Une série d'articles d'Anna Breteau, journaliste ayant étudié dans un Master de 'Cultural Studies' à l'Université Paris 3 (Sorbonne Nouvelle) pendant un semestre @AnnaBreteau @LePoint
lepoint.fr/societe/classe…
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@AnnaBreteau @LePoint "Depuis quelques mois, dans les universités françaises, boycotts, interdictions de conférences, perturbations de débats se multiplient au nom de la lutte contre les discriminations. Ces fervents réfractaires font émerger des concepts nouveaux : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « blanchité hégémonique », « intersectionnalité », « racisme systémique », « dominants et racisés », etc. Un nouvel antiracisme qui s'oppose à celui des années SOS Racisme ou Licra, aujourd'hui qualifié de « ringard »."
@AnnaBreteau @LePoint "Le temps d'un semestre, nous avons infiltré une formation en sciences sociales à la Sorbonne, pour tenter de comprendre cette mutation et découvrir ce qui nourrit les prises de position extrêmes des étudiants sur des débats de société que l'université n'ignore pourtant pas...
@AnnaBreteau @LePoint ... En réalité, c'est tout un courant intellectuel qui infuse ces actions à travers des théories plus ou moins rigoureuses."
@AnnaBreteau @LePoint "Ces « cultural studies »,directement héritées des chaires anglo-saxonnes, prennent de l'ampleur en France. Leur principal thème de recherche : l'étude des « minorités », essentiellement à travers les critères du genre, du sexe, de la « race » et de l'orientation sexuelle."
@AnnaBreteau @LePoint "Durant ce semestre,nous étudierons principalement les cultural studies, c'est-à-dire les thèmes qui touchent au genre, aux inégalités, au racisme et à leur traitement médiatique...
@AnnaBreteau @LePoint ... La question de l'entrée de ces sujets dans l'espace public est rapidement abordée par l'un des enseignants : « On en parle, on en parle, mais il y a un freinage en France, notamment à cause de cette idéologie universaliste républicaniste. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Petits sourires d'approbation dans la salle. Il ajoute, empli de confiance : « C'est la période parfaite pour parler de ces sujets. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Le second responsable de la formation se laisse à son tour emporter par l'enthousiasme : « De toute façon, les cultural studies, les race studies sont juste là pour tout exploser, quoi. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Le corps enseignant de cette formation vient de divers horizons : spécialistes du genre, de communication, de sociologie ou encore d'économie. Leur principal point commun : faire converger toutes ces disciplines vers le prisme des cultural studies."
@AnnaBreteau @LePoint "Les cultural studies revendiquent de n'exclure personne, c'est-à-dire aussi de n'offenser personne."
@AnnaBreteau @LePoint "Ces consignes donnent parfois lieu à des discussions d'une absurdité rare. Alors qu'un étudiant avait employé dans l'un de ses devoirs l'expression « femme de couleur », une professeure le reprend : ...
@AnnaBreteau @LePoint ...« Je n'aime pas du tout l'expression femme de couleur. Préférez femme non blanche ou femme racisée, même si ce n'est pas top non plus. » Et de développer, pleine d'ironie : « Comme si le blanc n'était pas une couleur, ah ah !...
@AnnaBreteau @LePoint ... Mais bon, c'est compliqué, parce que quand on dit blanc et non blanc, on reste quand même sur l'étalon blanc, sur l'étalon de la blanchité hégémonique. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Avant d' entamer le visionnage [d'un sketch des Inconnus], notre oratrice délivre à l'assemblée un étrange permis : « À titre personnel, je trouve certaines choses drôles dans ce sketch… Donc, vous êtes autorisés à rire. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Si on pensait qu'un rire pouvait être interdit, nous voilà rassurés : nous en avons le droit."
@AnnaBreteau @LePoint "Quelques rires traversent la salle. La sacro-sainte question est à nouveau posée : « Est-ce que c'est raciste ? En quoi c'est raciste ? » Les étudiants interviennent : « Oui, mais moins, car ils se moquent aussi de l'administration », lance l'un...
@AnnaBreteau @LePoint ... « Oui, mais ça passe mieux parce qu'il y a un Noir dans la troupe », ose un autre. Contre toute attente, la maîtresse de conférences valide ce dernier argument : la présence de Pascal Légitimus rend la scène « un peu moins raciste ». "
@AnnaBreteau @LePoint "Au milieu d'une salle aux fenêtres condamnées, un enseignant entame sa séance, consacrée au « savoir situé » : « Il n'y a pas de neutralité dans les cultural studies. » Réfutant l'idée d'un « savoir universel », il nous est expliqué que le « regard biaisé » apporte bien plus...
