Thread by @BB27000

Aujourd’hui je vous parle d’un sujet sensible mais tellement réel dans la vie des conducteurs de trains.

La nuit et la lutte contre le sommeil.

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Pour une grande partie des conducteurs de trains, et surtout ceux du Fret, la gestion du sommeil et la lutte contre l’endormissement est un vrai problème.

Nous sommes aidé si besoin par les services médicaux internes mais la plupart du temps on fait notre sauce.

Pour commencer, une précision importante:
On parle en H24 chez nous.

Si vous me demandez d’embaucher à 3h37, je prends mon service à 3h37, pas à 15h27.

Les 3h37 AM et PM, on laisse ça à l’équipe d’en face, aka les anglais.😁

Nous c’est comme l’armée, c’est H24. Point.

Autre précision, nous utilisons les termes bien précis de Prise de Service (PS) et de Fin de Service (FS).

Notez bien ces deux acronymes, PS et FS, je vais les utiliser souvent.

Quand j’étais au Fret, j’avais régulièrement des journées qui commençaient à 01h00 (à Brive la gaillarde) et finissent à 9h00 (à Perpignan).

C’est ce qu’on appelle des « Nuit ». (Logique).

Et la journée de retour c’est PS 17h00 à Perpignan avec une FS à Brive à 2h00.

Vous avez bien lu, en 24h00, j’ai fait deux journée de conduite, de nuit. C’est ça le métier de conducteur de train de fret.

Et c’est légal.

Une PS à 1h00 impose d’aller au lit vers 20h00 pour dormir un peu.
S’endormir à 20h00 ou 19h00 c’est un vrai chalenge.

Perso j’ai une technique que m’a refilé un collègue.
Tu te mets au lit, sans lumières, sans écrans, dans le silence (pas facile avec des gosses).

Et tu essayes de ne pas penser à des trucs négatifs.

Perso j’ai mis un mois à me mettre au carré avec cette technique.
Mais même encore aujourd’hui, quand je me lève à 3h30, je file au lit vers 20h30. Et je dors en 20 min.

(Quand tout va bien, y’a des fois ça marche pas).

Bien gérer son sommeil avant et après le boulot, c’est important pour éviter les phases de fatigue au manche du train.

Surtout quand tu as au cul 1500 tonnes de produits chimiques.😓

La fatigue au manche d’un train est exactement la même qu’au volant d’une voiture.
Sauf que nous, on peut pas s’arrêter à la première station d’autoroute.
Notre métier c’est de conduire (parfois 6h00 d’affilé.)

Et vous connaissez tous les symptômes d’un manque de sommeil, tout le monde l’a vécu une fois au moins dans sa vie.

Les yeux qui piquent, mais qui piquent sévère.

Le mal de tête. Parfois.

La respiration qui est plus difficile. On cherche de l’air et on souffle, souvent. Difficulté de concentration…

Bref, c’est une vraie douleur, physique. Qui fait mal.

Donc comment lutter contre le sommeil.

Plusieurs solutions s’offre à nous. Je vous propose les miennes qui sont sûrement les mêmes que mes collègues.😁👍

- Manger. Et boire. Manger, ça éveille les papilles, ça occupe les mains. Perso je prenais des mandarines.

Les fameuses mandarines super chiantes à peler avec la peau fine. Ça occupe, ça tombe bien, j’ai le temps.

Inconvénient, on prends vite des kilos.

- Ouvrir la fenêtre. Ça fonctionne super bien !!!! Surtout l’hiver.
Rien de tel qu’un mega coup de froids pour te réveiller.

Gros inconvénient, ça caille sa race dans la cabine. Tu remets le chauffage à fonds pour compenser. Pas bon.

- Chanter.
En vrai je chante comme une vache espagnole qui a bu un litre de tequila. Avantage, tu es seul dans 4 mètres carré. Personne ne t’entends.

-Conduire debout.

Un des grands avantage de la conduite d’un train, c’est qu’on peut reculer le siège et conduire debout.
Ça fonctionne qu’un temps, mais c’est pas mal.

-Profiter du moindre arrêt pour dormir un peu.

Vous pouvez pas savoir la joie que procure un régulateur qui te cale dans une voie de garage avec à la radio un « Mécano, tu repartira dans 30 minutes après le passage de tel train ».

Là, tu bascules le sièges au max en arrière.
Et tu ronfles en 2 minutes.

Et quand le regul t’ouvre le signal de sortie, il est obligé de t’appeler à la radio pour te le dire car tu es dans les bras de Morphée. 😁😁😁

20 minutes de sommeil de gagné. 👍

Mais le pire dans tout ça. C’est pas forcément la nuit. C’est quand le jour se lève.

Là c’est le plus terrible.
Tu as sommeil, les yeux qui piquent, et tu as ce foutu soleil qui se lève. Pile en face de ta cabine.

Là tu atteints le point culminant.

Tu as bientôt fini de bosser, et te prends une vieille balle morte de derrière les fagots. Celle qui t’achève.

C’est con parce que justement, les fin de nuits, c’est là qu’arrivent le plus souvent les incidents.

On doit donc redoubler d’attention.

Moi c’est à ce moment là que je rechante Sunday Blody Sunday, a capella.

Debout dans ma cabine, balançant les peaux de mandarines par la fenêtre grande ouverte!

Mais il y a un corollaire à tout ça messieurs dames.

Vous n’imaginez pas le plaisir que nous avons à nous glisser dans le lit, à 9h30 à Perpignan, quand vous, vous allez au boulot. 😁

Chacun son tour !

N’oubliez pas que tout ce que je viens de citer est mon exemple personnel.

Autant de conducteur de train, autant de solutions.
Parfois on se partage nos secrets.

Certains fument comme des pompiers. (Maintenant c’est interdit en cabine).

D’autres amènent des Thermos de café ou du thé.

Certains chantent du Johny Haliday. Quelle indignité franchement.

Pour ceux qui déjà voudrait poser LA question « mais vous dormez pas quand même au volant? ».

Non, on a justement un dispositif, la « Veille Automatique » qui nous en empêche. Sinon c’est trop facile.

Malgré tout, les années que j’ai passé au Fret la nuit furent les meilleurs de ma carrière de conducteur.

Je regrette rien. C’était des super train.

Faut juste aimer bosser en décalé.

Travailler la nuit, c’est cette sensation d’être seul au monde.
Faire parti d’un monde à part. Tellement.

C’était dur, ça m’a fait mal, parfois, mais c’était bien.

Fin du thread, bonne nuit, dormez bien.

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