Thread by @LeStagiairite

Bonjour à tous! Vous avez rêvé d'ASP cette nuit, vous vous voyez triomphant en suivant les conseils avisés du Stagiairite, mais vous ne vous sentez pas prêt pour l'entretien?

Pas de panique, je suis toujours là. C'est parti pour un thread sur la gestion de l'entretien d'ASP!

Encore une fois, ça va être très long, donc accrochez vous, je vais essayer d'être le plus clair possible!

Si vous avez suivi mes conseils, le gros du boulot est fait, le jury est pantois, vous êtes en sueur, mais sûr de vous, et les portes de l’EN sont à demi ouvertes.

Maintenant commence la véritable épreuve : L’entretien.

Le concept est simple, pendant trente minute, le jury va vérifier que vous maitrisez chaque centimètre carré du sujet, sans relâche, jusqu’à l’épuisement.

Bon ça c’est l’idée qu’on s’en fait. En réalité, les jurys sont sévères, mais justes. Si vous êtes détendus, sûr de vous et surtout calme, tout va bien se passer. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que VOUS NE POUVEZ PAS PERDRE DE POINTS A L’ENTRETIEN.

Par la réciproque, vous ne pouvez qu’en gagner. C’est donc une deuxième épreuve, toute neuve, qui commence. Il faut comprendre cela pour l’aborder avec sérénité : le jury ne cherche pas à vous ridiculiser (sauf peut être certains sadiques) il cherche vos limites.

Et spoiler : tout le monde en a.
Assez discutaillé, rentrons dans le cœur du sujet.
Vous venez de terminer vos 30 minutes, le jury vous dit « prenez quelques instants pour vous préparer, vous pouvez enlever votre veste, boire, et bien sûr vous pouvez vous asseoir. »

PIÈGE, on ne s’assoit surtout pas ! Pourquoi ?
1) Il est très complexe de ne pas avoir l’air benêt quand on répond à des questions assis
2) Vous vous mettez directement en position de dominé, là ou la posture debout permet d’en imposer beaucoup plus ;

3) Si vous ne tenez pas debout plus d’une demi heure, comment vous tiendrez le coup une heure devant une classe ?

Donc virez moi cette chaise, restez debout, prenez un bon verre d’eau pour ne pas perdre votre voix, enlever la veste si il fait trop chaud (et il fera trop chaud) et dites avec votre plus beau sourire « Je suis prêt, nous pouvons y aller ».

Maintenant l’épreuve commence, chacun des 3 membres du jury va vous poser des questions sur chacune de vos 3 parties pendant environ 10 minutes chacun. Il ne faut rien lâcher, c’est le sprint final !

1er juré : Confrontation BO/manuels. Là on va revenir sur votre présentation des attendus du BO et sur votre critique des manuels.

Pour le BO : Soit on va vous demander de préciser vos explication si vous n’avez pas été clair, soit l’on va pousser plus loin. Préparez vous à recevoir des questions sur les liens entre votre sujet et la thématique de l’année.

Si vous passez sur les enjeux du développement en seconde, on va vous demander comment cela se rattache à la grande thématique de l’année, à savoir le développement durable.

On va aussi vous demander de comparer plus précisément la fiche Eduscol aux attendus du BO. Question piège, le BO a toujours raison, l’occasion de rappeler que vous savez que le BO est prescriptif, là où la fiche Eduscol n’est qu’un guide. Donc dans le doute, on suit le BO.

Enfin, faites attention aux études de cas/croquis obligatoire qui sont parfois mal mis en avant sur les ressources officielles. On pourrait vous piéger sur ce genre de prescription.

Par exemple, on peut vous demander pourquoi vous n’avez pas choisi telle étude de cas à la place de celle présentée ? « Et bien parce qu’elle est obligatoire, et que le BO est prescriptif. ». Et là, vous faites forte impression!

Pour les manuels : On va revenir sur vos critiques, parfois vous demander de les développer, parfois les remettre en cause. Exemple : « Je trouve que votre critique de cette carte était un peu légère, quelle utilité elle pourrait avoir ? »

Là il est très important de garder son calme, pour les plus sensibles d’entre vous, vous pourriez le prendre comme une attaque, il n’en est rien. Gardez en tête que chaque question du jury est une occasion de gagner des points en corrigeant des erreurs ou en approfondissant.

Rebondissez sur les questions, ayez du répondant, surtout ne lâchez rien!

