La Nation est un mot qui pose question. Je le comprends car je ne l’ai pas reçu en héritage et j’appartiens à une génération pour laquelle il est un mot chargé négativement. Je sais bien ce qu’il charrie.
J’ai toutefois décidé de le questionner pour @RevueGerminal
Explications.
1. J’essaie de comprendre d’abord pourquoi ce mot est tant rejeté.
J’y vois 2 raisons principales. D’une part, il est lesté des horreurs du XXe s : les 2 guerres mondiales, le colonialisme, le fascisme, la Shoah. Il est perçu comme le premier domino qui entraîne les autres dans
une réaction en chaîne funeste. Il faudrait dc veiller à ne jamais le remettre debout
D’autre part, l’extrême-drte, qui traditionnellement mobilisait plutôt la monarchie & le catholicisme, use désormais du vocable depuis que la gauche l’a abandonné, créant ainsi un cercle vicieux
2. Le 2e point est qu’il faut rappeler que la Nation est une construction philosophique et politique « de gauche » (si on se place sur l’échiquier de la Révolution française).
De 1789 jusqu’à la première partie de la IIIe République, la Nation sert ainsi à contester
l’ordre holiste d’Ancien Régime qui tenait structurellement par le « corps mystique du roi » et le « ciment » de la religion (de religare, relier).
La Nation permet de faire corps en s’abstrayant de la logique monarchique, ethnique et religieuse. Elle crée une attraction
fondée sur des principes (il existe une « chose publique »), une volonté de vivre ensemble et une loi commune.
« Qu’est-ce qu’une Nation? » définit Sieyès : « Un corps d’associé vivant sous une loi commune et une même législature » (Qu’est-ce que le Tiers État?, 1789)
3. La définition française de la Nation - sur le papier - est donc ce qui suscitera une admiration des philosophes du monde entier car elle est non-ethnique, anti-raciste, démocratique et permet d’épouser l’évolution « en mouvement » de la société.
On peut donc imaginer la réactiver sur ces fondements et à partir d’une affirmation forte : il faut penser la Nation contre le nationalisme.
C’est-à-dire contre sa corruption impérialiste, militariste, ethniciste et antidémocratique.
4. Pourquoi enfin ce nécessaire questionnement de la Nation selon moi ?
D’abord parce que je partage une conception de l’Homme héritée d’Aristote, Spinoza et Marx selon laquelle l’Homme est un « être social ». Il doit de ce fait vivre avec ses semblables, c’est sa condition.
Il serait peut-être bon à ce titre de renverser la charge de la preuve et de demander aux antirépublicains et antimarxistes comment ils comptent organiser cette « condition sociale » en dehors des notions de Nation/République/Classe ?
Le bien-né, le riche ou celui économiquement favorisé peut ne pas se poser cette question. Son amplitude financière lui permet de se mouvoir au-dessus de l’écume des Hommes.
Mais quid de l’indigent, du modeste, de celui obligé d’être dans l’espace contiguë du monde?
A celui là, il lui faut un principe d’organisation pour ne pas être noyé (République) ou pour combattre l’exploitation (la Classe).
Il lui faut une entité collective qui pousse à dépasser le pur intérêt individuel pour tendre vers un intérêt commun.
Pour les révolutionnaires français, le moyen de ce dépassement de l’individu au profit d’un bien commun, c’est la Nation.
Dans cette perspective, la Nation se pose comme la condition sine qua non de la démocratie, au sens étymologique.
Il y a démocratie, on le sait, lorsque le peuple se donne sa propre loi.
Pour être sûr que cette loi soit bonne et juste elle doit viser « le bien commun » (Aristote), le « contrat social »(Rousseau) ou l’émancipation de tous (Marx).
Il y a donc nécessité à trouver un point d’abstraction permettant de sortir l’individu de son individualité pour toucher/nourrir le commun et le collectif.
En un mot et je pose la question : pour combattre l’individualisme/l’atomisation et susciter l’idée d’intérêt général, il est obligatoire de forger une notion transindividuelle.
Dans l’Histoire cette notion a d’abord été la tribu, la Cité, l’Empire, la religion, la monarchie
Puis, après la RF, la Nation, la République, la Classe.
Aujourd’hui, la notion transindivuelle la plus féconde est le Marché.
