On parle beaucoup de la scène rap comme étant intrinsèquement misogyne & homophobe, mais curieusement on ne parle pas bcp de la scène metal.
Enfin quand je dis curieusement vous imaginez bien que j'ai ma petite idée qui commence par "ra" et qui finit par "ciste" étant donné que
la première est composée d'une partie non négligeable d'artistes racisé-es alors que c'est extrêmement rarement le cas pour la seconde.
Je vais tenter de rattraper cette lacune par ce thread décousu mais qui j'espère arrivera à décrire au moins partiellement ce que c'est
d'être une meuf/ un gay/ un trans dans un milieu ultra réactionnaire qui rock'n'roll oblige se targue de subversion. #balancetesporcs
Déjà il faut savoir que la scène metal repose globalement sur des idéologies anti-religieuses ou du moins a à cœur la subversion et/ou
la recherche esthétique de ce qui est sombre, irrévérencieux, à contre-courant, ce qui touche au maléfique, au surnaturel, etc.
Quand on est un peu naïf comme j'ai pu l'être on peut légitimement se dire que après tout, ça peut-être l'occasion de transgresser certains
canons esthétiques conservateurs. Or, si c'est ponctuellement le cas à travers les thèmes abordés dans des albums, dans l'organisation
sociale du milieu tel que j'ai pu le connaitre il y a quelques années (et tel qu'il a j'imagine, très peu évolué), c'est au contraire
une reproduction des clichés les plus réactionnaires qui s'y joue et la patine subversive et sulfureuse est là pour renforcer un carcan
social sur les minorités sexuelles plutôt que pour leur permettre de s'émanciper.
Dans le milieu des années 90, le metal extrême avait une très mauvaise réputation auprès du grand public. Disons que c'était globalement
mal vu de se balader avec ses croix renversées et ses bracelets à clous, mais pas pour les bonnes raisons. Y avait eu à l'époque un
"bas les masques" qui parlait de satanisme, de jeunesse désœuvrée (déjà), de cimetières pillés ou d'église brûlée et forcément ça ne
faisait pas très bon genre, y avait aussi les accusations d'antisémitisme (ce qui est un autre sujet et je suis pas le mieux placé pour
en parler), face à ça, y a eu une espèce de propagande qui a été faite par les maisons de prod et les zines, pour montrer à quel point
le milieu était respectable, ce qui fait qu'au bout d'un moment (début 2000 ptêt) le metalleux est plutôt apparu comme le bon gars pas si
méchant, un peu bourrin mais au grand coeur. Par contre notez bien que dans tous les cas des violences misogynes, et homophobes notez bien
qu'il n'en a jamais été question. Tout juste on pouvait entendre des critiques comme "il y a pas beaucoup de femmes" ou encore
"c'est un peu sexiste comme milieu, quand même" mais jamais ça n'a pris les proportions que le rap essuient chaque année, forcément
c'est pas les mêmes catégories sociales qui pratiquent ces musiques et pourtant ça mériterait au moins autant d'encre versée.
Déjà je vais aborder par la représentation du couple dans la culture metal. Forcément hétéro, l'homme y est présenté comme l'entité
en grande souffrance qui s'épanche à longueur de textes (forcément, il chante) sur sa haine/rancoeur/amertume infinie face à la petitesse
de l'humanité (ou face à la trahison amoureuse), tandis que lafâme est déclinée suivant les mêmes schémas narratifs que dans notre bonne
vieille chanson française quelque part. Tantôt elle soigne, tantôt c'est la tentatrice, voir la guerrière (mais vierge ou vertueuse).
Dans ts les cas sa représentation esthétique est digne des pires clichés des JV qui ont été maintes fois relevées par les féministes.
Lorsque lafâme égérie du metalleux est représentée sur une couverture, elle est soit éthérée et nimbée de brumes mystérieuses, soit
dévêtue et correspondant aux normes de beauté vidéoludiques. Dans les paroles par contre, lafâme est souvent absente ou morte et pleurée.
A de rares exceptions près (des groupes avec des femmes pour chanteuse par exemple) les femmes ne sont jamais actrices dans la culture
metal. Elles sont systématiquement fantasmées et le pire c'est que ces fantasmes sont plaqués dans les relations hétérosexuelles.
Le metalleux attend systématiquement de ses compagnes qu'elles soient douces, aimantes, avec un physique irréprochable à tous les niveaux.
