La sortie du rapport commun @rte_france / @ademe sur le chauffage des bâtiments est une nouvelle occasion de briser quelques idées. Le bâtiment représente 20% de nos émissions de CO2 alors accordons sur les faits avant de regarder ce qui est préconisé #Thread ⤵️⤵️
Pour commencer, chauffer à l'électricité est une exception française, mais l'énergie dominante pour se chauffer est le gaz (en France comme en Allemagne d'ailleurs). Notons aussi qu'il reste des millions de logements, souvent précaires, chauffés au fioul
Dans le match électricité VS gaz, notons qu'aujourd'hui le gaz est à 99,9% d'origine fossile et émetteur de CO2. Pour l'électricité, la moitié des moyens de chauffage utilisés sont des convecteurs électriques peu efficaces
La méthodologie de calcul de CO2 par l'@ademe nous dit que chauffer à l'électricité en 🇫🇷 est un bénéfice pour le climat compte tenu de la faible teneur en CO2 de l'usage. Toutefois, cela provoque un appel d'électricité supplémentaire en hiver qui peut être problématique...
En hiver, même avec des températures normales, le chauffage électrique fait apparaître un bandeau saisonnier de 20 GW c'est loin d'être négligeable (pour info, le trou de puissance en décembre est Noël qui est un creux de consommation)
Sur cette "pointe" électrique, ôtons un malentendu : c'est un "bandeau" de consommation supplémentaire, pas juste un ajout sur la pointe électrique de 19h qui est plutôt aux usages éclairage/cuisson. La production en base est bien pertinente alliée au chauffage électrique
Notons toutefois que le chauffage électrique induit une "thermosensibilité" : 1°C en moins, c'est 2,4 GW de conso électrique en plus. Cela fragilise donc le réseau. Un besoin de flexibilité de la consommation permettrait de corriger cette fragilité : on y reviendra dans le thread
Au final, le chauffage représente environ 50 TWh de consommation électrique, soit moins de 10% de la consommation électrique française. Comme pour le véhicule électrique à l'avenir, le sujet sera plus de gérer l'appel en puissance avec de la flexibilité
Regardons maintenant le résultat de l'étude. Il est simple : pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, il faut jouer sur TOUS les leviers : l'efficacité, l'électrification, le biogaz et la chaleur renouvelable. Tous les leviers sont pertinents
Des tests de sensibilité ont été faits : en cas d'échec de mobilisation d'un des leviers, les objectifs de neutralité carbone ne sont pas atteints. Donc oui, il faut électrifier mais le faire efficacement et en isolant les logements. Isoler seul ne suffit pas non plus.
Notons que ces scénarios, une variante a été faite pour le neuf suivant qu'on électrifie un peu plus ou non. L'impact est très limité car au rythme de construction et vu le parc ancien, c'est sur l'ancien que tout se joue. Le neuf, même à horizon 2050, a un impact limité
"Electrifier, mais la pointe?". Oui, il faut électrifier efficacement ET isoler pr diminuer la pointe électrique. Ne faire que l'un ou l'autre augmente la pointe en hiver. Chauffer efficacement sans rénover a toutefois un impact limité sur la pointe et positif sur l'énergie
A la fin, si nous arrivons à jouer sur tous les leviers, les objectifs de la SNBC sont bien atteints : 28tCO2 sont économisés par an d'ici 2035 (contre 53 tCO2 ad'hui). Il restera encore un peu de travail car...
...car à horizon 2035, même si les objectifs sont atteints, il restera toujours du fossile dans le chauffage qui sera loin d'être tout électrique ou 100% EnR. Le travail continuera donc, avec tous les vecteurs énergétiques
Au passage, notons que comme mode de chauffage décarboné, les réseaux de chaleur auront grandement un rôle à jouer aussi à l'avenir car ils se sont rapidement déjà décarbonés et cela continue. Reste à faire les raccordements...
