Bonjour à tous pour ce #VendrediMicrobiologie !

Aujourd’hui je vais vous parler de mécanisme à un antibiotique de dernier recours : La colistine (aussi appelée polymyxine E).

Image : Colin J. Ingham and Eshel Ben Jacob, 2008
La Colistine une molécule découverte en 1947 chez la bactérie Paenibacillus polymyxa qui la produit de manière naturelle.
Son usage a rapidement été abandonné quand il y a eu des alternatives.

En effet, cet antibiotique a des effets néphrotoxiques (endommage les reins) et neurotoxique. Pas ouf hein
Mais l’apparition des souches multirésistantes aux antibiotiques a relancé l'utilisation de cette molécule en clinique car la colistine est encore efficace sur ces bactéries multirésistantes.

Ça attaque toujours les reins mais c’est moins pire que les bactéries.
Sauf que son usage, comme tout antibiotique, a fait apparaître des souches résistantes. Notamment son usage dans l’élevage.
Bref, pour savoir comment des bactéries peuvent devenir résistantes à cet antibiotique il faut d’abord expliquer ce qu’est exactement la colistine et comment ça fonctionne.
La colistine est un peptide cyclique, c’est-à-dire un assemblage de quelques acides aminés (comme les protéines) qui forment un cycle.

Les acides aminés sont en orange.
Cet antibiotique n’est efficace que chez les bactéries Gram -, c’est-à-dire celle qui ont deux membranes comme E.coli, Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baumannii.
La colistine va se fixer sur le LPS de la membrane des bactéries Gram –.

Le LPS c’est une grosse molécule à la surface des bactéries composée de sucre et d’acides gras qui assure la structure et la viabilité des bactéries Gram -
Le LPS est globalement chargé négativement grâce à des groupement phosphates (en vert) et la colistine positivement grâce à ces groupement amine (entourés en rouge)

Il va donc pouvoir y a avoir des interactions électrostatiques entre LPS et colistine.
La colistine va donc faire de gros trous dans la membrane externe des bactéries puis ensuite venir déstabiliser la membrane interne.

Spoiler : C'est souvent mortel pour les bactéries.
Maintenant vous savez comment la colistine agit mais comment les bactéries peuvent devenir résistantes ?
Tout est une question de charge.

Ce que je ne vous aie pas dit c’est que le LPS peut être largement modifiés par diverses enzymes. Notamment des modifications de la charge du LPS.
Par exemple l’ajout d’un groupement éthanolamine chargé positivement sur le phosphate (qui perd sa charge négative au passage aussi).

Ou bien l’ajout amino-arabinose qui lui aussi est chargé positivement.
Toutes ces modifications du LPS sont régulées par une cascade de protéine franchement assez complexe mais que l’on peut simplifier sans trop déformer la réalité.

(doi.org/10.2147/IDR.S1…)
En gros cela fonctionne de la manière suivante : Un signal va activer une protéine membranaire senseur et induire une phosphorylation de cette dernière.
Cette protéine phosphorylée va transmettre son phosphate à une autre protéine qui va permettre la production des enzymes pour modifier le LPS.
Donc si la charge du LPS passe de négative à positive les interactions électrostatiques entre LPS et colistine devienne répulsive et donc la colistine ne peut plus agir…
Le truc c'est qu'il peut y avoir des mutations dans les protéines senseur.

Et certaines mutations vont conduire à avoir une activation permanente, plus besoin de signal.
Un peu comme si un détecteur de fumé se mettait a sonner de manière permanente.
Ce genre de modification vont donc conduire à un LPS tout le temps chargé positivement et donc à des bactéries résistante à la colistine.

En gros pour certaines mutation on passe d'une dose toxique de 2mg/L à 64 mg/L de colistine.
Vous savez maintenant comment la colistine fonctionne et comment les bactéries deviennent résistantes !
Pour finir quand même sur une bonne note : Les mutations qui donnent une résistance à la colistine sont relativement toxiques.

Donc elles ont tendance à disparaître en l'absence de colistine !
Sources : Colistin in Pig Production: Chemistry, Mechanism of Antibacterial Action, Rhouma et al, 2016.

A. Steimle, I. Autenrieth, J. Frick (2016), Structure and function: Lipid A modifications in commensals and pathogens, International Journal of Medical Microbiology,
B. Simpson and S. Trent (2019) Pushing the enveloppe: LPS modifications and their consequences, Nature

Kempf, I. & de Ploufragan-Plouzané, L. Coût biologique et évolution de la résistance aux  antibiotiques.
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