@AnnaBreteau @LePoint ... à la recherche que celui prétendument neutre. La revendication d'un regard qui ne serait pas tout à fait pur ou transparent est enthousiasmante. Mais, rapidement, notre orateur s'emballe : « Neutralité, mon œil ! C'est juste un truc érigé en savoir universel...
@AnnaBreteau @LePoint ... Il faut donc nous positionner, dire d'où l'on vient, et d'où on part », poursuit-il. Cette injonction à l'origine interroge. Il poursuit : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « On nous fait croire que c'est un cadre scientifique et neutre, alors qu'en vrai on est bien dans le cadre des dominants. Un regard blanc, bourgeois et masculin », tranche-t-il."
@AnnaBreteau @LePoint "En réalité, le concept du « savoir situé » est défendu par toute l'équipe enseignante de cette formation en sociologie. Partant du constat que les témoignages des minorités ont trop souvent été ignorés des universitaires...
@AnnaBreteau @LePoint ..., il s'agit de remettre en lumière ces histoires oubliées. Mais la méthode questionne, car l'ennemi flou n'est jamais très bien défini, c'est « le regard du scientifique blanc »."
@AnnaBreteau @LePoint "Quelques jours plus tard, dans le cadre d'un cours intitulé « Genre et médias », la question est de nouveau abordée. Pendant de longues heures, nous étudions les thèses de Patricia Hill Collins...
@AnnaBreteau @LePoint ..., une intellectuelle américaine qui revendique, entre autres, « une expérience qui donne légitimité au savoir universitaire ». C'est-à-dire, des thèmes de recherche en conformité avec l'origine et le parcours du chercheur...
@AnnaBreteau @LePoint ... Aussi, certains champs d'étude devraient être fermés à certains groupes : les « dominants ». De même pour l'autrice bell hooks, qualifiée de « géniale » par une enseignante, qui se plaît à détailler ses théories...
@AnnaBreteau @LePoint ... : « La position des femmes noires est une position spécifique, une sorte d'avantage épistémique. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Ce positionnement conduit souvent les équipes enseignantes à introduire les auteurs d'abord par leur origine, leur orientation sexuelle, leur genre."
@AnnaBreteau @LePoint "Après quatre heures, une interrogation surgit dans l'assemblée : « Cela signifie-t-il qu'une personne blanche ne pourrait pas travailler sur le racisme ? » L'enseignante nuance enfin : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « Je n'irais pas jusqu'à parler de dérives, mais, oui, ça peut finir par être problématique d'interdire ou d'autoriser ce genre de choses », reconnaît-elle à demi-mot. « Et puis, on ne peut pas parler de racisme sans s'interroger sur notre propre blanchité », poursuit-elle...
@AnnaBreteau @LePoint ..., décidément très tatillonne sur la couleur de peau des universitaires. Elle maintient néanmoins : la question d'écarter certains sujets d'étude de certains groupes en fonction de leur origine est… « légitime »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Étrange manière de lutter contre les discriminations. Mais l'argument ne semble interpeller personne, dans la salle de classe."
@AnnaBreteau @LePoint "Ce type de discours consistant à tout ramener à la « race » est largement diffusé dans certains cours, notamment ceux qui touchent aux études décoloniales...
@AnnaBreteau @LePoint ... Une enseignante déclare un jour devant la petite assemblée d'étudiants : « Les relations entre les groupes, entre les gens, sont organisées par la race, notre société entière est structurée par elle. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Ainsi, tout ce qui touche de près ou de loin à l'Occident et à sa culture est largement critiqué, par principe. L'intellectuelle Donna Haraway est ainsi présentée en classe comme une entrée intéressante pour « déconstruire la culture occidentale »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Le ton est donné : pour enseigner le décolonialisme, il faut mettre en avant « la production d'un savoir alternatif depuis les colonies », car, partant du constat que l'Occident a accouché du colonialisme, rien de bon ne peut en sortir."
@AnnaBreteau @LePoint "Dans les cultural studies, la société tout entière se divise entre « dominants » et « dominés ». Partant de ce constat, il faut trouver des responsables, les médias en prennent pour leur grade...
@AnnaBreteau @LePoint ... Ainsi, une séance commence par « les médias cherchent à imposer une domination idéologique »."
