Thread by @qffwffq

Un peu de #UnLapinUnThread ?

Allez.. en plus on va se prendre un sujet qui peut sembler difficile et qui ne l'est pas : les bases neurologiques de la schizophrénie.

Vous allez voir qu'on est loin des clichés ou de l'instrumentalisation que certains en font.

Tout d'abord du point de vue neuro, la schizophrénie est un trouble cognitif qui perturbe le flux de la pensée. Ce n'est ni le seul, ni le plus complexe.

La pensée c'est ce truc qui à partir de la somme de ce que vous percevez de l'extérieur et de vous même, et de la somme de vos expériences passée, donne une cohérence à votre environnement, donne une continuité dans la perception de soi, et permet la prise de décision.

Pour perturber la pensée il suffit de perturber n'importe lequel de éléments qui permettent sa formation.

Et ces perturbations peuvent se faire par quelque chose en moins (un élément qui ne fonctionne pas) ou par quelque chose en plus (un élément qui fonctionne trop).

Pour pas que ce soit trop ésotérique, prenons un exemple caricatural comme la vision.

L'oeil ne voit rien. Il perçoit la lumière et ses modifications et le dit à la partie la plus postérieure du cerveau.

C'est cette partie qui crée une image, image qui est ensuite traitée par différentes autres aires point d'une part en identifier les éléments et ensuite lui donner un sens.

Si vous regardez une framboise, votre oeil perçoit la lumière qu'elle réfléchi en fonction de l'environnement.

Cette perception est reconstituée en image dans le cortex occipital.

D'autres aires vont identifier les formes et les couleurs, une troisième catégorie d'aires va identifier la nature et la signification de l'image, et enfin le résultat de toutes ces analyses va être mis en commun avec toutes les autres analyses de perception pour avoir une pensée

Si ce processus rate, vous pouvez vous retrouver dans la situation de voir un truc violet sans pouvoir dire qu'il s'agit d'un fruit (absence d'identification) ou voir une flamand rose violet (erreur d'identification) ou voir un alien entre deux fougères (excès d'identification).

Ça nous donne une spectre de situation qui vont de l'agnosie visuelle à l'hallucination visuelle.

Si vous avez compris ça pour la vision, imaginez le même phénomène pour toutes vos autres perceptions.

Et une fois que vous avez réussi à imaginer ça pour toutes vos perceptions, imaginez ce qui se passe quand elles sont toutes touchées simultanément ou de façon séquentielle.

Vous l'aurez sans doute deviné, la pensée qui résulte d'un tel bordel, est également un bordel. Et donc les décisions prises par cette pensée le sont tout autant.

Mais tout ça, c'est pas encore de la schizophrénie.

Ça c'est du bordel qu'on peut obtenir par la prise de certains médicaments, par la prise de certains toxiques, dans certaines démences, ou pathologie inflammatoires, ou épilepsies etc.

La schizophrénie c'est quand on ne trouve "aucune" autre cause, "aucune" étant ici à comprendre comme "truc qu'il est impossible de diagnostiquer avec une prise de sang, une ponction lombaire standard et une IRM de base".

Bref, pour faire simple, au sens neurologique du terme, la schizophrénie est une pensée désorganisée sans étiologie évidente pouvant l'expliquer.

Petit détour avant d'aller plus loin. Aussi regrettable que celà puisse être, les pathologies mentales ont toujours exercé sur le grand public une réaction de répulsion/fascination.

Dans un domaine qui n'a rien à voir avec la schizophrénie, Charcot, LE créateur de la neurologie, jouait de cette réaction malsaine quand il donnait en spectacle ses patientes atteintes d'hystérie.

De nos jours, et notamment sur les réseaux sociaux, il y a des personnes totalement indemnes de schizophrénie, qui s'inventent une vie pour obtenir des like, notamment avec le mythe des personnalités multiples.

Ce n'est ni plus ni moins que de la marchandisation de la détresse des personnes réellement atteintes en faisant appels aux plus bas instincts de la société.

Mais passons.

Comme on l'a vu, la pensée schizophrénique est une pensée altérée, fragmentée, sans cause conventionnelle.

