Ce rapport montre un incroyable écosystème qui dépasse largement celui de la seule désinformation.
Il ne s'agit pas que de "fausses nouvelles" ni de "faux émetteurs" mais d'une longue et complète opération d'influence impliquant une nébuleuse de médias, d'ONG, de think tanks...
et même de personnes, dont plusieurs étaient morts et ont été ressuscités pour servir une légende.
C'est sans doute l'aspect le plus choquant de cette opération que ces impersonations de personnes décédées ou d'organismes fermés.
On perçoit aussi un nouveau type de "média de désinformation".
On connaissait les média d'État, comme RT ou Sputnik, inféodés au Kremlin, ou CGTN et Xinhua, rattachés au parti unique chinois.
Dans la sphère privée, on connaissait les myriades de sites de "réinformation".
Ici, nous découvrons une agence de presse écrite et vidéo, ANI, qui est un média historique, parmi les plus gros d'Inde.
Ce n'est pas un média d'État ni de façon assumée le média d'un parti, mais il a été utilisée pour "blanchir" et amplifier des contenus de désinformation.
Si le rapport est assez embarrassant pour l'Union européenne, il l'est surtout pour les agences et organes de l'ONU, qui se révèlent un terrain extrêmement permissif pour des opérations d'influence pourtant peu subtiles.
Il serait intéressant de reprendre des conférences récentes et de passer au crible la liste des participants: combien d'affiliations bidon parmi les organismes dont se prévalent le public, voire même certains panélistes?
Certes, ce n'est pas dans ces événements que se prennent les décisions, mais ils contribuent à la circulation d'idées et à la consolidation de doctrines.
Il apparaît ensuite que l'Inde a été un acteur totalement négligé dans l'étude des opérations d'influence.
Le rapport #CAPS@IRSEM1 sur les manipulations de l'information détaille longuement celles de la Russie, de la Chine, des États du Moyen-Orient et même de l'Amérique latine
mais ne consacre que quelques lignes à l'Inde, où il considère que ces opérations sont moins problématiques parce que "endogènes".
De fait, c'est sans doute la particularité de cette opération: elle a allègrement profité de la vulnérabilité de structures multilatérales,
européennes ou onusiennes, pour en faire des acteurs involontaire de désinformation.
L'UE ou l'ONU n'étaient pas autant des cibles de cette opération, qui visait surtout un public national ou régional, qu'utilisées par elle comme caisses de résonance pratiques.
Par ailleurs, là où beaucoup de chercheurs en désinformation se concentrent sur les narratifs ou sur le big data (lots de comptes supprimés…), cette étude montre la pertinence de l'enquête technique en source ouverte (traces d'adresses mails, données d'enregistrement de sites…)
ainsi que l'importance de regarder les événements "offline" pour repérer de telles opérations.
Les outils de veille et cartographie des réseaux sociaux ne feront pas tout le job pour vous!
L'un des points les plus dommageables que révèle ce rapport est sans doute le discrédit jeté sur les ONG et leur rôle dans les instances multilatérales.
Srivastava Group a (re)créé une nébuleuse de fausses ONG aux objets parfaitement nobles: promotion de la paix, environnement...
C'était un beau coup de ressusciter une organisation, le World Environment and Resources Council, qui a cessé toute activité il y a 20 ans mais que les Nations unies avaient oublié de radier de leur liste d'ONG accréditées.
Dans la foulée, un site internet est recréé à son nom, et l'activité reprend, avec comme principal objet de bloquer la construction d'un barrage au Pakistan, derrière de prétendues considérations environnementales!
"On n’a pas écouté les médecins de terrain qui alertaient dès juillet. Quand nous disions: il y a des malades en ville, ils nous disaient il n’y a pas d’hospitalisation. Quand il y a eu des hospitalisations, ils ont dit il n’y a pas de réanimation.[...]
Quand il y a eu des réanimations ils ont dit il n’y a pas de morts. Quand il y a eu des morts ils ont dit les hôpitaux ne sont pas submergés. Et quand les hôpitaux ont été submergés ils ont dit les malades meurent d’autres choses que du Covid.[...]
Et vous savez quelle est la constante de ceux qui disaient cela ? Ce sont des médecins qui ne touchent pas les malades, et que la maladie ne touche pas. Ce sont de prétendus experts qui voient les malades en courbes et en statistiques.[...]
Après une pause salutaire suivant l'horrible attentat de Conflans, je reviens ici mais avec une conviction désormais solide: Twitter est dangereux.
Twitter vous donne l'impression d'être un espace d'expression, c'est surtout un chaudron de radicalisation.
Twitter se fait passer pour l'agora de la démocratie athénienne, c'est surtout une chambre d'écho pour les égouts de la pensée, où dominent structurellement les plus provocatrices et les plus extrémistes -et dans le domaine scientifique, les thèses les plus farfelues.
Twitter vous met en danger personnellement.
Si vous vous y faites harceler ou même menacer de mort, Twitter fera son possible pour entraver le travail de la Justice - j'en ai fait l'amère expérience.
Je ne parle pas de nonchalance mais bien d'entrave active.
Les amis @NicolasQuenel, @antoinehasday et @Paugog publient un article très fort dans @nextinpact.
Ils ont levé un lièvre avec Observateur continental, un petit site de "réinformation" lancé l'an dernier... dont vous n'avez sans doute jamais entendu parler. #thread#fil
Vous pouvez lire l'article ici (oui, je sais, il faut être abonné ou s'abonner. La presse est *aussi* une activité économique). nextinpact.com/news/109064-le…
Cet article reprend une investigation réalisée par les copains de @DisinfoEU, que je vous invite fort à lire également.
Le rapport est ici (toute la partie technique sur l'attribution y est beaucoup plus développée que dans l'article) ⤵️ disinfo.eu/wp-content/upl…
Pour vous éviter de tweeter n’importe quoi sur les attentats au #SriLanka, je vous traduis ci-dessous ce thread d’@AmarAmarasingam.
Pro tip: il est à la fois une sommité de la recherche en terrorisme ET un excellent connaisseur du pays.
Commençons par ici: le Sri Lanka est extrêmement complexe sur le plan ethno-religieux et beaucoup de médias sont susceptibles de se tromper.
Sur les 20 à 22 millions d'habitants du Sri Lanka, les Cinghalais constituent le groupe ethnique majoritaire, avec 74 %. Ils sont majoritairement bouddhistes et parlent le cinghalais.
▶️ Il me semble important de faire un point sur la vague de harcèlement et de menaces de mort qui m’a visé au début du mois.
Son ampleur était colossale comme le montre ce graphique: de 200 mentions le 30 janvier, on passe à 6-7.000 les 1er et 2 février. L’immense majorité des tweets ces deux jours participent au harcèlement.
Le second pic du 5 février correspond principalement aux tweets de soutien.
J’ai requis l’assistance de prestataires en sécurité informatique qui ont procédé à l’extraction de plus de 20.000 tweets, qui soit me mentionnaient, soit répondaient aux principaux messages me désignant, même sans mention de mon nom, ou des RT avec commentaire de ces tweets.