Thread by @Hazukashi1

Tous ceux qui sont sur Twitter ont des prédispositions.

C'est Twitter qui vous appelle. C'est Twitter qui vous choisit.

Et seuls les Elus répondent à son appel, puis se dépouillent de leur santé mentale désormais superflue, pour accomplir leur Destin.

https://twitter.com/Paulo_Douard/status/1272584924030275587

Twitter, par sa surcharge permanente d'informations extrêmes et contradictoires, couplée à une connexion directe à un inconscient collectif hystérique et amoral, permet de tuer son Ego, et d'atteindre un autre forme de conscience.

Lorsque Twitter décidé d'intégrer votre psyché à son Réseau, il élague naturellement votre personnalité, pour n'en garder que ses aspects les plus douloureux et amoraux : les plus vrais.

Votre individualité se dissout pour rejoindre le coeur des hurlements collectifs...

Toute relation sociale online est par définition abusive. Prendre Twitter au sérieux, c'est immédiatement devenir la proie d'énergies psychiques collectives et abstraites.

Votre personnalité numérique devient un egrégore de violence symbolique qui vous dépasse, et que vous reprenez en bloc lorsque vous vous déconnectez, si vous avez le malheur d'associer votre compte à votre Moi IRL.

Ceux qui affichent leur véritable identité sont les plus vulnérables : ils ne font presque jamais la différence entre leur Moi IRL et leur Moi numérique.

Ils deviennent esclaves des trolls et du manque d'attention. Ils postent des selfies, sortent des hot takes en panique, cherchent à tout prix à attirer les trolls pour s'en plaindre, prisonniers d'un Syndrome de Stockholm généralisé...

Tout ça entraîne un processus d'auto-abus accéléré et amplifié sans équivalent dans la vie réelle, comme vivre 100 fois de suite et en quelques semaines le bolossage quotidien de vos années collège.

Votre Moi numérique, même s'il a votre nom et votre photo, n'est pas vous. C'est une identité fictive, un golem, que vous balancez tout nu dans l'arène, où il est soumis à un abus psychique intense, et que vous ré-internalisez par la suite.

Quand je parle d'abus psychique, je parle évidemment des insultes, menaces, moqueries, etc. mais également des likes, des RT, et du soutien : rien de plus toxique/déstabilisant pour la psyché que de recevoir une validation massive et abstraite par des entités anonymes.

C'est in fine du vampirisme émotionnel. Toute socialisation online publique, hors messages privés, est fondamentalement toxique. Une boucle de rétroaction de chantage émotionnel, d'addiction à la dopamine et de masochisme. Les réseaux sociaux sont conçus comme des machines à sou.

Toute interaction online n'est QUE du jeu de rôle. Une performance d'acteur. Personne n'est dépressif, anxieux, en larmes, etc. Personne ne crie en postant "j'ai hurlé" ou ne rit en lâchant un "mdrrr".

Il n'y a que de la manipulation dans le but d'obtenir de l'attention.

"Mais alors Jamie, comment utiliser correctement les réseaux sociaux dans ces conditions ?"

"Et bien c’est simple : dissociation et légèreté."

Ci-dessous, la Grande Charte Universelle de la Bonne Utilisation du Web 2.0 :

1. Dissociation

Mark Zuckerberg a dit en 2010 : "la vie privée n'est plus une norme sociale".

Votre vie privée fait partie du passé, mais vous pouvez encore éviter les ban et le doxxing :

Compartimentez, dissociez, cloisonnez votre existence numérique. Multipliez les comptes, mails, VPN, etc.

Transformez-vous en blockchain : décomposez-vous en un myriade de petites entités différentes et le plus possible anonymisées.

Un bon navire contient plusieurs compartiments étanches : ainsi, lorsqu'une partie est envahie par l'eau, les autres ne sont pas touchées. Si un compte saute, ce n'est pas grave. Une fourmi parmi la fourmilière.

Mieux encore : décomposez votre personnalité? Ne considérez pas que vous avez une "ligne éditoriale" : RIEN ne vous oblige à être constant ou sincère. Vous ne l'êtes de toute façon pas IRL.

La meilleure tactique pour survivre sur le web : devenir schizophrène.

Inventez, désinformez, multipliez les avis contradictoires, chaotiques et irrationnels. Vous êtes multiple et collectif.

Vous êtes une jeune fille trans de 18 ans, un chef d'entreprise picard de 47 ans, vous êtez Rokhaya Diallo, Raph Enthoven et Damien Rieu, en même temps.