Dans toute cette décarbonation, il faut tout de même se poser la question de l'efficience : cela nous revient à combien d'économiser tout ce CO2? C'est là où le rapport est inquiétant. En tenant compte de l'effet rebond, le coût de la tonne de CO2 évitée serait de... 430 €/tCO2!
430 €/tCO2, c'est plus de 10 fois la valeur de marché actuelle. A noter pour ceux qui critiquaient le coût de l'éolien et du solaire en France en disant préférer l'isolation ou les PAC... et bien, on est bien au-dessus ici en coût de la tonne de CO2 évitée
"Et alors, si on cible les passoires énergétiques?". Ce serait une bonne chose car cela divise d'un tiers le coût de la tonne de CO2 évitée. Le coût est toutefois toujours significatif. A 100€/tCO2 sans effet rebond, ce serait intéressant... mais comment le maîtriser?
Comme dit dans un précédent tweet, électrifier, c'est bien et peu cher, mais ce n'est pas suffisant, d'autant que cela fait augmenter la pointe. C'est toutefois plus simple et efficient que d'isoler... mais attention aux hausses de factures des ménages dans ces cas !
Au passage, vous noterez qu'isoler les bâtiments en France fait économiser plus de CO2 chez nos voisins qu'en France. C'est dû au fait que, du coup, nous exporterions plus d'électricité décarbonée en effaçant de la production fossile chez nos voisins
Plusieurs conclusions à tout cela : 1) L'électricité est un bon vecteur de décarbonation, d'autant plus qu'il est économique. Mieux vaut privilégier les PAC que les convecteurs électriques pour éviter les pointes 2) Cela ne suffira pas pour atteindre la neutralité carbone
3) La flexibilité est une option sans regret pour rendre notre réseau plus résilient vu les bandeaux de puissance qu'occasionnent les chauffages électriques 4) Les autres vecteurs de chauffage, biogaz et réseaux de chaleur, doivent poursuivre leur décarbonation pr être mobilisés
5) Le plus important : nous n'arriverons pas à atteindre les objectifs de neutralité carbone sans isoler efficacement les bâtiments anciens. C'est d'ailleurs nécessaire pour maîtriser les pointes saisonnières de consommation. Problème : isoler, c'est cher et c'est contraignant
Quand je dis que "c'est cher", les scénarios nous montrent que nous serons à plusieurs centaines d'euros par tonne de CO2 évitée, même en ciblant les passoires thermiques. De quoi réfléchir à la ridicule valeur de marché du carbone et à ce que coûte l'éolien et le solaire
Car oui au passage, je rappelle que, même en France, l'éolien et le solaire permettent d'économiser 5tCO2 en France et 17tCO2 en France, ce qui est non négligeable comparé à ce que nous pourrions gagné dans le bâtiment et en coût de CO2 évité
Quand je dis que c'est contraignant, c'est qu'en plus d'être cher, isoler est compliqué. Quand vous êtes propriétaire non occupant, il y a peu d'intérêt à isoler. Quand vous êtes locataire, c'est beaucoup d'investissement à faire qui n'iront pas dans votre poche
Même bien subventionnés, les travaux d'isolation sont peu réalisés. Il est peut-être temps de faire jouer la réglementation : pas de location de passoires, malus à la revente d'un logement mal isolé, taxe foncière en fonction de la performance énergétique etc...
Voilà donc pour ce thread qui achève mes lectures de "la trilogie des usages" : véhicule électrique, hydrogène et chauffage
Pour mes autres thread sur le sujet :
Pour l'hydrogène :
Merci à @rte_france et @ademe pour ces rapports complets et transparents. Merci à tous ceux qui lisent ces threads et me font des retours. A bientôt, peut-être pour les scénarios EPR et EnR? Ou avant?
Du coup, la recommandation du @hc_climat n’est pas tant un moratoire qu’une maîtrise des émissions de CO2 importées via les fournisseurs. Une norme en vue? Un ajustement carbone aux frontières? Lutte contre l’obsolescence programmée? À débattre !
