[THREAD] En ce 46ème anniversaire de la #loiVeil, et à l’heure où des millions de femmes n’ont toujours pas librement accès à l’#IVG, retour sur les étapes et figures marquantes de cette lutte pour le droit à l'#avortement Article complet sur @GallicaBnF🔽
gallica.bnf.fr/blog/15012021/…
Si la pratique de l’#avortement remonte à l’Antiquité, elle s’intensifie particulièrement au 19e siècle avec l’avènement de la civilisation industrielle et le développement de moyens techniques révolutionnant les usages. #IVG #LoiVeil
Cependant, accusé d'être une "atteinte au droit sacré à la vie" ou encore un "crime antipatriotique nuisant au dynamisme démographique", l’avortement fait l’objet de sévères répressions. La conquête du droit à l’#IVG est donc un véritable chemin de croix.
Bien que de nombreuses études insistent sur le rôle majeur des lois votées durant la décennie 1920 dans la condamnation des pratiques abortives, c’est en fait l’article 317 du Code pénal de 1810 qui régit l’interdiction d’interrompre volontairement une grossesse.
Ainsi, cet article du Code pénal donne un cadre légal à un acte déjà lourdement réprimé durant le Moyen Âge sous l’influence de l’Église. En effet, les interdits religieux empêchent les femmes de mettre un terme à leur grossesse, et ce même si leur vie est en danger.
Cependant, des voix commencent à se faire entendre dans les années 1840 en faveur de l’avortement en cas de danger pour la vie de la mère. En 1852, après plusieurs années de débats, l’Académie reconnaît enfin le droit à l’IVG thérapeutique.
Mais qu’en est-il alors de l’avortement pour le seul motif que la grossesse n’était pas désirée ?
À la fin du 19e siècle, l’avortement devient une question politico-sociale de premier plan. Soutenues par les néo-malthusiens convaincus de la nécessité de limiter les naissances, les thèses en faveur de l’IVG se développent dans la presse et la littérature.
Le 26.12.1910, dans un édito particulièrement véhément paru à la Une du Matin, plusieurs sommités médicales, préoccupées par la dépopulation qui menace la France, condamnent fermement l’avortement qu’ils jugent responsable de « la démoralisation publique ».
Dans ces conditions, le dernier recours qui s’offre aux femmes souhaitant interrompre leur grossesse sans raison médicale est d’agir en dehors du cadre légal.
La presse féminine foisonne de publicités vantant les propriétés de médicaments censés régler « les retards et suppressions des époques ». « Les perles magiques » ou autres pilules et potions abortives garantissent ainsi ce que la loi interdit : une IVG indolore et rapide.
On retrouve aussi de nombreuses petites annonces de sages-femmes proposant, de manière à peine dissimulée, de pratiquer des IVG clandestines. Le journal tient donc un double discours qui traduit l’hypocrisie sournoise du corps politique et médical.
Mais toutes celles qui offrent leurs services ne sont pas médecins. En effet, l’IVG clandestine est un business florissant dont se saisissent celles que l’on appelait « faiseuses d’anges » ou « tricoteuses » (car elles perçaient la poche amniotique avec des aiguilles à tricoter)
Bien que rentable, cette activité n’est pas sans risque pour les praticiens – qui pouvaient également être des hommes -, comme le montrent les nombreux procès et condamnations dont fait part la presse.
L’un des plus spectaculaires est celui de Marie-Constance Thomas surnommée « Mort-aux-gosses » ou encore « l’avorteuse des Batignolles », condamnée en 1891 à 12 ans de travaux forcés pour avoir fait avorter près de 400 jeunes femmes, en l’espace de 10 mois
retronews.fr/justice/echo-d…
Après plusieurs durcissements des lois durant l’entre-deux-guerres, la répression se poursuit avec la promulgation du « code de la famille » en 1939, et s’accentue encore sous le gouvernement Pétain en 1940. En effet, en 1942, l’avortement peut être puni de la peine de mort.
C’est de cette peine maximale qu’écope Marie-Louise Giraud, faiseuse d’anges de Cherbourg guillotinée le 30 juillet 1943 pour avoir pratiqué 26 avortements illégaux. À part quelques articles laconique, la presse ne dira rien de cette exécution.
Si les lois de Vichy relatives à la répression de l’avortement sont abrogées dès 1944, il faudra attendre les années 1960 pour que le tabou commence à être levé, en même temps que la libéralisation de la contraception.
La parole est enfin donnée aux principales concernées qui osent désormais relater leurs douloureuses expériences. La lutte est alors en marche avec des prises de positions radicales du MLF et la publication de pétitions dans la presse dont le célèbre « Manifeste des 343 »
Ce manifeste ouvre ainsi la voie à #SimoneVeil, nommée par Giscard, qui portera le projet de loi sur la dépénalisation de l’#avortement devant l’Assemblée. Validée par le Sénat, puis approuvée par le conseil constitutionnel, la #loiVeil mettra fin à la bataille le #17janvier1975
Avant elle, plusieurs femmes, trop souvent oubliées ou méconnues, ont marqué cette lutte. En voici trois :
Séverine (1855-1929)
Première femme à diriger un grand quotidien et collaboratrice de La Fronde de Durand, elle défend le droit à l'#avortement notamment dans un article paru à la Une du Gil Blas le 4.11.1890. Pour elle : "L'avortement est un malheur, une fatalité – pas un crime"
Madeleine Pelletier (1874-1939)
Première femme médecin aliéniste, elle s’habille en homme et revendique des idées extrêmement modernes. Sa lutte pour l'#IVG lui vaudra d’être dénoncée pour avoir pratiqué des avortements. Elle sera arrêtée et internée en hôpital psychiatrique.