Sans cause ne veut pas dire sans conséquences. Parce qu'une pensée désorganisée peut parfaitement se percevoir comme telle (de la même façon que lorsque vous êtes saoul vous le savez même si vous ne pouvez rien y faire).

Et se percevoir dans cet état provoque de l'angoisse (toujours) dans l'anxiété et de la dépression (souvent) de l'agressivité contre soi-même pour que cela cesse (parfois) ou contre les autres (très rarement).

Mais tout cela ne nous dit pas ce qui se passe dans le cerveau pour expliquer ces dysfonctionnements des aires corticales en charge de la synthèse de la pensée.

Les statistiques nous donnent quelques indices.

Le risque de schizophrénie est de 0,5 à 1% dans la population générale.

Il atteint 10% si un de vos parents en est atteint.

Et atteint 46% si vos deux parents en sont atteints.

L'exposition au cours du 2nd semestre de la grossesse à la grippe, à la rougeole ou à la rubéole l'augmente également.

De même les accouchements difficiles (avec des phénomènes d'ischémie).

Le pont commun de tout ça c'est une neurogenése incorrecte par inflammation/ischémie.

Après les facteurs génétiques et les facteurs inflammatoires on continue avec les facteurs génétiques qui rendent plus fragile au risque inflammatoire (faut suivre).

On a ainsi plus de cas de schizophrénie chez les consommateurs de cannabis qui sont homozygotes VAL/VAL sur une enzyme que l'on nomme COMT

Ou encore 30% de risques en plus chez les personnes atteintes d'arthrite rhumatoïde.

Comme vous le voyez, et au grand dam des psychanalystes qui affirmaient que la schizophrénie était liée à la sexualité débridée de votre maman, et aux sociologues qui affirmaient qu'elle était liée à la pauvreté et l'absence d'éducation de votre papa...

Le risque de schizophrénie est corrélée à la dysfonction post inflammatoire/ischémique de région très spécifique du cerveau, chez des personnes par ailleurs porteuse d'un terrain génétique favorisant.

Mais peut-on le prouver ?

Parce que c'est bien beau d'affirmer des trucs comme ça qui font savant, sans preuves c'est pas plus crédible que les délires psychanalytiques (qui de toute façon continueront à délirer quelles que soient les preuves).

Ces preuves on a mis du temps à la avoir. Comme on l'a dit, les examens complémentaires habituels sont normaux dans la schizophrénie.

Les preuves ont les a obtenues avec des IRM fonctionnelles. On a ainsi la preuve que les personnes atteintes de schizophrénie ont moins de connexion entre les neurones des régions qui permettent une analyse pertinente de leur environnement et de leur état physiologique.

Jusqu'à 30% dans certains cas.

À cette diminution numérique de connexion, s'ajoute une dérégulation quantitative de la balance dopamine/amphétamines.

Et tout un tas d'autres trucs qui montrent que les dégâts subis par leur cerveau ne sont ni imaginaires, ni liés au hasard, ni causés par je ne sais quel stress psychosocial.

La schizophrénie est une maladie au même titre qu'une épilepsie, une maladie de parkinson ou une SEP.

Et ça c'est essentiel pour changer le regard des autres sur les patients.

Évidemment ils ne sont pas fous.

Évidemment ils sont victimes.

Évidemment ils font tout pour essayer de compenser leurs troubles.

Et évidemment, se prévaloir de se trouble pour faire du like, est du même niveau que de mimer un handicap pour mendier de la thune aux carrefours.

PS 1 - Une des causes de "schizophrénie" qui n'en est pas du tout une, mais qu'on ne sait diagnostiquer que depuis une dizaine d'année, sont (une...sont...bon vous avez compris) les syndromes paranéoplasiques en particulier du sein et des testicules chez les sujets jeunes.

Pour vous donner une idée des progrès, on est passé de :

- ah ouais ok il est grillé du cerveau on va laisser les psychiatres se débrouiller avec des neuroleptiques

À

- tiens c'est tel anticorps anti neuronal donc c'est ça comme cancer et y'a un vrai traitement curatif.