Thread by @lapsyrevoltee

Un peu avant les vacances, il m'est arrivé ce qui est à peu près le cauchemar de tou.te.s les psys : deux de mes patientes se sont rencontrées dans la vie ! Alors que les psy ne reçoivent pas de personnes qui se connaissent !!

Vous le savez sûrement, les psys, même s'iels n'ont pas d'ordre professionnel, ont un code de déontologie. Nous ne recevons pas en même temps de gens qui se connaissent ou sont proches. Cela nous permet de nous concentrer sur la personne que nous recevons sans être parasité.e par

le discours de qqun d'autre. L'important pour nous c'est de travailler avec la personne sur la manière dont ELLE perçoit son univers, pas sur une espèce de réalité objective (qui n'existe pas d'ailleurs). Donc, nous ne recevons pas plusieurs personnes de la même famille ni des

ami.e.s proches. Et quand ça arrive malgré nous, par exemple, si on se rend compte que deux patient.e.s se connaissent (et qu'iels ne savent pas qu'iels ont lea même psy) on se tait tant que possible, notamment pour préserver le secret professionnel. Imaginez un instant que j'ai

X en thérapie et que je sais qu'iel est en couple avec Y et a une aventure à côté. Et que je me retrouve à avoir Y en thérapie qui se demande pourquoi X est bizarre. Moi j'aurais la réponse et je ne pourrais pas la dire mais ça fausserait complètement la relation avec X et Y !

Quand ces choses là arrivent c'est souvent un cauchemar pour lea psy. C'est vraiment une des choses les plus délicates. Il m'est arrivé par exemple qu'un évènement très traumatisant arrive et que je me retrouve à entendre plusieurs facettes

de l'histoire et qu'à cette occasion je me rende compte que plusieurs patient.e.s se connaissent de près ou de loin sans que ça ne soit jamais venu dans la conversation avant ! Mes patient.e.s savent que je suis très rigide sur ce point : je ne reçois pas dans ma patientèle

des personnes qui sont proches.
Heureusement, l'anecdote du jour est très mignonne. Deux patientes que je vois depuis plusieurs années se sont rencontrées à une soirée il y a quelques temps déjà et il s'est trouvé que peu de temps après quand l'une sortait de mon cabinet l'autre

y entrait. Elles ont donc su très vite qu'elles avaient la même psy. J'ai rappelé les règles : rien ne filtre d'un espace à l'autre, si vous parlez de cette autre patiente en thérapie je risque d'être un peu plus silencieuse qu'à l'accoutumée car je ne m'estime pas neutre, etc.

Ca n'a jamais posé de problèmes car elles se fréquentaient peu et n'étaient pas amies. Jusqu'à il y a peu... En début de semaine, j'ai ma première patiente en rdv, elle me dit qu'elle a croisé mon autre patiente, qu'elles se sont liées et qu'elles ont beaucoup parlé. J'écoute en

souriant. En fin de semaine, j'ai mon autre patiente en rdv. Le rdv commence comme ça :
Ma patiente : Je ne suis pas contente après vous
Moi : Je suis contente que vous puissiez me le dire alors, est-ce que nous pouvons en parler ?
Elle : souriant, j'ai vu X, on a beaucoup parlé.

(Moi intérieurement merde, est-ce que j'ai été une mauvaise psy ? est-ce que je n'ai pas réussi à protéger son espace ?)
Elle continue : X m'a dit ce que vous aviez fait pour elle l'hiver dernier quand elle a dû être hospitalisée, que vous êtes restée au téléphone jusqu'à trois

heures du matin avec elle pour parler à tous les pompiers et médecins
(Moi sidérée, je reste silencieuse)
Elle continue : Du coup, je lui ai dis ce que vous aviez fait pour moi, quand vous vous êtes fait insulter par mon gynéco et mon interniste parce que vous étiez persuadée que

ce que j'avais n'étais pas psychosomatique (nb : elle avait un parasite intestinal et de l'endométriose, les médecins m'ont d'abord humiliée en me demandant si je voulais prendre leur place mais comme je ne lâchais pas, ils ont fait les examens et... bingo depuis la patiente n'a

plus mal).
Moi : oh euh eh bien c'est normal
Elle : Ben non, vous faites beaucoup. Du coup après on a parlé de votre maladie. On a mis en commun ce qu'on savait chacune, on s'est rendu compte que vous étiez plus malade que ce qu'on pensait. On a décidé qu'on voulait vous dire

qu'il faut prendre soin de vous, vous avez besoin de repos. Et nous on a besoin de vous.
(Moi intérieurement oh ça y est, elle s'inquiète pour moi. C'est pas à elle de faire ça, c'est à moi de m'occuper d'elle, voilà je suis une mauvaise psy.)
Moi : Oui j'entends ce que vous me

dites, mais même si je suis malade mon travail est une de mes joies, je ne me force pas à continuer, parfois on a besoin de quelque chose qui nous porte quand on est malade
Elle : oui d'accord mais vous vous reposez pendant les vacances hein ?

Début de semaine suivante : je

revois la première patiente.
Elle : Y vous a parlé ! On s'est dit aussi qu'en mettant en commun nos perceptions, on s'était rendu compte qu'on voulait vraiment vous remercier. Alors merci !
Moi : Oui, j'ai bien entendu ce que vous vouliez me dire. J'en suis très

touchée. Mais, c'est à moi de prendre soin de vous vous savez.
Elle : Je sais, je sais !

Et la thérapie a continué normalement. Ma peur était que ces patientes se mettent plus à s'inquiéter pour moi que pour elles, surtout que ça fait partie de leur schéma de faire passer les

autres avant mais la morale de l'histoire c'est qu'être ouvert.e pour accueillir toutes les remarques permet d'aborder ces schémas dans la vraie vie. A moi de leur montrer comment on peut s'inquiéter pour l'autre sans lea faire passer avant, la relation avec lea psy peut être un

formidable terrain de répétition pour les choses que vous n'arrivez pas à faire dans la vie : à condition de prendre les choses à bras le corps et d'en parler. Mes patientes ont eu assez confiance en moi pour m'en parler, ça m'a permis d'avoir une nouvelle piste pour travailler !