Vous aurez surement aussi des questions d’ordre pédagogique, comment faire passer telle ou telle notion, quels problèmes l’activité proposée pourrait engendrer dans la classe.

Difficile de répondre puisque la plupart d’entre vous n’ont jamais enseigné, il est donc toujours intéressant d’y penser en amont, de réfléchir concrètement à comment votre cours pourrait se passer, et surtout quels garde-fous vous prévoyez.

Bref, anticipez, et montrez que vous vous projetez déjà dans votre rôle d’enseignant.

Cette partie va dépendre grandement de votre sujet donc je ne m’attarde pas plus, passons à la 2ème partie : l’épistémologie.

Là encore épreuve complexe. Durant dix minutes, vous n’aurez que deux mots d’ordre : concept et auteur.

D’ailleurs attendez-vous à ce qu’on vous demande ce qu’est un concept si vous avez usé du mot, donc préparez une définition toute faite que vous avez apprise par cœur.

Ensuite, pour ce qui est des concepts en soi : On va vous demander de définir en profondeur les concepts que vous n’avez fait que citer.

Exemple : Vous aviez un sujet sur l’habiter en classe de 6ème, vous avez utilisé le concept de « territoire ». On va vous demandez ce qui différencie un territoire d’un espace.

Comme cela ça a l’air facile, mais croyez moi, la première fois qu’on nous demande « définissez moi ce qu’est un espace », on bégaye sec. Je ne vous donne pas les définitions ici, attrapez votre dictionnaire de géographie et apprenez moi ça par cœur.

C’est durant cette période que votre travail en épistémo va payer. Chaque fois qu’on vous parle d’un concept, citez un géographe ou historien qui a travaillé sur le sujet. Micro Histoire ? Carlo Ginzburg. Habiter ? Olivier Lazzarotti. Il faut que ça devienne automatique.

On va d’ailleurs vous demander de citer un ou deux géographes ayant travaillé sur tel ou tel concept, c’est le moment de briller et d’être capable de montrer l’étendue de votre maîtrise. Le top étant de mettre le doigt sur des conflits épistémologiques et historiographiques.

Exemple : On me parle d’Yves Lacoste ? J’explique qu’il est en guerre avec la nouvelle géographie (et à peu près tout le monde en fait).

On me parle de François Furet ? Je parle de l’école marxiste de la révolution, et j’introduis Jean-Clément Martin qui marque un tournant dans la dichotomie historiographique de la révolution.

C’est une petite gymnastique à mettre en place, qui peut même vous permettre d’orienter l’entretien à votre avantage, puisque le jury rebondira sur vos réponses.

Bon, tout ça, c’est si ça se passe bien. Et si vous ne savez pas ? Si vous avez oublié ? PAS DE PANIQUE. Ne pas savoir n’est pas grave en soi, il faut seulement savoir le gérer. N’ayez pas peur de répondre par la négative. PAR CONTRE ne dite pas « Je ne sais pas ».

Préférez « J'avoue ne plus me souvenir de cet ouvrage en particulier», « Le nom de l’auteur m’échappe », « Mes connaissances sur le sujet ne vont pas aussi loin », bref, ayez un peu de consistance même quand vous ne savez pas.

Surtout ne montrez pas d’agacement, répondez avec le sourire, restez calme et enthousiaste, ayez toujours de la conviction, personne ne sait tout sur tout. Et ne pas avoir la réponse à une question, c'est arrivé à TOUS les profs du monde.

Aussi, n’hésitez pas à demander au juré de répéter sa question si vous ne l’avez pas comprise, mais pas plus d’une fois, si vous ne comprenez toujours pas, répondez par la négative, et le jury passera à autre chose.

C’est dans cette partie que vous laisserez sans doute le plus de question sans réponse, pas de panique, même si cela arrive plusieurs fois de suite, ne vous démontez pas, gardez la tête haute, et gardez en tête que ce n’est qu’1/3 de l’épreuve !

Enfin, attendez-vous à des questions sur le texte scientifique, pour vérifier que vous avez bien saisi tous les tenants et les aboutissants de ce qu’il contient. Ces derniers sont truffés de références plus ou moins cachées, ou que vous n’aurez pas eu le temps de traiter.

N’hésitez pas à revenir dessus et à le citer si l’occasion se présente lors de l’entretien. D'où l'intérêt de soigner votre fluotage du texte en amont, pour ne pas avoir une bouillie informe et inexploitable sous les yeux.