@AnnaBreteau @LePoint "Lors d'un cours sur les économies de la culture, un autre enseignant questionne, devant sa petite assemblée d'étudiants : « Est-ce que la culture qui émane des industries médiatiques n'est pas un produit idéologiquement contaminé par le libéralisme ? »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Un système médiatique qui fonctionnerait selon lui comme « une sorte d'opium du peuple »."
@AnnaBreteau @LePoint "Lors de ces longues litanies accusatrices, les médias sont régulièrement associés aux « politiques », comme une seule et même entité. Le mouvement des Gilets jaunes sera analysé en classe comme une réaction à « l'establishment médiatico-politique »...
@AnnaBreteau @LePoint ... De la même manière, une enseignante réclame « l'émergence des personnes noires dans l'espace politique et médiatique », ajoutant plus loin que les stéréotypes racistes sont « une production médiatique et politique », sans souci de distinction...
@AnnaBreteau @LePoint ... À l'issue d'une de ses explications, un autre professeur conseille même aux étudiants : « Tout ce discours sur les médias, retenez-le bien. Vous pouvez largement le réutiliser, l'appliquer aux discours politiques par exemple. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Pas une fois différents organes de presse, différentes chaînes ou différentes lignes éditoriales ne sont venus nuancer le propos."
@AnnaBreteau @LePoint "Les thèses chères [au Parti des Indigènes de la République] sont régulièrement distillées, çà et là, dans les amphithéâtres. Le champ des « cultural studies » en est étonnamment friand...
@AnnaBreteau @LePoint ... C'est à l'occasion d'un enseignement sur les identités postcoloniales que la première référence apparaît. Une enseignante, abordant les polémiques qui ont entouré Houria Bouteldja, la fondatrice du PIR, entame une tentative de réhabilitation : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « C'est quand même un des premiers mouvements qui a permis de mettre en lumière la question de la blanchité hégémonique en France. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Houria Bouteldja s'est notamment illustrée par un ouvrage intitulé Les Blancs, les Juifs et nous, dans lequel elle écrit : « Le Blanc, conquérant et sûr de lui. L'indigène, dominé et aux abois. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Ou bien encore que « l'on ne reconnaît pas un Juif parce qu'il se déclare Juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité ». Elle cite également dans sa préface cette célèbre phrase de Sartre, sans condamnation aucune : ...
@AnnaBreteau @LePoint ...« Abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. » Au contraire, elle dénonce plus loin les frilosités de l'écrivain concernant Israël : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « Pour exterminer le Blanc qui le torture, il aurait fallu que Sartre écrive : "Abattre un Israélien, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre". »"
@AnnaBreteau @LePoint "En novembre dernier, Bouteldja s'est fendue d'un communiqué commentant la rencontre entre la philosophe Élisabeth Badinter et la journaliste Zineb El Rhazoui : « Le corps de Zineb El Rhazoui, qui n'appartient plus à sa race, appartient à la race […] d'Élisabeth Badinter. »"
@AnnaBreteau @LePoint "L'enseignante légitime ainsi, devant un parterre d'étudiants : « Houria Bouteldja dit souvent "Les Blancs ne sont pas nos alliés, on peut parfois faire des alliances, mais on ne s'associe pas à eux'', ce qui est compréhensible, hein ! »...
@AnnaBreteau @LePoint ... La maîtresse de conférences sous-entend même que le PIR aurait été injustement écarté de la sphère publique. « Médiatiquement, Houria Bouteldja et le PIR sont très clairement disqualifiés, c'est un mouvement considéré par beaucoup comme infréquentable...
@AnnaBreteau @LePoint ..., mais moi je trouve que c'est plus complexe que cela », avance-t-elle, devant un auditoire captif. Et de dénoncer des « critiques qui semblent être le fruit d'une méconnaissance de leur programme ». Un programme dont nous n'entendrons rien, par ailleurs."
@AnnaBreteau @LePoint "Des personnes noires, petites, d'origine étrangère, obèses, transgenres, asiatiques… Les cultural studies se prévalent d'étudier toutes les minorités discriminées. Toutes sauf… les Juifs, étonnamment absents des productions universitaires se réclamant de ce courant de pensée..
@AnnaBreteau @LePoint .... Par quelques allusions plus ou moins voilées, et des positionnements assumés face à des affaires qui ont défrayé la chronique, on perçoit une gêne de la part du corps enseignant de ce master à Paris-3...
@AnnaBreteau @LePoint ..., face à ce qui ne rentre pas comme il le faudrait dans les deux grandes cases dessinées par les cultural studies : les dominants et les dominés."
