Thread by @lapsyrevoltee

Aujourd’hui un #threadlapsy sur la PURETÉ DES SENTIMENTS (et le doute). Ça fait quelques temps que je souhaite écrire sur ce sujet après avoir entendu plusieurs patientes remettre en question la totalité de ce qu’elles ressentaient parce qu’elles doutaient parfois ⤵️

Par exemple : une de mes patientes me disait que, parfois, elle avait l’impression de moins aimer son conjoint quand il faisait des choses qui lui déplaisaient. Elle pouvait le trouver un peu ridicule, un peu gauche ou juste pas conforme à l’idée qu’elle avait de l’amour

idéal et à ce moment, parce qu’elle avait ressenti quelque chose de “négatif”, elle remettait en question l’intégralité de ses sentiments.
Une autre de mes patientes, quand elle a un reproche légitime à faire à son conjoint, préfère presque condamner la relation entière plutôt

que de formuler ce grief. Le reproche se retrouve noyé dans un océan de doutes et de remise en question et n’a finalement jamais la possibilité d’être exprimé. Et mes deux patientes ressentent énormément d’angoisse quand ca leur arrive ! Alors,

je me suis demandé pourquoi ?
Pour avancer dans ma réflexion, je suis partie de la politique. Vous vous souvenez comment les syndicats sont passés à côté du mouvement des gilets jaunes ? C’était en grande partie à cause des images de pureté militante. Il faudrait respecter

les bons usages, avoir des idées bien ordonnées, un mouvement plus organisé, etc. Le côté proteiforme et foutraque du mouvement n’était pas assez pur pour s’y joindre.
Là, je me suis dit qu’il se jouait quelque chose dans ce style. Ces doutes, ces émotions dites négatives

venaient entacher l’entièreté de la relation. Pourquoi alors ?
Nous allons ici faire un petit détour par le TOC. On a une image du toc comme la contrainte à faire des gestes ou rituels répétitifs mais le TOC peut souvent porter sur la pensée. Ce qui s’appelait avant la névrose

obsessionnelle a une affinité très forte avec deux choses : le doute et la pensée.
Ensuite faisons un autre détour par le concept d’ambivalence : c’est la possibilité pour le psychisme d’accepter des sentiments contradictoires. De réconcilier des perceptions disparates

pour avoir une image subtile de la personne (ou de soi même). Avoir un bon accès à l’ambivalence peut nous permettre d’accepter sans peur de parfois détester quelqu’un qu’on aime de tout son cœur.
Je brassais ces réflexions pour essayer de voir comment aider mes patientes

et c’est quand j’ai pu trouver le bon angle et les soulager que je me suis dit que je voulais écrire ce thread.
Ajoutons un autre élément : ce sont deux patientEs. Les attendus genrés sont ici opérants. On estime qu’une femme sera plus douce, pleine d’amour, sans nuance ni

agressivité. Dévouée à ses sentiments. Or ici, ce qui faisait tout remettre en question à mes patientes c’est justement d’éprouver des choses contradictoires, d’avoir des reproches à faire, de ne pas toujours être aimantes à 100%.
Ce que je voulais vous dire ici

c’est que c’est ok d’éprouver tout ça. Ça ne veut pas forcément dire que vous n’aimez pas la personne ou que vous devez la quitter. Commencez par repérer le moment qui a déclenché ce doute, essayez de comprendre ce qui s’est passé. Est-ce lié à une représentation idéale

à laquelle l’autre n’a pas collé ? Est-ce un reproche sincère que vous n’osez pas lui adresser ? Est-ce un agacement bénin ? Faites le tri, c’est tout à fait normal d’avoir des sentiments contradictoires parfois même quand on s’aime fort. Faire le tri vous permettra de

savoir si vous avez vraiment des doutes sur la relation (et c’est ok aussi) ou si vous vous imposez une pureté des sentiments impossible à tenir comme on en voit que dans les contes de fées.
Une fois le tri fait, vous pouvez décider d’exprimer le reproche ou l’agacement que

vous avez identifié ou vous permettre aussi des imperfections comme celles que vous avez observées chez l’autre (tout le monde a le droit d’être un peu ridicule ou gauche).
Ma première patiente a été soulagée de pouvoir déconstruire cette image d’amour parfait, ce carcan de

la pureté féminine qui s’étend même à nos sentiments. Ma seconde patiente a trouvé le reproche caché dans toute cette angoisse, nous avons travaillé sur sa terreur du conflit et elle a pu l’exprimer.
Parfois le doute est un indice, il pointe un chemin de réflexion.
Nous sommes

des êtres complexes, pétris de contradictions, ça n’entache pas notre amour qui n’a pas à être pur.