Bonjour à toutes et à tous. Nous espérons que vous avez bien profité des fêtes. Nous repartons pour un nouveau #VendrediLecture avec un classique de l’économie de ce siècle. Il s’agit du Capital au XXIe siècle de @PikettyLeMonde. (1/30)
L’objectif de l'ouvrage est d’étudier les dynamiques d’accumulation et de répartitions des revenus et patrimoines, dans une vingtaine de pays et sur quatre siècles. Ces travaux sont donc à la confluence de l’histoire et de l’économie. (2/30)
Après avoir noté que le partage du revenu entre le capital et le travail était moins stable qu’on pourrait l’imaginer, Piketty avance qu’il est plus enrichissant de s’intéresser au rapport entre le capital et le revenu national, du fait de "lois fondamentales (3/30)
du capitalisme" qu'on verra ensuite. L’économiste définit le capital comme la somme des actifs, financiers ou non, dont la valeur est évaluée au prix de marché, diminuée des passifs financiers (à savoir l’ensemble des dettes). Cela équivaut donc au patrimoine. (4/30)
Pour mieux comprendre, il nous faut présenter une équation très simple. On note α (part des revenus du capital dans le revenu national) et r (taux de rendement moyen du capital). Le rapport capital/revenu - qui se note β - est compris entre 5 et 6 dans les pays (5/30)
développés. Mécaniquement, α = r × β. C'est la « première loi fondamentale du capitalisme » : la part du capital dépend donc du rendement du capital et de son poids par rapport au revenu national. Il est nécessaire de comprendre que le rapport capital/revenu β (6/30)
est d’autant plus fort que le taux d’épargne est important et que le taux de croissance est faible. La croissance, tant démographique qu’économique, est donc pour l’économiste une « source d’égalisation des destins ». Néanmoins, sur le temps long, celle-ci est (7/30)
structurellement faible, hors période de rattrapage (ex: les Trente Glorieuses). L’avenir s’annonce peu reluisant pour la quasi-totalité des continents. Dès lors, il ne faut pas forcément compter sur la croissance pour limiter les inégalités. (8/30)
S’en suit l’étude du rapport capital/revenu sur le temps long. L’auteur note un niveau bas, en France et ailleurs, dans la période de l’après-guerre, évoquant même pour l’hexagone un « capitalisme sans capitalistes ». Cela s'explique par l’inflation importante (9/30)
amenée par les guerres et le régime de croissance, environnée par un climat de défiance envers les forces d’argent, vectrices de guerre ou propices à la collaboration. Cet effondrement tient donc à l'écroulement des portefeuilles étrangers (rupture des emprunts (10/30)
russes, décolonisation, rapatriement des capitaux en période de guerre) et à la faible épargne durant la période, suite aux baisses des revenus, notamment pour chez les plus riches. Ce climat politique se traduit par des blocages des loyers, des nationalisations, (11/30)
plus de taxes, etc. Cette observation du temps long fait apparaître une « deuxième loi fondamentale du capitalisme » : le rapport capital/revenu (β) est égal au taux d'épargne (s) sur le taux de croissance (g). En France, le temps de la Belle Époque (période d’avant (12/30)
la Grande Guerre) est une période avec une faible croissance et un taux d’épargne important. C’était une période de fortes inégalités, avec de grande concentrations de patrimoine. Un état de fait que les chocs du XXe siècle ont remis en question, comme nous l’avons (13/30)
déjà expliqué. Néanmoins, on tend à nouveau vers une telle situation de taux de croissance faible, et de taux d’épargne élevée (notamment du fait des personnes âgées et aisées). Dès lors, on se dirige de nouveau vers la société patrimoniale et inégalitaire de (14/30)
la Belle Époque. Par conséquent, loin d’être une tendance naturelle du capitalisme, la période dorée des Trente Glorieuses est à replacer dans un contexte historique et politique donné, et ne serait être autre chose qu'une parenthèse enchantée. (15/30)
Ensuite, l’auteur s’intéresse à la répartition du capital et des revenus, autour de trois groupes constituées. Une classe populaire, les premiers 50%. Une classe "moyenne", les 40% suivants. Et enfin la classe supérieure composée des derniers 10%, au sommet. Piketty (16/30)
note que la répartition du capital est bien plus inégalitaire que celle du revenu. En France, en 2010, la classe supérieure (10%) détient 62% du capital national, contre seulement 4% pour les 50% les moins bien pourvus. Ceci correspond à un capital moyen par adulte (17/30)
de 20 000 euros pour la classe populaire contre 1.2 millions d’euros pour la classe supérieure. Et cette classe supérieure est elle-même extrêmement hétérogène et inégalitaire. (18/30)