(Les 3 personnes ci-dessus sont d'ailleurs symptomatiques de l'aliénation qu'entraîne une vie publique sur Twitter. Les seules récompenses pour leurs efforts : haine, menaces, moqueries, et la simplification de leurs personnalités jusqu'à devenir des caricatures d'eux-mêmes.)

TOUTE information sur votre vie privée (date de naissance, université, etc.) que vous pourrez afficher n'a in fine qu'une utilité : se retourner contre vous, pour vous doxxer/vous faire chanter.

Vous rendre vous-même vulnérable ne soignera pas votre solitude.

Changez d'idées comme de chemise. Soyez souple et fluide. Question d'hygiène.

Contemplez l'état physique et mental d'un vieux militant politique (personnes les plus obtues et dogmatiques qui soient), qui n'a pas changé d'idées depuis 40 ans. C'est un spectacle insoutenable.

2. La légèreté

Internet est depuis trop longtemps envahi de normies au ton grave, indignés de tout, qui parlent foot, rap et maquillage, et qui ont de surcroît le mauvais goût de poster des photos d'eux-mêmes, prises par eux-mêmes.

Cela doit cesser.

Internet est un projet militaire américain développé dans deux buts : rire et apprendre des trucs. Le lol et le fun fact. Tout le reste hors-sujet.

Pour bien utiliser un réseau social, il est donc indispensable de n'être jamais sérieux, toujours léger, et d'ignorer complètement l'aspect "réseau" et l'aspect "social".

Ne soyez pas comme tous ces narcissiques qui s’investissent maladivement dans leur e-reputation.

Internet est un lieu undeground. Un truc de freaks, de marginaux, de gens bizarres qui traînent sur des forums obscurs. Un endroit anarchique et dangereux, une frontière éternelle.

C'est le foyer de Mr. Robot et Morpheus, pas de Squeezie ou Jacques Toubon.

Internet, c'est l'endroit où en quelques clics, vous avez l'impression d'être Indiana Jones, d'explorer des endroits étranges et interdits, de découvrir des communautés secrètes et sans doute sectaires.

Où vous dépoussiérez un blog vieux de 8 ans, et plus mis à jour, dont l'auteur s'est peut-être suicidé.

Où vous tombez sur un forum de gens persuadés que Saturne était notre Soleil originel, que toute la mythologie et les peintures rupestres le prouvent...

Le lieu qui ressemble le plus à l'internet originel est 4chan.

Un zone sortie de New-York 1997, où l'on croise des gens qui se déguisent en licorne pour se masturber, des moddeurs, des nazis, des body-builders, des schizos, des auteurs de fanfictions Harry Potter BDSM/gay...

La devise d'Internet devrait être la même que celle de Portland, Oregon :

KEEP IT WEIRD.

Pour cette raison, vous avez le devoir de rester léger. Tout jeu social ici est pour de rire, sauf lorsqu'il s'agit d'apprendre des choses.

Je vous conseille donc de faire l'inverse des sociaux-obsessionnels :

Ne prêtez aucune attention aux réputations, au amitiés, aux cercles, aux dramas, aux réputations. Ignorez entièrement tout le jeu politique de Twitter, ce n'est que du théâtre.

Soyez neutre : seule compte la qualité du contenu, et son potentiel de lol.

Ne soyez pas rancunier. Vous vous clashez avec un compte le lundi ? Mardi, traitez-le comme si de rien n'était. Chaque interaction numérique devrait être oubliée à l'instant même où l'on ferme l'application.

Restez légers, ce n'est pas grave si vos interlocuteurs refusent de l'être. Il n'y AUCUNE raison d'être vexé sur Twitter, et aucune raison d'être gêné si d'autres se vexent : leurs "sentiments" sont un problème, n'hésitez pas à endurcir leur tolérance au trolling.

Votre parole est reine, libre et souveraine : vous ne devriez jamais avoir à vous censurer par crainte de conséquences sociales. Les mots n'ont que le sens qu'on veut bien leur prêter, et n'ont aucune espèce d'intérêt.

Si vous vous autocensurez par peur d'entacher votre réputation ou de heurter les "sentiments" de quelqu'un, vous ne faites que vous troller vous-même.

Internet est fait pour être fun. Au fond, rien de tout ça n'a d'importance.

Le European Journalism Center vient de publier un guide pour "enquêter sur les réseaux sociaux".

C'est involontairement un manuel de survie anti-doxxing pour tous les anonymes.

datajournalism.com/read/handbook/…