@AnnaBreteau @LePoint "Le discours antiraciste notamment porté par SOS Racisme ou la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) dans les années 1980 est présenté, dans les cultural studies, comme « vieillissant », presque ringard...
@AnnaBreteau @LePoint ... Un discours trop « sobre dans son antiracisme » et devant « être repensé à nouveaux frais », selon cette maîtresse de conférences. Car, si cet antiracisme « produit une égalité de principe, il apparaît comme très bien pensant », trop « institutionnel »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Son positionnement « moralisateur » face à l'extrême droite est même présenté comme un responsable de la montée du FN."
@AnnaBreteau @LePoint "Dès les premiers jours de cours, la bataille pour faire reconnaître la validité scientifique des cultural studies est annoncée en ces termes : « Des gens essaient de s'y opposer frontalement...
@AnnaBreteau @LePoint ..., mais ils commencent aujourd'hui à baisser les bras : on ne peut pas lutter contre les cultural studies. » Le directeur de la formation, sociologue, ajoute : « Le monde en réalité ne parle que de ce qu'on fait. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Pour des chercheurs qui fustigent dès que l'occasion se présente le « mouvement universaliste », voilà une manière bien universelle de concevoir leur champ d'études."
@AnnaBreteau @LePoint "Les cultural studies naissent dans les années 1960, lorsque l'école de Birmingham (alors appelée Center for contemporary cultural studies) est créée par Richard Hoggart, sociologue et ethnographe. Il est considéré, avec Stuart Hall qui dirigera l'école dix années plus tard...
@AnnaBreteau @LePoint ..., comme l'un des pères des cultural studies. Ce nouveau courant propose de traiter les phénomènes sociaux de manière plus transversale, en se concentrant sur les groupes minoritaires et contestataires et leur rapport à la « domination »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Déjà bien implanté dans le monde universitaire anglo-saxon, ce champ fait son entrée en France au milieu des années 2000. Et, malgré les réticences de nombreux chercheurs qui pointent un manque de rigueur intellectuelle...
@AnnaBreteau @LePoint ..., commence à dominer de plus en plus de disciplines dans le champ des sciences humaines et sociales. Ses notions et théories occupent de plus en plus de travaux en sociologie, anthropologie, philosophie mais également en théories politiques, voire en histoire."
@AnnaBreteau @LePoint "Dans la digne lignée de ses pères fondateurs, les théoriciens spécialistes des cultural studies, affichent un fort ancrage critique, voire militant. Souvent, la teneur des enseignements affichés diffère légèrement à l'intérieur des salles de classe...
@AnnaBreteau @LePoint ... Dans un cours intitulé « Genre et médias », une enseignante introduit ainsi la première séance : « Je ne sais plus le nom de ce cours, c'est quoi déjà ? » Cet oubli lui permettra de consacrer la plus grande partie du semestre à un tout autre thème : le « féminisme noir »...
@AnnaBreteau @LePoint ... et le féminisme décolonial. Pas une fois, dans ce cours, ne sera évoqué le fonctionnement des médias."
@AnnaBreteau @LePoint "L'intersectionnalité est présentée comme « le résultat d'une stratégie politique », « d'une lutte contre l'hégémonie ». L'utilisation de ce concept, très en vogue dans ce champ universitaire, sera d'ailleurs imposée aux étudiants dans les travaux à rendre dans ce cours."
@AnnaBreteau @LePoint "Voilà l'une des principales hypothèses de travail des cultural studies, consistant à établir un lien direct entre l'invisibilité d'un groupe et son oppression. Un combat qui se situe moins sur le terrain du droit...
@AnnaBreteau @LePoint ... que sur celui de la reconnaissance d'une « légitimité des identités » face à un modèle républicain accusé de les « nier ». Car, dans ce champ d'études, il n'est rien entre l'oubli de soi et la sur-revendication, rien entre l'effacement et la reconnaissance publique."
@AnnaBreteau @LePoint "De façon récurrente, les opinions des enseignants en cultural studies sont ainsi émises, sans souci d'équilibre ni d'explications historiques : « Quelle contradiction : liberté, égalité, fraternité...
@AnnaBreteau @LePoint ... Mais c'est au nom de ces valeurs qu'on a produit la colonisation ! » dénonce une professeure. Le siècle des Lumières est souvent la cible de ces commentaires ironiques. « L'esprit des Lumières… enfin, je ne vois pas bien en quoi c'était plus lumineux… »...