Les "1%" au sommet concentrent 25% du patrimoine, soit 5 millions d’euros en moyenne par adulte. La situation était encore plus inégalitaire durant la Belle Époque, avec une classe supérieure (10%) détenant 90% du capital, et une "élite" (1%) détenant près de (19/30)
50% du capital. C'est durant les Trente Glorieuses qu’émergera la classe moyenne, qui récupèrera une partie du capital provenant de la classe supérieure. Quant aux classes populaires (les 50% du bas de l'échelle sociale), leur capital n'a jamais réellement augmenté. (20/30)
Or, ce capital si inégalement réparti est au cœur de la réflexion du livre. Sur le temps long, les rendements du capital sont généralement supérieurs à la croissance. Ce rendement tourne autour de 5% (ce que notait déjà Balzac à son époque), tandis que le taux (21/30)
de croissance n'est presque jamais aussi élevé. Le capitalisme est donc, par essence, puissamment inégalitaire, puisqu'il permet au détenteur de capital d'épargner et donc de s'enrichir plus rapidement que l’ensemble des autres agents. Voilà pourquoi, selon Piketty, (22/30)
Balzac dans le Père Goriot fait dire à Vautrin que la seule voie qui vaille est de percevoir un héritage, s’il le faut de façon malhonnête, et que le travail de juriste envisagé par Rastignac compte plus d’embûches que de possibilités d’être parmi les plus fortunés. (23/30)
L'héritage supplante tout mérite. Nous nous rapprochons dangereusement des ordres de grandeur de la "Belle époque" : aujourd’hui, un jeune Rastignac devrait tâcher de séduire la fille de Bernard Arnault plutôt que de se fatiguer dans les études et le travail. (24/30)
Face à ce constat, Piketty - refusant malgré tout de rompre avec le capitalisme, ce qui pourrait lui être reproché - propose une taxation progressive du capital. Piketty avance des taux entre 5 et 10 % du patrimoine total des milliardaires, pour prévenir contre (25/30)
la transformation de l’entrepreneur en rentier. Il évoque même une taxe ponctuelle exceptionnelle sur l’ensemble du patrimoine qui permettrait de rembourser l’ensemble de la dette publique européenne, à hauteur de 15 % du patrimoine dans la situation de 2011. (26/30)
Tout en privilégiant un impôt transfrontalier sur le capital, Piketty admet également la nécessité du contrôle des capitaux afin de lutter contre l’évasion fiscale, en notant que celui-ci permet notamment à la Chine de bien mieux contrôler ses milliardaires que (27/30)
la Russie. L’auteur conclut avec un plaidoyer pour une économie politique et historique, au cœur de l’ensemble des sciences sociales. Cette réflexion démontre le rôle essentiel du poids de l’histoire et des différents contextes politiques. (28/30)
À côté de cet ouvrage, nous vous recommandons vivement de consulter la base de donnée actualisée sur les inégalités, constituée par Piketty et ses associés autour du WID : wid.world/fr/accueil/. (29/30)
Le sujet étant un peu technique, voici un entretien de Thomas Piketty autour de ce livre, pour plus d'explications : (30/30)
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Bonjour à toutes et tous, nous revoici pour un ultime #VendrediLecture avant une pause estivale durant le mois d’août. Afin de marquer le coup, nous vous recommandons un monument de la création artistique française : A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. (1/21)
Oui, l’ouvrage est assez long. Oui, il est ardu, dense, et ne se lit pas comme un roman de gare. Dès lors, l’œuvre peut en effrayer ou en décourager plus d’un. Néanmoins, nous allons vous expliquer pourquoi vous devriez profiter du mois d’août pour vous y mettre. (2/21)
Marcel Proust, c’est une langue. Une technicité syntaxique inouïe qui lui permet d’écrire des phrases aussi longues à suivre qu’un projet de réforme de l’Union européenne. C’est également un vocabulaire incroyablement diversifié, qui enrichira le vôtre comme aucune (3/21)
Aujourd'hui, c'est #VendrediLecture, et nous allons vous présenter l'ouvrage de l'économiste John Kenneth Galbraith, "Le nouvel État industriel", paru en 1967. (1/18)
Dans cet ouvrage, Galbraith soutient que le pouvoir dans la grande entreprise et dans la société n'est plus détenu par les individus mais par les organisations. Il démontre que le fonctionnement du capitalisme change par la modification de ses structures et que (2/18)
la loi de l'offre et de la demande ne peut pas fonctionner. Galbraith est un grand critique de cette loi : pour lui elle n'a tout simplement jamais existé. Les conditions de l'économie de marché n'existent pas, le libéralisme en est décrédibilisé. (3/18)
Toujours au rendez-vous pour le #VendrediLecture, cette semaine nous évoquons un auteur iconoclaste et provocateur (pour changer), que beaucoup sans doute attendaient : Jean-Claude Michéa.