Évidemment, les femmes qui ne s'épilent pas, qui prennent du poids ou qui n'en n'ont pas assez ou qui ne font pas assez d'effort du point
de vue vestimentaire (i.e qui ne sont pas assez sexy ou au contraire qui le sont trop) se feront rabrouées et pas leur compagnon et par les
potes de ce-dernier. Tout juste le métalleux supporte-t-il que sa compagne se "laisse aller" mais en ce cas il faudra qu'elle lui pardonne
le fait qu'il aille voir ailleurs. Car oui, le metalleux peut se permettre toutes les extravagances de l'infidélité conjugale, ça ne lui
sera jamais reproché, pire ça lui sera recommandé/justifié par le comportement de sa compagne qui n'est jamais le bon, jamais à la hauteur
et si elle a la chance d'être assez "belle" pour la norme de ces messieurs, encore faut-il qu'elle soit également irréprochable au lit.
Le sexe hétéro, c'est là où le metalleux exerce son unique et misérable subversion. Car si les réactionnaires vieille france sont des
hommes qui parlent peu de ces choses là, le metalleux lui correspond à peu près en tout sauf dans son rapport au sexe et à la religion.
Le metalleux exerce donc sur ses compagnes toutes sortes de leviers qui sont autant de chantages affectifs possibles si celles-ci ont le
culot d'attendre un minimum de réciprocité sentimentale. (Par exemple de la fidélité). Non seulement il exerce une pression sur le physique
de ses compagnes, mais aussi sur leurs performances au lit ou sur leur attitude vis à vis des autres mecs, car si les metalleux ont
tous les droits au niveau des coucheries, ce n'est évidemment pas le cas des femmes qui se doivent d'être vertueuses et fidèles. Pour celles
qui ne le sont pas ou qui ont envie de gouter de la même liberté que leurs comparses masculins, elles sont comme vous pouvez vous en douter
traitées de tous les noms, déconsidérées et jamais envisagées comme intérêt romantique potentiel.
Pour les femmes qui sont en couple, c'est également un calvaire car elles sont constamment jugées, sont évidemment en charge des tâches
domestiques et doivent se plier à la libido fragile de leurs porcs de compagnon, ce qui signifie, oui, beaucoup de viols conjugaux.
Quand une femme est célibataire, elle doit faire face à quantité de harcèlement "pas méchant" et de "blagounettes" déplacées.
Sans compter tous les regards, les gestes déplacés, les pressions, etc. Ce qui fait que souvent j'ai entendu des femmes dire qu'elles ne
préféraient pas rester célibataires. Il y a évidemment des femmes qui arrivent à rester célibataires sans (trop) de désagréments, ce sont
celles qui évacuent le plus possible l'espèce de féminité fétichisée par l'homme metalleux et qui fait que ceux-ci de leur propre aveu
préfèrent aller "pécho" en soirée goth car dans leur imaginaire extravagant de porcs bornés, la femme goth est plus douce et plus conforme
à leurs fantasmes rabougris de société traditionaliste mais en noir, en cuir clouté et en dentelle.
Pour celles qui ne sont pas la cible de harcèlement soutenu, reste quand même qu'elles seront victimes de remarques déplacées au mieux
ou de harcèlement en soirées ou toute femme devient une cible potentielle pour des célibataires ivres pour qui le cul, la bière et le metal
forment la sainte trinité de leur virilité. Donc clairement, la scène metal, à l'image de nombreux milieux artistiques dans le fond est
un endroit où le viol et le harcèlement prospèrent car on en parle pas. Ce que je vous raconte, ce n'est pas des femmes que je le tiens,
ou partiellement, car vraiment il y a plus de dix ans, parler de viol conjugal c'était juste impensable, et parler de harcèlement devenait
seulement envisageable quand celui-ci venait le fait d'un homme extérieur à la scène ou très mal vu dans celle-ci.
Je parle même pas des beuveries backstages avec des groupes célèbres où fallait galérer pour refuser les avances de tel ou tel musicien.
