Depuis qu'EDF a annoncé mardi de nouvelles baisses de production #nucléaire à cause de la #canicule, j'ai beaucoup de questions sur le sujet.
Ce🧵est une tentative de réponse collective avec :
- un bilan depuis le début de l'année
- les messages-clés que j'essaie de faire passer
Je ne vais pas revenir sur les causes des indisponibilités ni sur l'histoire des dérogations.
La situation n'a pas changé depuis mon fil précédent si ce n'est que les dérogations vont probablement être prolongées à nouveau dimanche.
Commençons par faire un bilan des indisponibilités climatiques en 2022 :
- Quelles ont été jusqu'à présent les pertes de production #nucléaire causées par la chaleur ou la sécheresse ?
- Quelles sont les centrales touchées ?
- Comment ça se compare aux années précédente ?
Ces chiffres ne sont disponibles nulle part ailleurs.
Ils viennent d'outils développés par @CallendarIntel pour pallier à l'absence d'un bilan digne de ce nom du côté d'EDF et utilisés par divers acteur du secteur électrique pour suivre l'impact du #climat sur le parc #nucléaire.
Jusqu'à présent, la chaleur et la sécheresse ont empêché la production de 470 GWh d'électricité #nucléaire.
C'est un peu moins que les pertes pour toute l'année 2017 (600GWh) et cela fait d'ores-et-déjà de 2022 la 7e plus mauvaise année depuis 2006 et le plan "grand chaud"
Ce niveau est supérieur à ce qui est généralement observé en milieu d'été.
En 2020, la plus mauvaise année post-2006, les pertes au 5 août n'étaient encore que de 20GWh. En 2019, après une canicule très sévère et en l'absence de toute dérogation, elles étaient de 497GWh.
Cela s'explique par une chaleur et une sécheresse exceptionnellement précoces en 2022.
Sur les 470GWh perdus, approximativement :
- 15 sont liés à la vague de chaleur de début mai
- 140 à la sécheresse en juin
- 200 à la canicule de mi-juillet
- 110 à la canicule de début août
Le pic de puissance indisponible pour cause météo a été atteint hier soir avec 1900MW à l'arrêt.
C'est relativement peu (en 2019, le pic était de 6100MW et 4600 en 2020) et c'est probablement un effet de l'usage des flexibilités inscrites dans la réglementation après 2006.
Entre mai et le 5 août 2022, cinq centrales #nucléaires ont été forcées de réduire leur production à cause de la chaleur ou de la sécheresse.
Les pertes par centrale sont les suivantes :
- Golfech : 237GWh
- St Alban : 141GWh
- Bugey : 37GWh
- Tricastin : 36GWh
- Blayais : 15GWh
(Deuxième partie du fil, désolé pour l'interruption)
Voici quelques messages clés que j'essaie de faire passer quand on m'interroge sur l'impact de la #canicule et de la #sécheresse sur le parc #nucléaire :
Il n'est pas anormal que des centrales nucléaires baissent leur production à cause de la chaleur ou du manque d'eau. Ça arrive tous les ans, souvent plusieurs dizaines de fois dans l'année.
Les centrales touchées pour l'instant sont les "usual suspects" - Chooz (déjà à l'arrêt) :
Seulement en général ces indispos se produisent dans une période de faible consommation (été, début d'automne) où la production française est très excédentaire.
Cette année elles arrivent dans un contexte déjà très tendu sur le marché de l'électricité. C'est ça qui est anormal.
Suite aux canicules de 2003 et 2006, la réglementation thermique de la plupart des centrales #nucléaires a été modifiée pour offrir une flexibilité en période de #canicule si l'équilibre du réseau le nécessite.
C’est ce mécanisme qui est mobilisé pour l’instant.
Les dérogations (ie : suspension des limites de température en aval) accordées par le gouvernement et l'ASN n'ont en pratique pas été utilisées.
La température des fleuves n'est pas allée au-delà de ce que permettait déjà la réglementation en "période climatique exceptionnelle".
