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Bon ça y est j'en ai marre. Et on va pas sortir de la critique des médias par l'autocritique des médias. Donc c'est parti pour un gros thread sur "pourquoi les médias ont mis deux mois à parler des violences policières chez les Gilets Jaunes?"
En fait on a toujours tendance à oublier quelques trucs un peu fondamentaux. Genre qu'on ne savait pas hier ce qu'on sait aujourd'hui, que les médias sont un peu dépendant de l'actualité (ils en parlent en fait ils la font pas), l'actu est un truc qu'on fait en commun
Autre principe, attention au choc, les ressources médiatiques sont limitées. On peut pas parler de tout, c'est minuté, calibré au nombre de signes etc. Ce principe est contrebalancé par le fait que les médias sont plusieurs (d'ailleurs on dit souvent "LES" médias)
Du coup les journalistes comptent les uns sur les autres. Les médias généralistes par ex se disent qu'ils ont pas besoin d'être engagé parce qu'il existe des journaux engagé et vice-versa. On va donc ici reprendre de quoi les médias ont parlé pour tenter de répondre à la question
Notre meilleure arme? la chronologie. Les Gilets Jaunes ça existe pas avant le 17 novembre. On ne sait pas ce que c'est, une pétition en ligne, une cinglée des chemtrails, un retraité qui voulait poignarder Macron et un mouvement dont on sent que c'est pas rien
Les deux 1eres semaines on essaye de comprendre. Y'a pas de leaders, c'est nouveau, ça marche, pas de structures, des revendications partout. Les médias sont curieux. BFM est très favorable, à l'acte 1 Dominique Rizet: "on a pas affaire à des casseurs on a affaire à des Français"
On rappelle aussi que les macronistes sont aux petits soins, Edouard Philippe passe une après midi à attendre les Gilets Jaunes qui ne viennent pas sur le perron de Matignon avec BFM qui filme l'humiliation "vont-ils venir?" 
C'est aussi un moment très complexe où des leaders essayent de s'imposer, sont rejetés, ou pas complètement. Benjamin Cauchy ou Chalençon sont plus ou mois éjectés par la porte mais reviennent par la fenêtre (dans une tribune au JDD lejdd.fr/Politique/excl… )
Durant cette phase les insoumis (d'habitude pas trop portés sur le sujet des violences policières) pensent encore avoir une chance de récupérer le mouvement. Avant acte 3 y'a déjà 2 morts dont les GJ se contrefoutent totalement mais dont les médias parlent leparisien.fr/faits-divers/g…
Les médias doivent répondre à milles questions et interrogation sur un mouvement surprise, y'a des pelletées d'actes racistes aussi dont certains militants essayent de parler, d'autre de mettre sous le tapis, on sait pas si ils vont aller aux Champs Elysées ou au champs de Mars
Les macronistes les laissent aller manifester sur les Champs Elysée! (difficile de mettre en avant l'horreur de la répression à ce moment là). Le 1er décembre le cadrage change, pas sur les violences policières mais sur les violences des GJ auxquelles personne s'attendait
Les flics habitués à défoncer des étudiants et du black bloc se retrouvent à se fritter avec des néo-nazi beaucoup plus déter. Cette violence là fascine incroyablement.
Elle fascine tout un pan de la gauche radicale qui découvre que l'insurrection avec les fascistes c'est quand même vachement efficace. Chez les jaunes et leurs soutiens: l'efficacité de cette violence est comparée avec l'inefficacité des manifs syndicales déclarées démocratiques
Les images de l'arc de triomphe dégradé tournent à bloc, elles fascinent et elles choquent et le blessé qui prend la place de blessé le plus grave médiatiquement est le jeune homme qui a pris la grille des tuileries sur la figure.
Les flics à ce moment ne sont ni plus ni moins violents que pour d'autres mouvements. Un niveau de violence déjà hallucinant mais auquel on s'est en fait habitué. La semaine d'après en revanche, pour l'acte IV les flics ont pris des mesures dont on parle (les blindés dans Paris!)