@AnnaBreteau @LePoint ..., engage un autre enseignant, qui ira jusqu'à résumer simplement : « la rhétorique des Lumières s'appuie sur une pensée raciale. » Les fondements de cette affirmation ? Il faudra aller les chercher tout seul."
@AnnaBreteau @LePoint "Les petits conseils prodigués aux étudiants révèlent également cette confusion. Une maîtresse de conférences annonce : « C'est aussi tout le but de ce cours, que vous vous trouviez des endroits politiques », c'est-à-dire un positionnement, une chapelle politique...
@AnnaBreteau @LePoint ... Mais les étudiants sont souvent déboussolés. L'un d'eux, semblant s'adresser à un camarade militant plus expérimenté, désespère : « Qu'on fasse de cette manière ou d'une autre, lutter contre les rapports de pouvoir, c'est complexe et déprimant. »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Oubliant que son assemblée est composée d'apprentis chercheurs, son oratrice bienveillante abonde : « oui, parce que la lutte de pouvoir est infinie, la lutte politique est permanente. Parce que les groupes subalternes le seront toujours ». Et de mettre en garde...
@AnnaBreteau @LePoint ..., à propos de l'attention grandissante de la sphère publique aux discriminations : « Méfiance, il ne faut pas tomber dans une logique de célébration. Quand bien même les choses se transforment, on reste dans une société largement structurée par ces rapports de pouvoir. »"
@AnnaBreteau @LePoint "Ce mélange des genres ne satisfait pourtant pas tous les étudiants. Nombreux sont aussi ceux qui, en master, pestent contre ces enseignements qui ne leur apprennent ni à raisonner ni à faire de la recherche."
@AnnaBreteau @LePoint "Au fur et à mesure de l'avancée du semestre, les séances consacrées au « black feminism », et son pendant français le « féminisme décolonial », prennent de plus en plus de place. Il s'agit d'une branche – notamment à l'origine des théories de l'intersectionnalité – ...
@AnnaBreteau @LePoint ... qui fustige un féminisme « universaliste » présenté comme « blanc, bourgeois et hégémonique », selon une enseignante. L'objectif : faire émerger un nouveau féminisme...
@AnnaBreteau @LePoint ..., en opposition avec « cette conception de l'égalité hommes-femmes qui se construit selon des critères très blancs ». En effet, dans les cultural studies, même l'égalité a une couleur de peau."
@AnnaBreteau @LePoint "L'un des concepts privilégiés des cultural studies est l'intersectionnalité : il permet d'interpréter tout événement, toute relation sociale, tout modèle par le biais des discriminations de classe, de « race » et de genre...
@AnnaBreteau @LePoint ... Alors qu'elles sont inconditionnellement liées, toute analyse qui ignorerait l'une de ces trois identités sera soupçonnée de reproduire des discriminations. C'est la principale accusation portée aux féministes universalistes : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... en ne fondant leur combat que sur l'égalité hommes-femmes, sans distinction d'origine, « elles reproduisent des formes d'oppression racistes et classistes au sein de leurs mouvements », avance une enseignante."
@AnnaBreteau @LePoint "Le concept d'intersectionnalité enferme des groupes entiers dans des identités figées. Certains professeurs le reconnaissent volontiers. Femme, noir, queer, hétéro, pauvre, etc. « Qu'est-ce que l'identité intersectionnelle ? » s'interroge une enseignante, constatant que...
@AnnaBreteau @LePoint ... cette multiplication de statuts peut se décliner à l'infini. Et de mettre en garde contre un « marquage des identités »… en écriture inclusive. Elle conclut pourtant : « Mais, quand chacun et chacune s'énonce selon son identité, cela ouvre des possibilités politiques. »"
@AnnaBreteau @LePoint "L'utilisation du concept d'intersectionnalité par les féministes blanches est ainsi largement critiquée par les tenants des cultural studies. Ainsi de la sociologue Sirma Bilge, longuement décrite par la même enseignante : ...
@AnnaBreteau @LePoint ... « C'est un terme qui venait des marges [...], mais, maintenant, même les personnes dominantes s'en emparent. Sirma Bilge fait une grande critique de cette réappropriation des féministes institutionnelles et européennes »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Elle ajoute : « Il y a là une blanchisation du concept d'intersectionnalité. » À chacun sa langue, et les moutons seront bien gardés."
@AnnaBreteau @LePoint "C'est lorsque les violences conjugales ont lieu au sein de familles « racisées » que l'analyse dérive le plus. bell hooks est ainsi paraphrasée en cours : « Pour elle, il faut laver son linge sale en famille, pour que les hommes et les femmes noirs puissent...