Ce que je décris ici c'est la restitution de paroles de mecs, de sous-entendus, de beuveries croisées à mon expérience et à la lente
sensibilisation au féminisme et questions LGBT que j'ai connues bien plus tard. Non pas que ces comportements ne me choquaient pas, ils
m'horrifiaient mais les dénoncer comme des viols, des harcèlements, des choses inacceptables, c'était impossible tant la pression sociale
était forte à l'époque, et j'espère très sincèrement que ça a _au moins_ un peu évolué depuis. Faut dire aussi qu'on nous agitait déjà le
spectre grossier du rappeur violeur sexiste, et comme dans le milieu métal, la misogynie s'exprime de façon différente, plus intime, plus
masquée, après tout dans les paroles y a rarement des références au sexe, non c'est dans les représentations artistiques, dans l'intime.
Du coup, des longues années que j'ai trainé dans le milieu, j'ai jms entendu parler de viols à part lorsqu'ils étaient le fait de personnes
extérieures à la scène. Dans la culture metal le viol conjugal était la norme, et c'était impossible de le nommer comme tel.
Jvais passer au volet homophobie et transphobie maintenant car tout est lié, comme dans un rosaire de la manif pour tous.
Le metalleux a une peur farouche de l'homosexualité. S'il ne met pas en avant son amour inconditionnel de la famille, bien qu'il soit dans
le fond assez cradement traditionaliste, le metalleux comme tout hétéro fragile qui passe son temps avec ses bros, a une peur terrible que
l'on puisse soupçonner en lui une once d'homosexualité, il le vit généralement comme un outrage, preuve en est de ses "enculés" répétés
beuglés à chaque concert, des meurtres ou références homophobes qui jonchent l'histoire de ce milieu sans que ça entraîne trop de
remises en question. Sur le meurtre homophobe commis par Faust combien de fois n'ai-je entendu qu'après tout la victime l'avait un peu
cherché étant donné que quand même, elle avait fait des avances à un autre homme...
Ce genre de réaction résume parfaitement l'homophobie qui sous-tend globalement le milieu metal et pour le coup c'est une véritable peur.
La peur qu'a le metalleux d'être considéré comme lui considère les femmes, donc à ses yeux comme une femme. C'est sa façon à lui de
prendre conscience sans doute de la façon avilissante dont il considère les femmes puisque pour lui l'homosexualité n'est synonyme que de
désirs dégradants et objectifiants qui ont pour cible le mauvais objet : lui-même au lieu de lafâme.
Ainsi le metalleux va se targuer de ne pas être homophobe du tout ("puis enculé, c'est une façon de parler") tant que nous autres gays
faisons nos affaires loin de leurs yeux (à croire qu'il est des pratiques sexuelles qui les révulsent après tout) et surtout très loin de
leur petite personne de maitre des ténèbres et des armées de l'enfer. A ce titre, tout comme le metalleux fantasme les femmes goth, il
honnit les hommes goths, trop efféminés et certainement au moins bis à leur gout. Il faut voir la haine avec laquelle le metalleux considère
les hommes trop efféminés, les signes ostentatoires de féminités venant des hommes ou les atteintes/remises en question de leur virilité.
Car si le metalleux se permet des signes de faiblesse, tout doit se faire dans la norme acceptée et acceptable d'une virilité savamment
entretenue par l'esthétique démoniaque / gore / chevaleresque que chaque scène metal décline de façon pas très renouvelée au fil des ans.
Par exemple: c'est ok de porter du vernis et du maquillage si on se roule dans la neige avec des haches / combat les dragons avec des épées.
Faut voir évidemment comment la sodomie est globalement considérée comme pour d'autres milieux, comme un mécanisme sexuel ultime de
possession de l'autre et donc comme une marque avilissante pour qui l'a pratiquée. Après, comme beaucoup d'hétéros, le métalleux a parfois
des pratiques flirtant avec l'homosexualité avec ses bros mais tant que l'objet de désir reste lafâme, l'honneur du metalleux reste sauf,
et gare à celui qui tombe amoureux de son bro ou qui nourrit des pensées coupables car il risque d'être exclu ou frappé comme dans
n'importe quel entre-soi de mecs conservateurs.
(et parfois pire que frappé, toujours humilié, et considéré comme une personne indigne)
Évidemment les camarades lesbiennes ne sont pas en reste en ce qui concerne la haine du metalleux pour tout ce qui n'est pas lui.