Nombre record d'interpellations etc. Le sujet des "violences de... auxquelles répondent les violence de..." arrive dans les médias. Les actes 3 et 4 sont mis ensemble pour expliquer "la surenchère" Un Envoyé Spécial sur France 2 par ex c'est pas rien francetvinfo.fr/economie/trans…
Cadrage général classique, on donne les deux points de vues, jaunes mutilés, bleus exténués, poussés à bout etc. Côté militant, les violences policières on s'en branle, c'est toujours beaucoup l'admiration pour les violences des GJ
Sur la TL de @davduf qui fait consciencieusement le taf depuis le début ses "signalements place Beauvau" dépassent pas les 30 RT. Aujourd'hui c'est pas moins de 200. Mais forcément à répéter en boucle que les médias font l'opinion on oublie que c'est l'opinion qui fait les médias
L'autre "petit" souci (je sais pas si on vous en a parlé) c'est la présence de l'extrême droite. Parce que bon ça parasite un peu le débat. Exemple concret avec le reportage de Envoyé Spécial qui passe pas moins de 3 minutes sur le cas de Fiorina
Fiorina 20 ans, étudiante éborgnée pour sa première manif. Un cas emblématique parfaitement médiatisable et médiatisé. Oui mais voilà Fiorina c'est l'extrême droite. Et en parler c'est renvoyer sur la cagnotte lancée par l'identitaire Damien Rieu ou les articles du Salon Beige
Ca ne justifie pas deux secondes qu'elle perde un oeil, ça explique en revanche que les groupes politiques (en principe de gauche) habitués à faire remonter le sujet des violences policières dans le débat public aient été embarrassés par le profil
D'autant plus embarrassés que la priorité de ces groupes là était alors de mettre les fascistes sous le tapis avec du #notallGiletsJaunes et du "c'est un cas isolé", ça la foutait mal pour en faire une icone, y'avait encore vaguement une gauche et une droite (pas pour tous...)
Autant le 1er décembre c'était le choc de la violence en jaune, autant le 8 c'est le choc de la violence en bleu, les flics y ont été comme des porcs se venger du samedi d'avant et le terrain médiatiquement favorable pour parler des violences policières
La semaine du 8 au 15 décembre y'a le envoyé spécial le 13, et le 14 y'a Dufresne sur france Info, ET qui a aussi refusé BFM (chaîne honnie qui donc avait quand même prévu d'en parler avec le plus au point sur le sujet).
Mauvaise semaine ceci dit, on parle bien des violences mais pour une fois pas de Gilets Jaunes. Le 11 c'est l'attentat de Strasbourg (on a dit ressources limitées). On va encore parler des Gilets Jaunes cependant mais en hallucinant sur le niveau de complotisme qui ressort
Car oui je sais pas si on vous l'a dit mais les Gilets Jaunes ont un petit problème de fascisme. Bon sur ce coup le complotisme des Gilets Jaunes choque d'autant plus que les Jaunes d'un coup ne sont plus en phase avec la France choquée par l'attentat
La veille, le 10 décembre, c'était les annonces de Macron. C'est le sujet des Gilets Jaunes, c'est le président qui leur répond, c'est important. Place à la réponse autre que policière du gouvernement. Images de Jaunes sur les rond points regardant le président sur leur tel,
Et les journalistes qui posent la question "alors il vous a convaincu? alors vous allez manifester samedi"? Decryptage des mesures... Le samedi 15 c'est l'acte V sous l'auspice de "mobilisation en baisse". Important car c'est la toute première fois qu'elle est en baisse.
Remise en contexte avec cet article du Monde: les violences policières et la répression sont pas cachées au contraires prises comme explication à la faible mobilisation. On profite aussi du calme pour publier l'enquête de Florence Aubenas lemonde.fr/societe/articl…
(Enquête pas franchement à charge contre les Gilets Jaunes et qui parle de ce qui se passe sur les Ronds Points, pas des violences). C'est aussi le moment pour les journalistes de se mettre au point de LA nouvelle revendication quasi unanime de tous les Jaunes: le RIC
"Le RIC c'est quoi? d'où ça sort? Comment ça marche? Et vous monsieur le député qu'en pensez vous? Et vous monsieur le ministre est-ce envisageable? Reportage en Suisse où cette pratique démocratique permet l'expression des citoyens mais montre aussi ses limites..."
