Des messages sur Twitter se gaussent de l'idée qu'un État puisse dépenser plus sans forcément s'endetter, ou augmenter le taux d'imposition. C'est pourtant possible par le mécanisme du #multiplicateur keynésien. Essayons de voir cela, en simplifiant bien sur. #Thread
Le principe du multiplicateur a été posé par Richard Kahn, à partir d'intuitions de Nicholas Johannsen, et cela à convaincu #Keynes de corriger son Traité de la monnaie (1931) pour écrire la #Théorie Générale (1936). 2/23
Ce principe #macroéconomique est aujourd'hui utilisé en pratique et admis dans tous les modèles des grandes institutions (FMI, Banque Mondiale, banques centrales, gouvernements…), mais cette pratique se fait avec réticence, en raison de ses implications théoriques. 3/23
Pourquoi ? Parce qu'elle remet en cause une idée fondamentale des raisonnements de bon sens et d'une certaine vulgate libérale : l'#épargne (S) précède nécessairement l'#investissement (I). Nous serions donc dans une économie de #rareté, confrontés à des choix douloureux. 4/23
L'apport de Keynes est de faire voler en éclat ce #fatalisme économique : c'est l'investissement qui est premier, et qui ensuite crée la capacité d'épargne correspondante. Hors contrainte naturelle et environnementale, la jarre de la veuve existerait bel et bien ! 5/23
Élucidons un premier mystère : le #revenu. Un lien évident est fait avec l'effort personnel et le #travail qui est à la source de ce revenu. Mon #salaire, mon bénéfice, mon dividende est forcément lié à mon activité (salarié, indépendant, détenteurs d'actifs ou un peu des 3).6/23
Allons plus loin. D'où vient le revenu que l'on obtient dans une économie de #marché, monétaire ? De la #vente d'un bien ou d'un service produit. Par exemple, mon employeur obtient de quoi me rémunérer après la vente du produit de notre activité (conjointe, ou à peu près). 7/23
Première surprise : si individuellement mon revenu provient bien (au moins en partie, et hors redistribution) de l'effort, en prenant de la hauteur (#macroéconomie), le revenu provient en fait de la dépense d'un autre agent économique, laquelle dépense provient de son revenu.8/23
Il y a là, déjà, des éléments de réflexion intéressants : qui est premier dans un #circuit économique ? Le revenu qui permet la dépense ? Ou la dépense qui fait naitre des revenus ? La décision de dépense qui précède la dépense, peut alors faire naitre le revenu ? #Magique ! 9/23
La dynamique des #villes illustre cela. Les villes en expansion attirent des entreprises, intéressées par la clientèle locale. Ces #emplois attirent de nouveaux habitants, stimulant la consommation, et des entreprises au service des autres, avec de nouveaux emplois, etc. 10/23
Keynes prolonge ce point en distinguant entre entreprises A qui produisent des biens et services pour le #consommateur final, et entreprises B qui produisent pour les autres entreprises. Les décisions d'#investissements des uns (A) sont la #demande des autres (B). 11/23
Les entreprises peuvent s'enfermer dans un cercle vicieux : A investit moins pour #économiser, B ne distribue plus alors de revenus, qui sont une recette pour A. Les efforts de réduction des dépenses n'améliorent pas le #résultat de A, car les recettes de A diminuent aussi. 12/23
Un nouveau rôle peut alors être assigné à la puissance publique. Soutenir la consommation et remplacer l'investissement manquant de A (cela permet au secteur B de continuer à distribuer des revenus, ce qui sort A de sa déprime). Et c'est là qu'intervient le #multiplicateur. 13/23
En effet, à chaque nouvelle dépense publique d'#investissement, un revenu supplémentaire correspondant apparait dans les entreprises qui exécutent ces dépenses publiques (recette distribuée = revenu). Ce revenu est alors dépensé à son tour, engendrant un nouveau revenu, etc.14/23
Le revenu supplémentaire se multiplie donc à l'#infini ? Non, bien sur. Tout dépend d'abord, du comportement de consommation des individus. Une partie du revenu supplémentaire est épargnée et sort provisoirement du circuit. #Keynes estimait cette part à 20% (Pmc = 0.8).15/23