Les lesbiennes sont tolérées tant qu'elles peuvent servir de fantasmes au mec, la pratique du lesbianisme sous le joug et le regard du porc
étant bien évidemment encouragé. Par contre les femmes qui s'avisent de vivre sans le contrôle de l'homme sont considérées comme une insulte
à leur toute puissance sexuelle. Je n'ai pas connu de lesbienne out dans le milieu, c'est dire.
Quand à la transphobie, comme vous vous en doutez elle est aussi crasse qu'ailleurs, plus violente physiquement même.
Le metalleux est tellement attaché aux rôles et stéréotypes de genre qu'il a hérité de ses ennemis catholiques que quiconque ose passer
d'une classe sociale à l'autre est au mieux dénigré, mis au ban, au pire frappé et humilié. Comme le décrit très justement J.Serano dans son
manifeste, les femmes trans sont fantasmées par le metalleux comme des tentatrices qui pourraient les tromper et elles sont vues comme des
femmes dont l'existence même est un danger pour leur représentation biblique des rôles de genre. Je n'ai évidemment connu aucune femme
trans dans le milieu metal. Je dis évidemment car je ne doute pas qu'il y avait des camarades au placard mais je doute qu'il ait été
possible pour l'une d'entre elle de faire son coming out et de rester longtemps avec les mêmes ami-es. J'espère me tromper.
Quand aux hommes trans, nous sommes aussi, d'une autre façon considérés comme des dangers, les miroirs inverses de nos sœurs trans, nous
représentons pour le metalleux une peur tenace, celle que parfois ceux qu'ils pensent être des lafâme se transforment en homme mettant à mal
encore une fois leur propre virilité et décuplant leur peur de l'homosexualité. C'est souvent à travers les coups et les humiliations qu'on
a du montrer qu'on en avait nous aussi, à travers la haine de soi la rage et la monstruosité qu'on a été testé, sans que ce soit jamais
assez satisfaisant pour le metalleux pour qui la garde de la toute puissance patriarcale est une chasse bien gardée.
Tour ce que j'ai dit concerne grossièrement les scènes black/death/heavy/trash/ voire prog. Je connais moins le hardcore mais vu la
proportion de mecs hétéros et le degré de virilité je doute un tout petit peu que leur ouverture et leur côté gauchiste tienne tout à fait
sur les questions de genre et je serai pas surpris qu'en grattant un peu le vernis on découvre aussi des choses crades.
J'ai peu parlé du racisme parce que encore une fois ça mériterait un thread au moins aussi long donc pas à moi de le faire.
Le premier qui me sort du not all metalleux je lui perce les lobes oculaires d'un coup de bec.
Je veux juste rajouter quelques mots en guise de synthèse tout de même. Il me semble que l'exemple de la scène metal est particulièrement
représentative de ce en quoi les oppressions des minorités sexuelles sont fondamentalement liées entre elles, même si on doit les
distinguer parfois dans nos formes d'auto-organisations. Ainsi il me semble que le metalleux type est tellement misogyne qu'il ne peut
tolérer et supporter les femmes que lorsqu'elles se plient scrupuleusement au carcan rigide et impossible qu'il leur impose. Lorsqu'elles
ne s'y plient pas, elles sont punies par les violences verbales, les chantages émotionnels, le viol, les violences conjugales.
Dans le même esprit l'homophobie du metalleux se traduit d'une part par sa haine de la condition féminine dont il ne veut en aucun cas se
rapprocher via ce qu'il considère être l'homosexualité, ou par sa haine de ne pouvoir contrôler totalement la sexualité féminine quand elle
s'exprime à travers le lesbianisme ou lorsque la femme a plusieurs/enchaine les partenaires.
Finalement, la transgression que représente pour lui la transition sexuelle lui est fondamentalement insupportable car elle met à mal
les croyances biologiques et sociales sur lesquelles reposent sa supériorité masculine. A nouveau c'est la haine de la condition féminine
qui s'exprime à travers la transphobie, condition dont on ne doit selon lui pouvoir échapper et encore moins choisir.
De la scène metal parisienne que j'ai fréquentée il y a bien des années je peux affirmer sans trop me tromper que plus de 90% des hommes
hétéros y pratiquaient _au moins_ le chantage au sexe. J'espère que ce thread aidera au moins un tout petit peu les sœurs et camarades
qui gravitent dans cette scène et pour qui c'est toujours l'enfer. Ce qu'ils nous font/ont fait n'est ni normal ni acceptable.
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