Nelly Roussel (1878-1922)
Figure majeure de la lutte pour le droit à la contraception et la libre maternité toutes classes sociales confondues, elle s’oppose fermement à l’article 317. C’est l’une des premières en Europe à revendiquer le droit des femmes à disposer de leur corps.
C'est en partie grâce à elles que nous, Françaises, pouvons choisir. Ce n'est pas le cas de toutes les femmes car malgré quelques victoires (Argentine, 30.12.20) beaucoup de pays, y compris en Europe, interdisent l'#IVG ou durcissent leur politique (Pologne).
La lutte continue ✊
Voici le bon lien vers l'article Gallica : gallica.bnf.fr/blog/15012021/…
Merci @ElodieJauneau et @CFroidevauxMett de m'avoir signalé le dysfonctionnement !
*laconiques

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16 Dec 20
[THREAD] Depuis hier, un nouveau #CouvreFeu national est en place. Cette mesure est loin d'être neutre et fait écho aux plus sombres heures de notre histoire (occupation, guerre d'Algérie). Retour sur cette restriction à travers la presse ancienne via @GallicaBnF
#CouvreFeu20H 🔽
En mars dernier, dans une allocution à la tonalité martiale, @EmmanuelMacron déclarait la guerre au #COVID19. Cette rhétorique militaire - qui rappelle celle employée par les médias en 1918 pendant la grippe dite "espagnole" - annonçait une restriction forte : le confinement.
Pour prendre le relais de cette assignation à domicile, c'est un couvre-feu qui a été décrété le 17 octobre dernier (une date qui évoque d'ailleurs le douloureux souvenir des événements de 1961) puis le 15 décembre, impliquant ainsi l'interdiction de se déplacer entre 20h et 6h.
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25 Nov 20
En cette journée internationale de lutte contre les #ViolencesFaitesAuxFemmes, voici le prospectus du "Courrier de l'hymen" (1791), un journal qui proposait aux femmes victimes de #violencesconjugales un espace pour témoigner anonymement. À découvrir sur @GallicaBnF
#NousToutes
Si ce titre de presse éphémère, qui est une sorte d'ancêtre de Tinder, se spécialise surtout dans la mise en relation de célibataires grâce à ses petites annonces, il démontre par sa proposition que la problématique des violences subies par les femmes n'est pas ignorée.
En 1791, les textes révolutionnaires prévoient même des peines plus lourdes en cas de "conjuguicides" et de violences commises sur les femmes mais le XIXe siècle inscrira les « dissensions conjugales » dans la sphère du privé, malgré certains efforts juridiques pour les réprimer.
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24 Nov 20
Bien lire la presse, c'est aussi savoir à qui elle appartient.
Pour cela, voici 4 outils/ressources:
1. La carte "médias français, qui possède quoi ?" (MàJ 2020) par @mdiplo où l'on peut notamment constater les dernières acquisitions de Bolloré et Arnault depuis la version 2019.
Il est également possible de consulter la base de données sur @github pour explorer en détails les liens capitalistiques qu'entretiennent les médias et leurs actionnaires github.com/mdiplo/Medias_…
cc @mdiplo
2. Ce plugin conçu par @GeoffreyDorne (graphism.fr/plugin-qui-pos…), très utile pour savoir qui est l’actionnaire majoritaire du média que nous sommes en train de consulter. Fonctionne avec Firefox et Chrome
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31 May 20
[THREAD] Les femmes et la #cigarette : symbole d’émancipation ou opération marketing ? 🚬✊
#JourneeMondialeSansTabac #feminisme Image
Au début du XXe siècle, rares sont les femmes qui fument. Globalement associées aux tâches domestiques et à la sphère du quotidien, elles sont souvent mal vues si elles adoptent des comportements masculins. Les midinettes, qui fument beaucoup, restent discrètes en public.
Dans les années 20, la « garçonne » qui rejette la vision traditionnelle de la féminité et revendique l'égalité des sexes, devient synonyme de femme émancipée. Silhouette androgyne,cheveux courts et fume-cigarette font alors partie de la panoplie de ces femmes aux mœurs libérées ImageImage
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28 May 20
[THREAD] La liberté de la presse dangereusement menacée pendant l’épidémie de #Covid19 ⚠️🔽

#FreePress #libertedelapresse #Covid_19 #Deconfinement #phase2 #Edouardphilippe Image
Depuis plusieurs mois, l'épidémie de #coronavirus met au jour et accentue considérablement les crises qui menacent le journalisme. La liberté de la presse est ébranlée, de même que la liberté d'expression et le droit à l'information, en particulier dans les régimes autoritaires.
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16 May 20
(thread) Samedi #16mai 1953 paraissait le premier numéro du magazine @LEXPRESS fondé par Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber ⬇️⬇️📰 Image
À sa création, le titre paraît tous les samedis et se présente comme un supplément hebdomadaire au journal "Les Échos". Dès le premier numéro, il affiche son soutien à la politique menée par Pierre Mendès-France (PMF) et relaie ses idées sur la guerre d'Indochine. ImageImage
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