Même si ce n'est pas son essai le plus connu, nous choisissons de présenter (1/12)
"Les mystères de la gauche", qui intéresse particulièrement République Souveraine et ses sympathisants. C'est en effet dans cet ouvrage que le philosophe, ancien professeur de philo dans un lycée, désormais retiré dans un village des Landes, établit une généalogie (2/12)
de ce que désigne le terme de "gauche". S'inspirant particulièrement de l'écrivain britannique George Orwell, Michéa différencie fortement ce courant du socialisme - ou plus largement du mouvement ouvrier - pour l'identifier historiquement et intrinsèquement au... (3/12)
Pour ce nouveau #VendrediLecture de RS, nous vous encourageons à lire l'ouvrage iconoclaste de Régis Debray, "Éloge des frontières". Si celles-ci apparaissent aux yeux de beaucoup, et notamment chez certains jeunes, comme quelque chose de négatif... [1/8]
...de restrictif, Debray montre que ces limites sont fondamentales pour maîtriser notre destin. Si vous êtes un militant des droits humains et de la défense de l'environnement, c'est une frontière qui permet de ne pas intégrer à notre marché un bien produit...[2/8]
...à l'autre bout du monde, fabriqué par des enfants. L'absence de frontières, c'est souvent l'absence de protection des faibles face au fort, le fort présentant bien souvent les traits d'un grand marché prétendument universel, mais surtout inhumain. [3/8]
Il y a 200 ans, les Grecs 🇬🇷, nourris par les idées de la Révolution française, se révoltaient contre leurs oppresseurs turcs. Ils ne furent pas aidés par la Sainte-Alliance - l'UE de l'époque - sous la domination du chancelier Metternich. [1/5]
Ce n'est que sous la pression de philhellènes tels que Lord Byron, Delacroix, Hugo ou Chateaubriand, horrifiés par les massacres dont celui Missolonghi, que la Grande-Bretagne et la France - celle-ci y compris sur terre avec l'expédition de Morée - intervinrent. [2/5]
Malheureusement, ce fut au prix de l'emprisonnement de la jeune nation grecque par la dette et une monarchie étrangère non désirée - un handicap qui la suivit la Grèce tout au long de son histoire. [3/5]
Que des entreprises non-essentielles à la vie de la Nation, comme Airbus, ont bénéficié d'un passe-droit pour obtenir des masques FFP2 et FFP3 aux dépens des hôpitaux. (1/8) #Thread#OnOublieraPas ⬇️
Que des considérations purement budgétaires ont pris le pas sur les impératifs sanitaires : « la personne qui, dans l’état actuel des finances de la France, aurait dit “on va dépenser des centaines de millions d’euros pour une crise hypothétique”, on lui aurait ri au nez.» 2/8⬇️
Que la réquisition des masques a été très mal préparée. Conséquence : des dizaines de milliers de masques attendent toujours d’être réquisitionnés. (3/8)⬇️