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Ndorere @ndorere_private
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En 1955, le #Burundi avait réellement tout pour réussir son entrée dans le concert des nations indépendantes : une monarchie multiseculaire, une élite éduquée et récalcitrante aux tentations divisionnistes. 10 ans après, ce rêve disparaissait.

1955-1965, la décennie "Test"
L'histoire contemporaine du #Burundi débute, le 24 avril 1955, lors de la célèbre conférence de Bandoeng où est lancée officiellement le mouvement de décolonisation. Sont présents pour le compte du #Burundi, les Princes Rwagasore, Muhirwa et Biroli.
À cette époque, sévit en Afrique, une lutte de pouvoir entre les partis dits autonomistes/"collaborationnistes" et les partis indépendantistes/"nationalistes" qualifiés de dangereux par le colon et d'"alliés du communisme satanique et international" par le clergé étranger.
En 1957, les deux nationalistes Ramadhani et Ntuguka remettent à l'envoyé spécial des NU, Max Dorsinville, une pétition requérant l'indépendance immédiate du Burundi. Le rapport Dorsinville rejette l'idée de l'immédiateté et priorise l'assainissement de la question Hutu/Tutsi.
Le 24 mars 1957, est publié au Rwanda, la Note sur l'aspect social du problème racial indigène ("Manifeste des Bahutu") rejetant toute idée d'indépendance avant la mise au rebut de la monarchie "féodale". La note est rédigée notamment par G. Kayibanda et soutenue par le clergé.
Contrairement au Rwanda, les premières revendications ethniques au #Burundi opposent les ganwas (princes) et les non-ganwas. En 1957, les Hutu et les Tutsi proches de la Cour feront pression pour nommer un non-ganwa - en l'occurence un Hutu - à la chefferie vacante de Gitega.
En 1958, sont réunis à Bujumbura, Mutesa II, Kabaka du Buganda et Mutara III du Rwanda. L'objectif de la rencontre : planter les jalons d'une vaste confédération des royaumes des Tambours : le Buganda, Burundi, Rwanda, Ankole, le Bunyoro et le Tooro.
Constatant les efforts infructueux de Ntunguka-Ramadhani et encouragé par les réseaux swahilis de Nyerere, Rwagasore accepte de fédérer les forces nationalistes autour de l'Uprona créé officiellement en 1958.
Le 12 septembre 1959, à Bujumbura, on célèbre avec faste le mariage du Prince Rwagasore, promu chef du Butanyerera (ancienne chefferie du Prince Nduwumwe), et Marie-Rose Ntamikevyo.
1 novembre 1959, un coup de force organisé par la tutelle belge et le Parmehutu provoque le premier génocide des grands-Lacs. La monarchie est déchue et on y proclame la république. On compte plus de 100.000 réfugiés rwandais au #Burundi.
Le 20 août 1960, est édicté, au décret intérimaire de 1959, l'article 24 bis interdisant les proches parents et alliés du Mwami d'occuper des fonctions ou de participer à des activités politiques.
Du 23 au 31 août 1960, se déroule à Bruxelles, une conférence des partis politiques burundais en vue de la preparation des élections générales. Rwagasore est désigné comme un agitateur qu'il faut absolument éloigner des marches du pouvoir.
Le 27 octobre 1960, à son retour d'un long séjour au Tanganyika Territory, Rwagasore est arrêté pour détention de tracts séditieux et maintenu en résidence surveillée, le temps des élections communales, càd jusqu'au 9 décembre 1960.
Les élections communales du 9 déc 1960 consacrent une victoire des autonomistes. Sur les 2873 sièges en jeu, le PDC obtient 925 sièges, le PP et le PDR raflent respectivement 222 et 501 sièges. En dépit de l'absence de son chef, l'UPRONA se place en 2e position avec 545 sièges.
Sous l'impulsion du nouveau SGNU Dag Hammarskjöld, les NU somment la tutelle à rétablir le Prince et ses alliés dans leurs droits. Une commission NU sur le ruanda-urundi est mise en place pour surveiller les élections législatives prevues en 1961.
Le 18 septembre 1961, le camp nationaliste jubile; l'Uprona remporte 58 des 64 sièges de la nouvelle assemblée. Le Prince Rwagasore et chef du parti Uprona, est appelé à former le premier gouvernement du Burundi indépendant.
18 septembre 1961, à Ndola, en Zambie, aux environs de minuit, le DC-6 transportant le SGNU Dag Hammarskjöld est abattu en plein ciel. Il était en direction pour négocier un cessez-le-feu au Congo.
Dans la soirée du 13 octobre 1961, le prince est assassiné lors d'un dîner organisé au restaurant Club Tanganyika. Les premières enquêtes sur l'assassinat ciblent les milieux coloniaux et autonomistes : Kageorgis, l'auteur réel et les leaders du PDC, Ntidendereza et Biroli.
Cet assassinat est porteur d'un message clair : la tutelle ne se laissera pas faire aussi facilement. Venus pour saluer la dépouille du Prince pour la dernière fois, les nationalistes de l'Uprona le savent, la mort les guette tous...
La monarchie est attaquée. Le Roi Mwambutsa IV dissimule son désarroi; il l'avait pressenti. Avec le Vice-premier Ngendandumwe, il ferra des appels au calme. Des tournées à l'intérieur sont organisées pour rassurer la population.
Le 20 octobre 1961, André Muhirwa est nommé premier ministre. Sa primature est caractérisée par un refroidissement des relations avec la Belgique causé par la décision d'exécuter les commanditaires de l'assassinat du Prince.
En 1962, une crise de succession majeure éclate au sein de l'Uprona. Le 26 août 1962, Paul Mirerekano convoque une réunion du parti où il fustige le gouvernement Muhirwa. Mirerekano est arrêté et mis en détention.