Là est la question fondamentale de notre temps : quelle notion, hors du Marché, avons-nous à proposer pour permettre la réalisation de l’être social ?
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
des interviews passionnants de la sociologue Dominique Schnapper par @CareniniE et E. Phatthanasinh ; et de l’économiste Michel Aglietta par @hugo_bruel d’@h_gauche et @ULojkine.
10 octobre... comme le 10 octobre 1793, jour où Saint-Just prononce son discours sur « la nécessité de déclarer le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix ».
Ce discours est fondamental pour s’extirper du biais cognitif qu’implique le mot Terreur.
I. Au préalable, il convient de dire qu’il est impossible de comprendre le déroulement de la Révolution française en l’analysant avec les lunettes du présent, celles d’un temps relativement stable et de paix, et sans avoir au moins 3 données en tête :
II. 1/ En proclamant la souveraineté de la Nation contre la monarchie « usurpatrice » (Saint-Just), la Révolution déclenche un face à face entre L’Absolutisme et la Nation qui ne peut se terminer que par l’éradication de l’un ou de l’autre.
C’est un livre dont on ne sait s’il faut/si on peut le conseiller tant il est dérangeant, oppressant, et pour tout dire, terrifiant car il touche à un des points de rupture le plus fondamental de la psyché collective : le meurtre d’enfants. #VendrediLecture 1/4
L’audace incroyable de Leïla Slimani est de ne pas avoir écrit un simple récit d’horreur en sombrant dans l’histoire fantastique d’une nounou maléfique à la Stephen King ;
Mais de décrire d’abord la grande pauvreté, la spirale de l’endettement, la misère affective
2/4.
En cela, il s’agit d’un roman sociologique, glaçant, moins intéressant pour son style qui n’a rien de particulier, que pour son arrière fond « social » décrivant une nouvelle lutte des classes avec la froideur d’un rapport d’autopsie car Slimani n’émet jamais de jugement.
3/4
Commencement de la Première République de l’Histoire de France.
L’occasion de préciser quelques éléments clefs permettant de mieux comprendre ce qui s’est joué durant cette journée. #HistoiredelaRépublique
1. Contrairement à ce que l’unanimité de la célébration laisse entendre, retenir le 21 septembre 1792 comme date du commencement de la République pose question.
2. Si on veut être parfaitement précis, il faudrait mieux retenir le 22 septembre, c’est-à-dire le lendemain, lorsqu’il est décidé sur proposition de Billaud-Varenne, qu'à compter de ce jour les actes publics seront datés « de l'an I de la République ».
4 septembre... comme le 4 septembre 1870, jour de Proclamation de la IIIe République.
Profitons de cette date pour expliquer brièvement comment la naissance de la IIIe République illustre notre thèse (avec @saintvictor75) d’un républicanisme français pluriel et dialectique.
1. Ce 4 septembre 1870, le camp républicain qui avait perdu tout espoir de voir revenir la République après les résultats du plébiscite du 8 mai 1870 s’empare de l’Hotel-de-ville à la faveur de la défaite de Sedan, de l’abdication de Napoléon III et d’un soulèvement populaire.
2. Mais cette proclamation du mot, plus petit dénominateur commun des hommes sur le balcon de l’Hotel-de-Ville, ne dit rien du contenu du nouveau régime. Alors recommence, comme en 1848, l’affrontement interne au sein de la République.
Revue de presse - 3 articles : 1. Jean-Pierre Siméon au sujet du "pouvoir de la poésie" in @MarianneleMag 2. Les sociologues Pierre Bitoun et Yves Dupont qui nous parlent du "monde paysan" dans @voixdelhexagone 3. L'alternative écologique au béton par C. Granja in @Socialter
1. Auteur du beau "La poésie sauvera le monde", J.-P. Siméon livre une réflexion sur la croissance et la technè et rappelle à juste titre que la poésie "dénonce depuis ses origines "le culte de l'apparence au profit d'une réalité plus profonde et complexe" marianne.net/culture/jean-p…
2. Interviewés par @ella_micheletti, les sociologues P. Bitoun et Y. Dupont à qui on doit "Le sacrifice des paysans", dressent un panorama très intéressant de la "situation du monde agricole" notamment au regard de la préoccupation de la souffrance animale voixdelhexagone.com/2020/08/10/nen…