Quelques remarques sur la théorie néo-classique du (supposé) #marché du #travail. Chaque année, quand on aborde cette #modélisation avec les élèves, les mêmes erreurs d'interprétations (bien compréhensibles) se rencontrent. #Thread 1/22
Le modèle canonique explique que la #demande de travail des entreprises (= les offres d'emplois, la demande de bras) diminue quand le niveau de #salaire horaire réel (hors inflation) augmente, ce qui permet de tracer une belle courbe descendante sur un repère Prix/Quantités. 2/22
Au passage, attention à la lecture de ce type de graphique néo-classique, hérité de Fleeming Jenkin, 1870. Notre #cerveau a du mal à comprendre que ce qui est à gauche sur l'#abscisse représente… une petite quantité.
Et que ce qui est à droite … est une grande quantité. 3/22
Ensuite, 3 fois sur 4, cette forme de demande parait crédible au vu de ce #raisonnement 🔍: l'entreprise embauche 10 personnes à 20€ en moyenne (=200€), si le salaire moyen tombe à environ 18€, l'entreprise peut embaucher une personne supplémentaire (11x18€=198€). 4/22
Joli, mais rejeté par les #néoclassiques. Cette théorie du fonds du salaire limité, fixe et préexistant (par exemple, chez J. Stuart #Mill) entraine, par exemple, que l'augmentation des salaires et du bien-être ne pourrait passer, que par la limitation de la #population. 5/22
La parade viendra avec Francis Amasa Walker 1876, puis John Bates Clark en 1891, liant le #salaire et la #productivité#marginale. L'employeur rationnel, à la recherche du profit, embauche tant que le salaire horaire reste inférieur à ce qu'apporte le dernier employé. 6/22
Or la productivité marginale du travail serait #décroissante. Chaque employé serait un petit moins performant que le précédent. Une hypothèse bien #utile (à l'origine chez Turgot 1768 ou Ricardo 1817). A chaque niveau de salaire, est donc associé un niveau d'embauche. 7/22
Si le salaire horaire moyen diminue, l'embauche augmente. La solution est tellement convaincante que même #Keynes, qui fait de la demande de travail un résultat de la #demande globale anticipée (effective), concède que cela devrait se faire dans la limite de la productivité. 8/22
Passons maintenant à l'#offre de travail émanant des travailleurs (c'est à dire la demande d'emploi, l'offre de bras). Le modèle #néoclassique explique que l'offre de travail augmente avec le niveau de salaire réel (hors inflation). 9/22
3 fois sur 4, on a les réactions suivantes. D'abord l'#assentiment. Évidemment, si cela paye mieux, alors on propose quelques heures de plus (#gagner plus en travaillant plus). Puis après quelques minutes, l'incompréhension : les élèves comprennent vite l'effet #revenu. 10/22
Le perturbant #effet-revenu : si en travaillant 8h à 10€, je gagne 80€, alors quand le salaire horaire progresse à 12€, je peux tout aussi bien travailler 1h de moins tout en gagnant 4€ de plus (12*7)? Aïe ! La courbe d'offre est décroissante, elle se retourne, alors ? 11/22
Là encore, les néoclassiques trouvent une parade... #élastique (Lionel Robbins, 1930). En théorie, si j'offre des heures en plus, ce serait… parce que les heures de loisir/repos sont plus coûteuses. Et oui ! Ne pas travailler coûte maintenant 12€, au lieu de 10€. 12/22
C'est l'effet #substitution : quand le prix du repos augmente, on remplace une heure de repos par une heure de travail. Les néoclassiques postulent que cet effet l'emporte en général sur l'effet #revenu. #CQFD L'offre d'heures de travail augmente en général avec le salaire. 13/22
Avec ces deux belles courbes, la #cathédrale néoclassique (#Schumpeter 1954) est en place, on peut dérouler un discours bien rôdé, appuyé par des démonstrations #mathématiques. Il y a un point d'#équilibre idéal. L'offre y est égale à la demande. Voila l'objectif. 14/22
Des #chômeurs ? C'est que l'offre de travail à ce prix, à droite, est supérieure à la demande de travail, à gauche. Imposer un salaire minimum (#Smic) part d'une bonne intention. Mais trop haut, il réduit la demande de travail, et gonfle artificiellement l'offre de travail.15/22
On voit bien d'ailleurs que la réciproque est vraie : les salaires horaires ne peuvent pas descendre trop bas, car alors la #demande de travail serait trop forte tandis que les individus (encouragés par les #aides sociales), se retireraient du #marché du travail. 15/22
Si les quantités/prix #flexibles pouvaient fluctuer #librement, de lui-même, le marché nous amènerait donc au point d'équilibre pour le bonheur de tous. Si on pouvait s'#apparier librement, les rencontres seraient facilitées, chacun pourrait trouver chaussure à son pied. 16/22
Les #institutions, le code du travail, deviennent une source supposée des #déséquilibres constatés : haro sur les #syndicats, les interdictions #licenciement, ou la réticence aux contrats courts et flexibles. Ne sait-on pas que faciliter les divorces encourage aux mariages ?17/22
Et si la demande de travail n'est pas encore assez élevée, c'est sans doute, parce que le #coût du travail est trop élevé au regard de l'#efficacité des travailleurs. Il faut alors alléger cette #charge (sociale) qui pèse sur des entreprises exposées à la #concurrence. 18/22
Évidemment, cette belle modélisation fait face à des critiques. Coté #offre de travail, est-il si crédible de considérer que tout individu peut se retirer du marché du travail, volontairement, pour vivre d'amour et d'#eau fraiche, tout à sa préférence pour les #loisirs ? 19/22
Est-ce en demandant aux candidats du jeu des #chaises musicales, de courir plus vite que les autres (en traversant la rue😉), que l'on fera apparaitre des chaises #manquantes ? 20/22
Côté demande de travail, un #rendement#croissant, est il si inconcevable dans le monde moderne ? Le coût salarial et social, est-il vraiment le #seul critère de l'embauche ? La très coûteuse exonération #CICE (20 milliards/an) est-elle efficace ? 21/22
Ce modèle reste pourtant au cœur de la pensée économique moderne, les progrès relevant d'un relâchement ponctuel des #hypothèses d'origine. Pourtant en 1876, Stuart Mill n'a pas hésité à reconnaitre son #erreur sur le fonds du salaire. Peut-on en attendre autant aujourd'hui ? FIN
Source images, Pixabay. Pour en savoir plus et mieux, ne pas manquer de lire l'excellent et indémodable "Pas de pitié pour les gueux" de Laurent Cordonnier 👍👏, récemment réédité aux éditions Raisons d'Agir. @EdRaisons_agir
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Aujourd’hui, j’ai un peu de #temps (je blague), et je tente un #thread#scpo sur la #démocratie, parce que c’est un tout petit peu d‘actualité. Et oui, je vais mettre des #mèmes Internet parce que, en vrai autocrate, je trouve cela très très drôle. Prêts ?
2) D’abord, la #démocratie, ce n’est pas la #République (la chose publique). La République, c’est moi...euh, c’est quand le #pouvoir est exercé par tout ou partie du peuple (exit la monarchie) et que les élus représentent plus que le peuple (la #Nation dixit #Sieyes).
3) Les #députés représentent l’intérêt #général plus que le peuple. Utile pour voter une loi impopulaire, comme l’interdiction de la peine de mort (#Badinter), ou la taxe carbone sur l’essence. Encore faut-il bien prouver l’intérêt général (n’est ce pas les gilets jaunes ?).