La crise du leadership s'étend jusque dans les milieux des jeunesses Mirerekano. Ceux-ci se démarquent dans des actions extrémistes et subversives. En 1962, ces jeunes attaquent et tuent quatres syndicalistes proche du PDC, à Kamenge.
Le 14 septembre 1962, à Muramvya, le congrès de l'Uprona pense résoudre la crise. Joseph Bamina est élu président du parti; Mirerekano et Siryuyumunsi, Vice-présidents du Parti.
Le 18 juin 1963, le roi nomme Pierre Ngendandumwe, premier ministre. Il est le premier non-ganwa et Hutu, a occupé ce poste. La coopération belge reprend mais les relations avec le Rwanda de Kayibanda se durcissent. Mirerekano a déjà pris la fuite au Rwanda.
Le gouvernement Ngendandumwe soutiendra l'envoi d'une force onusienne au Rwanda pour arrêter le génocide en cours. En nouant des liens avec la Chine maoïste, le Burundi s'attire les foudres du bloc Ouest (États-Unis)
Le 6 avril 1964, Albin Nyamoya, un Tutsi, est nommé premier ministre. Son gouvernement s'investit corps et âme dans la rébellion lumumbiste. Il ira même jusqu'à planifier une intervention armée au Congo. Le 10 août 1964, l'ambassade du Burundi à Leopoldville est détruite.
L'année 1964 se termine dans un imbroglio diplomatique. L'ambassadeur de Chine au Burundi, Tung Chi Ping, se pensant en danger se réfugie à l'ambassade américaine. Il révèlera que la Chine a choisi le Burundi comme la base arrière de sa politique d'invasion.
Le 27 mai 1964, le grand frère du souverain, le Prince Ignace Kamatari, Chef du Mugamba, meurt dans des circonstances troubles. L'enquête évoque un accident et ce même si l'autopsie avait pourtant identifié un assassinat.
À cette même période, les provinces de Ngozi et Bubanza sont secouées par des attaques de groupes d'individus qui semblent provenir du Congo et du Rwanda. Les autorités procèdent à des arrestations. Le pouvoir se durcit et concentre tous les mécontentements.
En novembre 1964, la tension politique est palpable. Les députés ont déjà retiré leur confiance au gouvernement Nyamoya. Ils assurent au Roi qu'il leur faut Ngendandumwe. Mais celui-ci a déjà quitté Bujumbura, il n'en pouvait plus de ses intringues.
Le 31 décembre 1964, le quotidien belge, le Soir, qualifie le Burundi de " plateforme sino-soviétique et anti-belge". La persévérance de l'Uprona dans ses visées progressistes joue contre les nationalistes. Le danger se rapproche.
Le 7 janvier 1965, après plusieurs jours de négociations, Ngendandumwe accepte de former un gouvernement. Neufs jours plus tard, alors qu'il se rendait à la Clinique où sa femme venait d'accoucher, il est assassiné par un agent secret américain de nationalité rwandaise.
Dès le lendemain, une traque des progressistes upronistes est lancée. Le Mwami Mwambutsa dissout les institutions et convoque des élections anticipées. Les élections tenues, au mois de mai 1965, sont caractérisées par le triomphe des thèses "anti-féodalistes" chéries par le PP.
Le 10 mai 1965, l'Uprona remporte, toutefois, la majorité des sièges au détriment du PP, qui devient le seul parti d'opposition. Mirerekano est élu en son absence. Les nouvelles instances politiques comptent, toutefois, uniquement que 30% de Tutsi.
Dans la crainte d'un déséquilibre institutionnel, le Roi annonce une série de mesures correctrices : il nomme un premier ministre ganwa, le Prince Biha, il prévoit la création d'un Sénat burundais et une réforme territoriale prévoyant un regroupement des 181 communes en 78.
Les députés sont outrés. Ils s'offusquent contre toutes ces mesures. Ils refusent un ganwa comme premier ministre et exige la nomination de Gervais Nyangoma, un technocrate, Directeur de cabinet du premier ministre. Ils adoptent une motion rejetant le projet du Sénat.
L'autorité du souverain est malmenée. Dans l'édition du 1 août 1965, du quotidien Ndongozi, les députés Salvator Ndikumagenge et le président de l'assemblée Émile Bucumi expriment leur profond désaccord. Une ambiance de révolution règne dans la ville.
Le Roi impassible persiste avec son projet. Le 5 août 1965, le Sénat burundais est mis en place. Sont nommés, Joseph Bamina, Bankumuhari et Muhirwa, soutiens indéfectibles du monarque. Les députés se sentent trahis.
Dans la nuit du 19 octobre 1965, le palais du souverain et la résidence du premier ministre sont attaqués simultanément. Sauvé "in extremis" par l'armée, le Mwami et le prince héritier Charles, futur Ntare V, prennent la fuite vers Uvira.
Après l'échec de ce coup de force, le Secrétaire d'État à la défense procède à des exécutions d'officiers de l'armée et de la gendarmerie. Le 26 octobre, la rafle touche l'élite politique: Mirerekano et Bucumi, vice-président et président
de l'assemblée, sont exécutés.
À Muramvya, à Busangana, une rumeur folle circule : les Tutsi auraient assassiné le Roi! Les paysans Hutus, en furie, se ruent sur leurs voisins Tutsis. C'est un massacre! On compte des milliers de morts.
À Bujumbura, la machine répressive ne s'essouffle pas. Même Bamina, l'homme de confiance du monarque n'en est pas épargné. Le 16 décembre 1965, il est exécuté publiquement à Muramvya. L'exécution de Bamina marque la fin de la "décennie idyllique" et le début d'une ère de "plomb".
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