Grève d'EDF, "démantèlement d'EDF" par ordonnance, construction de nouveaux EPR et questions qui restent en suspens comme ici à l'Assemblée... Je vous propose un fil pour tenter de comprendre le projet #Hercule et voir ensemble pourquoi ce projet est sur la table #Thread ⤵️⤵️
On commence sur l'origine : le parc #nucléaire français. Il a été financé via un endettement d'EDF, en monopole, et un tarif réglementé pour assurer la couverture des coûts. Visibilité long terme, coût du capital faible, monopole : tout était parfait pour faire ce choix politique
Le résultat est une réussite du programme nucléaire : une électricité bon marché assurant la protection des ménages, un avantage comparatif pour les industries électro-intensive et une des électricités les plus décarbonnées au monde
Pour Greenpeace, c'est grave quand ils n'arrivent à avoir des documents sur le nucléaire et quand ils n'y arrivent pas, ce n'est pas démocratique. Comme avec les complotos : pile je gagne, face tu perds
On ne sait toujours pas à quel type de documents Greenpeace a eu accès : il faut se fier à leur bonne parole. Comme lorsqu'ils avaient alerté il y a 3 ans sur l'état des centrales nucléaires en refusant de publier les données. Un manque de transparence? huffingtonpost.fr/2017/10/10/ce-…
A votre avis, quelle est la meilleure cible terroriste entre un site protégé en rase campagne ou un supermarché en centre-ville? Cessons de jouer des peurs. Le seul attentat contre le nucléaire a été fait par un militant anti-nucléaire (sans conséquence)
La déclaration de la ministre sur des possibles « coupures d’électricité » a fait bcp réagir pour cet hiver.
Et vous savez quoi? Bien qu’elles ne soient pas dramatiques, les tensions sur les réseaux pourraient être encore plus rudes pour les prochains hivers. Petit #Thread
Voici le graphique des marges sur le réseau pour les prochains hivers. Il date de 2019 (donc avant le COVID). On savait déjà que l’hiver 2020 serait sans marge et que les prochains pourraient être plus tendus. On va retenir notre souffle quelques années. Alors la faute à qui?
Outre la fermeture politique de Fessenheim, il faut noter que la capacité de production fossile a chuté de plus de 10 GW. C’est bon pour le climat dans le cas du fossile, mais cela enlève quelques marges sur le réseau
Je vois cet article circuler alors qu'il est truffé de bêtises et d'inepties. Je propose un thread debunk rapide pour dire pourquoi ces "calculs" amenant à la compétitivité d'un EPR à 19 Md€ face aux EnR sont bidons 🔽🔽 contrepoints.org/2020/07/25/376…
1ère bêtise : les frais de raccordement réseaux de l'éolien terrestre et du solaire sont à la charge de l'exploitant, pas du réseau. Il n'y a que pour l'éolien offshore que ce n'est pas le cas mais vu les hypothèses, ce n'est pas ça qu'il est question ici
1er calcul bidon : regarder uniquement les coûts de construction, comme si l'EPR (comme une éolienne d'ailleurs) allait tourner tout seul pdt 60 ans. Si on veut comparer des coûts d'électricité, il faut prendre les coûts de construction ET d'exploitation pendant la durée de vie
La @Courdescomptes côtés pile et face : "les EnR coûtent cher" et "l'EPR fait face à une énorme dérive de coûts". Pour garder une électricité sans CO2 avec un parc nucléaire qui ne sera pas éternel, il va falloir faire un choix politique à un moment [miniThread]
Dans les ENR, il faut faire attention quand on regarde les coûts passés/futurs. Ce qui coûte cher, ce sont les contrats passés avant 2011 et les premiers parcs offshore. Les contrats s'étalent sur 20 ans donc cela peut se voir pendant un temps avant de décroître autour de 2025
Rappelons également qu'il faut toujours raisonner coût système si on veut faire des comparaisons : besoin en stockage (avec les coûts financiers et écologiques qui vont avec), de numérisation, d'adaptation du réseau etc... (image pour le stockage uniquement ici)