Par exemple si votre texte fait référence à la géographie vidalienne ou à l’histoire en miette, soyez sûr que si vous n’avez pas explicité ces courants dans votre oral, on vous demandera de les définir et d’en citer les auteurs clés.

Cela peut constituer une technique : laisser des zones d’ombre dans votre oral, en ayant toutefois les ressources pour y répondre afin d’orienter les questions du jury, mais c’est risqué, et doit être usé avec parcimonie.

Enfin, dernière partie : EMC

Là encore, entretien basé sur le texte du corpus. On va vérifier que vous l’avez saisi, que vous maîtrisez les enjeux civiques qu’il contient.

Plusieurs types de questions possibles :

1) Les questions sur les concepts (toujours eux). « Vous pouvez me définir ce que c’est la liberté ? », « En quoi consiste la laïcité ? » « C’est quoi la démocratie ?». Encore une fois, ça peut paraitre simple, mais c’est extrêmement complexe si on n’y réfléchit pas en amont.

Pas de secret ici, les colles vous préparerons à ce genre de questions, sinon il faut les voir venir en lisant le texte, et se griffonner des éléments de réponse sur le brouillon, toujours avoir un coup d’avance.

2) On peut vous poser des questions sur des connaissances précises. « Quelle est la date de la journée mondiale des droits des femmes ? », « De quand date la constitution de la Vème république ? », « Combien de députés et de sénateurs en France?».

Oui oui, vous avez bien lu. Certaines questions vont vous sembler hors sujets, mais elles peuvent arriver, mieux vaux être préparé.

3) Des questions sur le fonctionnement des établissements scolaires.

Vous avez proposé une sortie au tribunal pour traiter de la justice pénale ? Attendez vous à ce qu’en plus de la différence entre les assises et le correctionnel, on vous demande à qui demander l’autorisation d’une telle sortie (dossier au CA, autorisation du CDE, etc...).

Vous proposez de lier votre cours d’EMC à l’élection du CVL ? Attendez-vous à ce qu’on vous demande à quoi sert le CVL !

Vous l’aurez donc compris, pour cette partie, le maître mot c’est l’anticipation et la culture générale. Soyez prêt à recevoir toutes les questions y compris sur l’actualité. Mais c’est l’occasion de briller avec votre culture personnelle, et vos expériences.

Ici, on va aussi tester votre neutralité et vérifier que vous êtes capable de faire de l’EMC en gardant la posture d’un enseignant, c’est-à-dire d’un agent de l’État.

Si vous devez critiquer une institution (je ne vous le souhaite pas) pesez chacun de vos mots, soyez très prudent, n’oubliez pas que vous passez un concours pour servir l’État, ce n’est pas le moment de réclamer une sixième république ou de se plaindre des violences policières.

Si vous en parlez, cela doit toujours être avec de la distance : « Il existe un mouvement qui s’oppose à », « certaines personnes peuvent penser que » ne parlez jamais en votre nom propre, prenez de la distance.

Si on vous demande de ce que vous pensez d’une question socialement vive (Conflit israélo-palestinien, adoption pour les couples homos) NE DONNEZ PAS VOTRE AVIS.

Exposez les différents point de vue qui se confrontent, et concluez toujours que votre avis ne compte pas, puisque vous devez être neutre, et éviter tout prosélytisme en classe. Encore une fois, vous gueulerez quand vous serez titularisés.

Une fois tout cela fait l’entretien est terminé. Votre sortie compte autant que votre entré, voir plus, ramassez vos affaires sans précipitation, vérifiez que vous n’avez rien oublié, et laissez le bureau propre et rangé pour votre collègue qui passe après vous.

Partez en n’oubliant pas de saluer le jury, de le remercier de vous avoir écouté (oui je sais, ils sont obligés, mais remerciez les quand même) et souhaitez leurs bon courage pour la suite de la journée, ça ne coûte rien, et c’est toujours bien vu.

Soyez courtois sans en faire trop, et surtout ayez l’air détendu jusqu’à ce que vous quittiez leur champ de vision.

Voilà, vous en êtes sorti, plus qu’à attendre les résultats ! Je vous donne rendez vous dans quelques semaines pour des conseils de dernière minute un peu avant le début des oraux. Bossez bien, et surtout LÂCHEZ RIEN !