Concrètement, si je reçois 100 supplémentaire, je dépense 80. Celui qui reçoit cette somme, dépense à son tour 0.8*80= 64€, ces 64€ génèrent 0.8*64= 51.2€, etc. Au final, les revenus augmentent de la somme des vagues de revenus, et cela dépend de la #proportion consommée.16/23
Avec une proportion consommée autour de 0.2, le #multiplicateur final est égal 5, soit 1/1-c. 100€ de dépenses publiques engendrent alors en théorie, 500€ de revenus supplémentaires ou, dit autrement, du #PIB supplémentaire (le PIB est la somme des valeurs ajoutées, VA) 17/23
Si maintenant, la puissance publique prélève 20% d'impôts et taxes, on observe que l'accroissement de la richesse globale générant des recettes #fiscales supplémentaires (0.2*500€=100) permet de financer la dépense publique initiale (100€) sans endettement. CQFD 18/23
Évidemment, tout cela est théorique car il y a des #fuites. Si le consommateur importe des produits, il distribue une partie du revenu à l'#étranger. Si le consommateur #épargne plus (crainte ou habitude), il diminue le nombre de vagues, et donc la valeur du multiplicateur. 19/23
Il y a aussi le problème d'#inflation. Tout cela ne fonctionne que si l'entreprise confrontée à la #demande supplémentaire décide d'investir, au lieu de simplement augmenter ses prix, à capacité de production max. Bref, le multiplicateur est certainement bien inférieur à 5. 20/23
L'estimation du multiplicateur réel fait donc l'objet de discussions serrées. L'estimer à 0.5 en Grèce comme l'a fait le #FMI en 2010-2012, conduit à justifier des politiques de #rigueur extrêmes. Mais diminuer la dépense publique en Grèce a fait chuter le PIB ! 21/23
A l'inverse, l'estimer à 1.2, 1.7 ou 2, justifie une #relance économique par la dépense publique (aux effets sur le déficit près). L'estimation du multiplicateur est donc le point clef des politiques économiques, et devrait être au cœur de #discussions publiques apaisées. 22/23
Ps : en toute logique, il faudrait aussi parler de l'impact du mode de financement de la dépense publique par #crédit (avec offre de monnaie endogène ou même une offre de monnaie exogène), mais ce sera pour un autre fois ! FIN
*une
*Edit oups, proportion consommée de *0.8* bien sur.
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Quelques remarques sur la théorie néo-classique du (supposé) #marché du #travail. Chaque année, quand on aborde cette #modélisation avec les élèves, les mêmes erreurs d'interprétations (bien compréhensibles) se rencontrent. #Thread 1/22
Le modèle canonique explique que la #demande de travail des entreprises (= les offres d'emplois, la demande de bras) diminue quand le niveau de #salaire horaire réel (hors inflation) augmente, ce qui permet de tracer une belle courbe descendante sur un repère Prix/Quantités. 2/22
Au passage, attention à la lecture de ce type de graphique néo-classique, hérité de Fleeming Jenkin, 1870. Notre #cerveau a du mal à comprendre que ce qui est à gauche sur l'#abscisse représente… une petite quantité.
Et que ce qui est à droite … est une grande quantité. 3/22
Aujourd’hui, j’ai un peu de #temps (je blague), et je tente un #thread#scpo sur la #démocratie, parce que c’est un tout petit peu d‘actualité. Et oui, je vais mettre des #mèmes Internet parce que, en vrai autocrate, je trouve cela très très drôle. Prêts ?
2) D’abord, la #démocratie, ce n’est pas la #République (la chose publique). La République, c’est moi...euh, c’est quand le #pouvoir est exercé par tout ou partie du peuple (exit la monarchie) et que les élus représentent plus que le peuple (la #Nation dixit #Sieyes).
3) Les #députés représentent l’intérêt #général plus que le peuple. Utile pour voter une loi impopulaire, comme l’interdiction de la peine de mort (#Badinter), ou la taxe carbone sur l’essence. Encore faut-il bien prouver l’intérêt général (n’est ce pas les gilets jaunes ?).