Les mécanismes de flexibilité prévus par la réglementation comme les dérogations ne peuvent être employés que pour assurer "la sécurité du réseau ou l'équilibre entre la consommation et la production d'électricité du pays".
Leur utilisation suggère qu'il y a eu un risque sérieux.
Le problème est lié au refroidissement des turbines à vapeur. Ce n'est pas un problème de sureté #nucléaire.
Il se poserait dans les mêmes termes sur des centrales de même puissance utilisant d'autres combustibles : charbon, fioul, biomasse, certaines centrales à gaz...
Les indisponibilités de centrales #nucléaires en période de sécheresse ou de canicule sont révélatrices de l’inadaptation de nos infrastructures et de certaines grandes installations industrielles au #climat actuel, et a fortiori au climat des prochaines décennies.
Il est indispensable d'adapter les installations existantes ou de les remplacer.
Aucun projet industriel dont la durée de vie dépasse quelque décennies ne peut être crédible s'il n'intègre pas les effets du changement climatique. C'est en particulier le cas des projets d'#EPR.
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Due to the current #heatwave, a lot has been happening this week for the French #nuclear power production.
In this thread, I will recap the situation as we know it on this Saturday morning.
⤵ ⤵ ⤵
First, let's take a tour of the French #nuclear power plants experiencing or soon to experience disruptions due to #heat.
1/ Golfech on the Garonne river
The plant has reduced its production by 1000MW since July 13 at 17:30. According to EDF, this should last until the 24th.
2/ Tricastin on the Rhône river
The power plant has reduced its production by 735MW since this morning, July 16, at 2:30 am.
According to EDF's last assessment, this derating should last at least until the 18th.
Je vais réunir dans ce fil des exemples des dommages causés par la vague de #chaleur de la semaine dernière : accidents, dégâts matériels, pertes agricoles, etc.
En Saône-et-Loire, une défaillance sur un poste @rte_france a entrainé une coupure d'électricité pour 50.000 personnes dans le nord-ouest du département dimanche 19 de 4h à 6h30.
La panne était "liée de toute évidence aux fortes chaleurs" (préfecture). lejsl.com/environnement/…
M. D. est bûcheron mais maintenant on dit "abatteur manuel".
Il travaille sur le chantier d'une future ligne électrique pour un sous-traitant d'une grand électricien.
Son boulot consiste à dégager une bande 5 mètres autour du tracé de la ligne électrique dans les zones où le relief ne permet pas de faire venir des machines.
Il faut abattre les arbres, ébrancher, tronçonner puis déplacer manuellement les billes de bois et ramasser les branches.
Nous sommes le mardi 17 août 2021, la journée commence à 6 heures par un briefing.
Vers 8 heures, M. D. et deux collègues ont rejoint les site de coupe, en voiture puis à pieds, et se mettent à l’œuvre.
1/ Une #canicule avant la pause estivale a plus de chance de provoquer des incidents sur le réseau électrique.
En effet la consommation est plus élevée, ajoutée à la demande liée à la clim, cela augmente le risque de dépasser la capacité des lignes ou des transformateurs.
Une consommation élevée augmente aussi la probabilité des incidents liés à la chaleur sur les réseaux @enedis ou @rte_france, aussi bien pour les réseaux aériens (contact avec un arbre situé en dessous, par ex.) qu'enterrés.
La production de la centrale #nucléaire de St Alban pourrait être réduite dimanche en raison d'un débit insuffisant sur le Rhône.
Je vous explique rapidement pourquoi et pourquoi c'est plus préoccupant que le problème du Bayais il y a quelques jours. ⤵ edf.fr/groupe-edf/amb…
Comme pour le Blayais, qui a baissé sa production à cause de la température du 9 au 14 mai, on est face à un risque d'indisponibilité climatique anormalement tôt dans l'année.
Pour St Alban, l'indispo la plus précoce était, à ma connaissance, celle du 2 juillet 2015.
Vous vous souvenez que pour Blayais, la baisse de production était causée par les limites de rejet thermique d'hiver, plus contraignantes, en vigueur jusqu'au 15 mai.
Le problème a disparu une fois que la centrale a basculé vers ses limites estivales.