On découvre aussi l'influence de Chouard grâce à François Ruffin et à sa fameuse conf de presse du 18 décembre où il rend hommage au grand homme et à sa grande idée. Du coup on se demande la place de Chouard chez les Jaunes et du coup... est-ce que Soral...?
Acte 6 le 22 décembre, la Quenelle à Montmartre, les insultes antisémites dans le métro (je sais pas si on vous a parlé de ce petit problème d'antisémitisme chez les Gilets Jaunes). Sur les violences policières c'est le moment de la vidéo du flic qui dégaine son arme
Si on est pour les flics on peut voir un policier paniqué qui tente de sauver ses collègues, si on est pour les jaunes on peut voir des cinglés qui balancent des grenades avant de subir le juste courroux des manifestants. Dans les médias la 1 puis 2nde version de la vidéo tourne
pour ne prendre que lémédia les plus haï, Le Monde donne la bonne version de la vidéo abonnes.lemonde.fr/societe/video/…?
BFM donne la version raccourcie de la vidéo (où les flics sont victimes) mais a couvert tout l'acte VI comme "pacifique" bfmtv.com/societe/gilets…
BFM donne la version raccourcie de la vidéo (où les flics sont victimes) mais a couvert tout l'acte VI comme "pacifique" bfmtv.com/societe/gilets…
Acte 7: "faible mobilisation" (en plein milieu des fêtes, c'est un enjeu) et surtout début quasi officiel de la haine des médias avec des manifs de Jaunes devant le siège des médias, violences policières contre des journalistes et blessé grave à Nantes franceinter.fr/societe/acte-7…
Bon du coup fatalement les médias vont revenir un peu sur ce qu'ils prennent dans la tronche depuis le début du mouvement histoire de placer le contexte de pourquoi y'a des Jaunes sous leurs fenêtre à les traiter de collabo lefigaro.fr/actualite-fran…
Mercredi 2 janvier, très très joli coup de Eric Drouet qui se fait arrêter pour un hommage aux victimes du mouvement (dont tout le monde se foutait jusqu'alors) et fait sortir le sujet des violences tout en cadrant sur la répression dont il est victime francetvinfo.fr/economie/trans…
Acte 8 le samedi 5 janvier, deux mois donc après le début du mouvement. C'est le boxeur d'extrême droite de la passerelle. D'un côté immense branlette générale des fousfous virilisto insurectionnalisto acabo branleurs qui se paluchent sur les images comme jamais
De l'autre, policier victime, l'ordre républicain qu'on voit reculer sous les coups et la violence etc. Les partisans de l'ordre en font évidemment des caisses. C'est là que le sujet des violences policiers va pouvoir prendre son envol: il devient politique!
Car il permet de retourner les places de bourreaux et de victimes sur les images! En fait le boxeur d'extrême droite a agit à cause de la répression policière! "vous parlez de Dettinger mais parlez vous aussi des X blessés depuis le début?! comme par hasard 2poids 2mesures"
Là du coup les groupes politiques vont s'emparer sérieusement du sujet. On va chercher @davduf pour avoir le chiffre exact. Le Média interview David Dufresne le Lundi 7 janvier (pourtant pas les plus crédibles en matière de violences policières...)
Voilà donc une explication possible de pourquoi les médias ont mis deux mois à s'intéresser aux violences policières. Pour résumer en ordre chrono: 1) y'avait pas de violences 2)y'avait d'autres sujets 3) tt le monde s'en cogne 4) ils s'y intéressent quand ça devient un sujet pol
Parce qu'à chaque fois qu'on critique les médias les militants qui critiquent oublient opportunément le rôle des militants politiques dans la politisation d'un sujet publique ou d'une cause. Genre c'est à lémédia de faire tout le taf et puis critique des travaux finis
