David a 21 ans, Olga, 19. Ils vivent à Kiev. Lui est programmateur, elle est encore étudiante. Ils voudraient pouvoir se projeter, rêvent de visiter Paris tous les deux, en amoureux. Si la Russie envahit leur pays, ils fuiront vers l’ouest avec leurs parents.
Oleksandr a 45 ans, une tête d’ours, il a été blessé deux fois au Donbass, il dirige un bataillon de 1500 soldats blessés à la guerre, des éclopés reformés par l’armée, mais désireux d’en découdre : « Personne ne se battra à notre place, c’est notre terre, nous les détruirons. »
Au nord du pays, à cent mètres de la frontière russe et 30 km des troupes qui attendent un ordre, Petro pêche dans un trou creusé dans la glace d’une rivière. « Je pêche, que voulez-vous que je fasse d’autre quand nos vies sont entre les mains d’un fou ? »
En Ukraine, des millions de personnes vivent dans l’attente, leur destin ne dépend plus seulement de leur gré, de leurs actions, mais de la volonté d’un seul homme, d’un homme seul.
Les uns se battront, d’autres fuiront, d’autres encore iront pêcher pour oublier. Et nous, Européens, que ferons-nous ? Reportage à lire demain dans @parismatch_magazine
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Ça commence jamais comme on l'imagine. Hier, en fin de journée, on traverse les paysages mornes du Donbass, les cheminées des usines d’Adviivka crachent une fumée acre, l’air pue le plastique brûlé, les bagnoles sont rares, les villages ont les pieds dans la boue. C’est lunaire.
On arrive de Kiev qu’on a quittée le matin même après beaucoup d’hésitations et de savants calculs : Poutine va prendre le Donbass, quand même pas tout le pays. Bien vu. On arrive donc en banlieue de Donestk avec l’idée d’être là où il faut être. L'assaut va être donné ici.
La nuit tombe, on roule à fond, la ligne de front se situe à quelques km, à portée de tir sur certains tronçons à découvert. La veille, des obus sont tombés sur ce ruban d’asphalte déjà défoncé par l’hiver. Les artilleurs russes réglaient peut-être la mire, il n’y avait personne.
Demain, 23 février, c'est le jour du défenseur de la Patrie en Russie et en Biélorussie. La journée est fériée. Les enfants offrent à leur père un dessin où le papa est représenté en tenue militaire, armes à la main.
Les femmes sont priées d'offrir un cadeau à leur mari, père, cousins, patrons. Cette coutume est récente. Elle a été instituée en 2002 par Poutine pour pallier l'absence de fête dédiée aux hommes dans son pays.
Ce jour-là, on s'envoie des cartes de voeux kaki, des boutiques se parent aussi de couleurs camouflage. Pour Poutine, un vrai Russe, un vrai de vrai, se doit de porter ses couilles et bien sûr, un uniforme.
La télé est allumée. Damien ne la regarde pas. Il a bu. Il est assis dans son canapé et tient son flingue dans ses mains. Il fixe la photo de ses enfants. Il sait qu’il va le faire. Il envoie un dernier message sur Whatsapp aux gars sous ses ordres.
: « Ce soir, c’est pour moi la fin les copains, dites à mère que j’étais quelqu’un de bien. »
Damien est flic depuis 23 ans, brigadier-chef. Sensible, intelligent, tête brûlée, déconneur, « aucune idée suicidaire ». Il parle comme un tonton flingueur, barbe grise, regard bleu acier, corps de chat maigre.
Thread Vaccination. Ce week-end, la France a enfin retroussé ses manches. 225 000 vaccinations pour la journée de samedi. A Saint-Denis, c'était Pfizer City.
A deux pas de la Basilique où reposent les rois de France, j'ai assisté à l'opération. Je couvre la pandémie depuis le début et ce n'est pas souvent que j'ai des trucs joyeux à raconter.
La scène ressemble au dernier plan d'un film catastrophe. Sous les hauts plafonds de la Salle de la Légion d’honneur de Saint-Denis, des blouses blanches et bleues s’affairent dans douze boxes montés à la hâte. Des dizaines de personnes âgées attendent leur tour.
Parfois, pendant un reportage, quelqu’un vous marque plus que vous ne l’auriez voulu. Pas à cause de ce qu’il a dit ou de son apparence physique. Simplement parce qu’on a partagé à ses côtés un instant étrange, quelques minutes qui ne vous quitteront pas.
Avec @laurencegeai, nous sommes partis au Portugal. Allez voir ses photos sur son compte Instagram, ça vous changera de mes chefs d’œuvre. Le pays est à genoux. Les hôpitaux sont saturés, les morgues, pleines. Nous avons raconté cette histoire dans Paris Match cette semaine.
Cette personne que je n’oublierai pas, c’est Acacio. La cinquantaine, petit, solide, les yeux fatigués. Il travaille depuis 35 ans à la morgue de l’hôpital Santa Maria de Lisbonne, le plus grand du Portugal.
Thread de Noël. Je viens d’enterrer le chat de ma mère. C’est toujours déchirant de se séparer de ces petites boules de poils qui nous ont méprisés toute leur vie. Je plaisante, maman. Kalinka n’était pas comme ses congénères. Elle était douce et gentille. Une crème de chat. RIP.
Après la cérémonie funéraire (on enterre les animaux dignement chez nous), ma mère m’a raconté cette anecdote de voyage que j’avais oubliée. Vous savez de quoi sont capables mes parents pris séparément. En équipe, ils se débrouillent aussi pas mal.
Cette petite histoire de rien du tout se déroule au milieu des années 80, sur la Nationale 10, dans une voiture, entre Bordeaux et Paris. Retour de vacances d’été. Nous sommes dans une vieille Audi 100 blanche équipée d’anti-brouillards et de longues portées montés par mon père.