Thread by @SylvainErnault

Ne dites plus salon, foire et encore moins fête : l'été, en France, tout devient festival. À l'avant-veille du plus grand d'entre-eux, catégorie musique actuelle, aka les Vieilles #Charrues, voici un petit fil sur la « festivalisation de la culture ». ⬇️

« Festivalisation de la culture », l'expression est employée par Michel Guerrin dans sa récente chronique pour @lemondefr.

Il expose les raisons ainsi que les limites d'un tel modèle, citant le philosophe Yves Michaud et le sociologue Emmanuel Négrier.

lemonde.fr/idees/article/…

Depuis la naissance des Vieilles #Charrues en 1992, qui commença comme une kermesse à Landeleau, le nombre de festivals serait passé de 600 à 6.000. Estimation à la louche d'Emmanuel Négrier, car le ministère de la Culture est lui-même incapable de les recenser.

Un festival est vu par beaucoup d'élus comme un excellent vecteur de marketing territorial. À tel point que l'absence d'un événement attirant beaucoup de public sur un cours laps de temps peut être vécu comme un manque. Discours entendu à Lannion, par exemple.

Au passage, un festival peut devenir un tremplin pour des carrières politiques, comme Stéphane Davet le racontait il y a peu, toujours dans @lemondefr.

Christan Troadec ne fait-il pas partie des cofondateurs des Vieilles #Charrues ?

lemonde.fr/m-le-mag/artic…

Bien sûr, il n'y aurait pas de festival sans festivaliers. Dans @FR_Conversation, l'enseignant-chercheur en marketing Damien Chaney vulgarise un précédent article sur le public des festivals de rock extrême.

theconversation.com/comment-sexpli…

Ce qu'on résume souvent par l'« ambiance » d'un festival, c'est sa capacité à rassembler des publics différents qui s'enthousiasment soudain devant le même concert. En ce sens, une foule immense rassemblée sur un « terrain neutre » comme Carhaix favorise le sentiment d'anonymat.

Or, quand la concurrence grandit, avec l'arrivée de multinationales comme AEG ou Live Nation, que les cachets s'envolent et que les programmations tendent à se rassembler, les festivals doivent se différencier sur d'autres terrains. En appuyant sur l'idée d'évasion notamment.

Ainsi, le budget décoration des Vieilles #Charrues est passé de 167,5 K€ en 2014 à 456,4 K€ en 2016 et même à 600 K€ cette année. Soit une multiplication par 3,6 en l'espace de cinq ans !

(Photos de ce fil : collection personnelle)

L'économie des festivals est très fragile. Le directeur des Vieilles #Charrues, Jérôme Tréhorel, expliquait l'an dernier que 90 à 95 % des billets doivent désormais être vendus pour atteindre l'équilibre. Le public représente 80 % des recettes, les partenaire et mécènes 20 %.

Cette fragilité avait été rappelée à la ministre - vous vous souvenez, Françoise Nyssen ! -, en visite à Carhaix.

Elle y avait présenté son « Monsieur festival », Serge Kancel, chargé de savoir comment accompagner les festivals. Où en est ce dossier ? C'est une autre histoire.

Enfin, pour revenir à notre question initiale et l'approfondir, je vous renvoie vers le dossier Festivalisation(s) des Cahiers d’ethnomusicologie (2014) dirigé par Yann Laville, de Neuchatel. @fanch_hln aura peut-être d'autres lectures à conseiller... 😉

journals.openedition.org/ethnomusicolog…