bridge Tank et la Fondation Prospective et Innovation, auxquels s’ajoutent un exemple international et une maison d’édition française.
Et, sur ces 3 think tanks, le passage sur l’IRIS n’est ni le plus long en taille, ni le plus sévère sur le fond, puisqu’il est présenté comme le "premier degré" de l’influence.
Mais Pascal Boniface fait référence sans le citer à un autre think tank ayant reçu le ministre chinois des Affaires étrangères et qui aurait dû, selon lui et pour cette raison, être aussi "visé". Il s’agit de l’IFRI, et de cet événement ifri.org/fr/espace-medi…
Cependant, les situations ne sont absolument pas comparables. 1) il s’agit d’un événement IFRI, pas d’une co-production IFRI-ambassade ; 2) certaines des questions sont réellement critiques (Nathalie Loiseau sur les Ouïghours par exemple) ;
et surtout 3) c’est un cas isolé. Sauf preuve du contraire, l’IFRI n’a pas les mêmes relations avec les autorités chinoises que celles décrites précédemment dans le cas de l’IRIS. Ce sont ces faits, et eux seuls, qui ont guidé le choix des exemples présents dans le rapport.
Dans ce passage de sa réponse détaillée, Pascal Boniface suppose, sans aucune preuve, que seuls les éléments à charge" ont été "fournis aux journalistes".
Dans la version vidéo de sa réponse (03:20), il imagine aussi que l’on a fourni une version avec des passages "surlignés"
C’est faux. C’est un exemplaire entier du rapport, non annoté ni surligné, qui a été remis d’abord au Monde (qui en a fait ses articles du 3 septembre), ensuite à Radio France pour accompagner le jour de la sortie. L’un et l’autre pourront le confirmer.
Il s’agissait tout simplement du plan de communication qui avait été validé en amont. Et cette pratique consistant à communiquer l’ouvrage aux médias avant parution est absolument banale : c’est le service presse que font tous les éditeurs.
Imaginer, sans aucune preuve, que nous ayons pu fournir des morceaux choisis dans le but de nuire à tel ou tel relève du complotisme. La vérité est que l’IRSEM n’est pas responsable des choix éditoriaux des médias qui, en France, sont libres.
Nous n’avions pas anticipé qu’une section de 3 pages sur 646, soit 0,46% du rapport, mobiliserait autant l’attention et que nous passerions autant de temps à répondre à des accusations infondées sur ce qui n’est jamais qu’un exemple parmi d’autres.
Comme je l’écrivais dans ma première réponse, nous avions jusqu’alors des relations harmonieuses avec l’IRIS. Je continue de penser que l’IRIS est un think tank sérieux, avec des chercheurs compétents, et j’espère sincèrement que nous parviendrons à surmonter cette crise.
En attendant, peut-on parler des autres 99,54% du rapport ?
Dans la version vidéo de sa réponse (03:20), il imagine aussi que l’on a fourni une version avec des passages « surlignés »
C’est faux. C’est un exemplaire entier du rapport, non annoté ni surligné, qui a été remis d’abord au Monde (qui en a fait ses articles du 3 septembre), ensuite à Radio France pour accompagner le jour de la sortie. L’un et l’autre pourront le confirmer.
Il s’agissait tout simplement du plan de communication qui avait été validé en amont. Et cette pratique consistant à communiquer l’ouvrage aux médias avant parution est absolument banale : c’est le service presse que font tous les éditeurs.
Imaginer, sans aucune preuve, que nous ayons pu fournir des morceaux choisis dans le but de nuire à tel ou tel relève du complotisme. La vérité est que l’IRSEM n’est pas responsable des choix éditoriaux des médias qui, en France, sont libres.
Nous n’avions pas anticipé qu’une section de 3 pages sur 646, soit 0,46% du rapport, mobiliserait autant l’attention et que nous passerions autant de temps à répondre à des accusations infondées sur ce qui n’est jamais qu’un exemple parmi d’autres.
Comme je l’écrivais dans ma première réponse, nous avions jusqu’alors des relations harmonieuses avec l’IRIS. Je continue de penser que l’IRIS est un think tank sérieux, avec des chercheurs compétents, et j’espère sincèrement que nous parviendrons à surmonter cette crise.
En attendant, peut-on parler des autres 99,54% du rapport ?

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20 Sep
[FIL] PARUTION du rapport @IRSEM1 sur "Les opérations d’influence chinoises : un moment machiavélien" par @PaulCharon et moi-même. Cette somme de plus de 640 pages et 3000 notes est désormais en libre accès sur irsem.fr/index.html
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