@AnnaBreteau @LePoint ... discuter ensemble du sexisme, sans le laisser instrumentalisé par les Blancs. » L'écrivaine accuse en effet certaines intellectuelles noires d'avoir « joué le jeu de la suprématie blanche en disqualifiant les masculinités noires à travers ces récits de violences »."
@AnnaBreteau @LePoint "Pour Kimberle Crenshaw, considérée comme la créatrice du concept d'intersectionnalité, « mettre en lumière ces violences, c'est, d'une certaine manière, castrer à nouveau les hommes noirs », entend-on en cours...
@AnnaBreteau @LePoint ... « C'est un fait ! » abonde une maîtresse de conférences, avant de justifier le silence sur ces violences par « la nécessaire recomposition de la masculinité noire »."
@AnnaBreteau @LePoint "En cette fin de journée, dans la salle assombrie par l'hiver naissant, le débat s'engage. Un étudiant s'étonne d'un passage lu dans le corpus de textes (bell hooks, Audre Lorde, Kimberle Crenshaw, Patricia Hill Collins…) imposé par une enseignante...
@AnnaBreteau @LePoint ... « Il disait que si les hommes noirs violent leurs femmes, c'est à cause des Blancs et de l'esclavage. Comme si le viol n'existait pas avant l'esclavage. » Notre oratrice répond sans tiquer : « C'est une théorie qui peut tout à fait être soutenue...
@AnnaBreteau @LePoint ... Cette critique tend à dire : qu'est-ce qu'il y a à disposition, après l'esclavage ? » Elle poursuit : « Sortir d'une forme de domination raciale implique parfois d'adopter les codes de la masculinité blanche et du groupe blanc. » Entendre : le viol est un crime blanc...
@AnnaBreteau @LePoint ... L'étudiant réfractaire ne semble pas convaincu. Son enseignante conclut tout de même : « Si les violences raciales n'avaient pas eu lieu, peut-être que les rapports de genre au sein de la communauté noire auraient été différents. »"
@AnnaBreteau @LePoint "« C'était bien, votre devoir, je vous ai mis une très bonne note. » À l'issue de ce semestre en Master de cultural studies, et alors que les dossiers à rendre se multiplient...
@AnnaBreteau @LePoint ..., nous avons tenté de voir jusqu'où pouvaient aller les théories les plus fumeuses… à travers un canular universitaire. Dans le cours intitulé « Genre et médias », un devoir d'une dizaine de pages est réclamé. Le sujet est libre : il peut concerner un phénomène médiatique...
@AnnaBreteau @LePoint ..., une œuvre, une série… pourvu qu'il utilise le concept d'intersectionnalité. Nous avons choisi de travailler sur le thème suivant : « Affaires Yann Moix et Dieudonné : l'illustration d'une hégémonie blanche dans les médias »...
@AnnaBreteau @LePoint ... Une étude comparative qui servira surtout à réhabiliter Dieudonné, que l'on fera passer pour la victime d'un traitement médiatique injuste. En ce début d'année, les résultats tombent : 16/20."
@AnnaBreteau @LePoint "Nous nous sommes engagés dans une thèse pour le moins houleuse : et si l'antisémitisme de Dieudonné n'était qu'une forme de résistance à la domination blanche dans la sphère publique ?"
@AnnaBreteau @LePoint "Par une série de syllogismes plus ou moins grossiers, notre raisonnement se construit ainsi : les propos antisémites sont fermement exclus de la sphère publique, majoritairement blanche, bourgeoise et masculine. Dieudonné tient des propos antisémites...
@AnnaBreteau @LePoint ... Donc Dieudonné fait œuvre de résistance à la domination blanche dans la sphère publique. En poursuivant ce raisonnement, nous arrivons aisément à faire de l'humoriste un militant antiraciste : « Accusant le racisme structurel des champs politiques et médiatiques...
@AnnaBreteau @LePoint ..., l'humoriste semble vouloir repousser et transformer les cadres du débat public, l'interdit et l'autorisé […]. Le discours antisémite (de Dieudonné) vidé de sa signification […] fonctionne comme un espace de résistance et de confrontation à la sphère dominante...
@AnnaBreteau @LePoint ... marquée par une composante blanche, masculine et bourgeoise. »Habillée de jolis mots, et des concepts propres à ce courant, la théorie est largement acceptée. Comme le commente la sociologue en charge de la correction : « C'était très bien, j'ai trouvé ça convaincant. »"
@AnnaBreteau @LePoint End thread
