Thread by @MartinFierro769

1/n Un texte et interview passionnants dans @unherd du philosophe et physicien Matthew Crawford qui va nous permettre d comprendre comment la crise du Covid s'inscrit dans le sens de l'histoire et marque une étape qu'il nous faut comprendre unherd.com/2021/05/how-sc…

2/n Matthew Crawford est philosophe, chercheur, et mécanicien. Il analyse dans cet article l'évolution du rôle de la science à l'époque moderne.

3/n Remarques préliminaires. Le texte est très dense et je vais essayer de résumer les idées tout en incluant le texte traduit pour faciliter la compréhension. NP sera pour note personnelle, pour expliciter quand c'est moi qui m'exprime.

4/n J'anticipe que le principal écueil à la compréhension du texte sera de le lire avec un esprit trop cartésien, c'est à dire en rangeant les concepts dans des cases idéologiques prêtes à l'emploi. Donc: essayez de comprendre et restez ouverts aux idées.

5/n Pour permettre de se représenter ce qu'est la science, MC invoque l'exemple de Galilée, et de la phrase qu'il aurait marmonné quand il a été condamné par l'Eglise pour avoir dit que la Terre torunait autour du soleil. "Eppur si muove" "Et pourtant elle tourne".

6/n Cela symbolise pour lui l'idéal noble de la science, la recherche de la vérité, de la connaissance, qui s'oppose à l'autorité.

7/n Car la science est, par nature, provisoire, "falsifiable" dit-il, au fur et à mesure des progrès de la connaissance. Alors que l'autorité ne peut se revendiquer comme provisoire. L'autorité doit réduire l'incertitude dans un monde incertain pour être acceptée comme telle.

8/n A partir de la deuxième partie du 20ème siècle, le chercheur travaillant seul avec les moyens de bord a laisse la place à une industrialisation de la science. La science est devenue la Big Science, réclamant des moyens toujours plus importants.

9/n Les scientifiques ont alors vécu cette tension entre les objectifs premiers de la science, à savoir la connaissance, et la nécessite d'être en quête constante de subventions.

10/n L'excellence dans le milieu scientifique a commencé à se mesurer à la capacité à attirer des financements, ce qui a favorisé un certain type de personnalité parmi les chercheurs, assez loin des caractéristiques originelles des premiers chercheurs.

11/n MC fait référence à son père, physicien, menant de petites expériences-maison visant à satisfaire sa propre curiosité.

12/n Au fur à mesure que la science s'est institutionnalisée, industrialisée et est devenue" Big", forte de ses succès, elle a aussi commencé à revendiquer, à travers ses membres, une forme d'autorité.

13/n Pour pouvoir faire autorité il faut revendiquer un monopole sur quelque chose, les scientifiques ont donc commencé à revendiquer un monopole sur la connaissance.

14/n Donc, d'un côté, la science est soumise aux tensions et aux obligations imposées par la recherche de financements, d'un autre côté elle revendique une autorité fondée sur le monopole de la connaissance.

15/n C'est à ce point que se situe la dérive vers le scientisme que MC présente comme une forme de populisme.

16/n Le monde, les institutions scientifiques se sont alors organisées pour se protéger de l'émergence de cette contradiction entre dépendance vis à vis de financeurs et une recherche dont l'idéal serait resté la connaissance pour elle-même.

17/n MC parle de cartels et évoque le scandale du Climat Gate. Il évoque également les mécanismes d'auto-validation comme la revue par des pairs. Il s'agissait, de plus en plus, pour la science d'établir son autorité en refusant toute remise en question.

18/n NP On remarquera que dans le cas du climat gate il s'agit aussi de propriété des données. On a là une intériorisation par le milieu scientifique des règles du capitalisme.

19/n En même temps que la science revendiquait une autorité pourtant incompatible avec les idéaux de la science elle cherchait à étendre sans cesse son domaine de compétence et d'influence.

20/n Les scientifiques ont commencé à se plaindre en chœur de la "perte de la foi en la science". Le propos est on ne peut plus clair: la science, comme la religion, est érigée en une autorité supérieure.

21/n Pour MC les mouvements qualifiés d'anti-science (on pourrait dire hérétiques) ne sont pas l'indice d'une perte d'intérêt pour la science mais en grande partie une réponse au fossé entre les idéaux de la science et sa pratique réelle dans notre société néolibérale.

22/n NP J'ouvre une parenthèse. Pour moi le scientisme n'est que la forme que prend le néolibéralisme dans le domaine scientifique. N'oublions pas que le projet néolibéral inclut l'"ingénierie sociale"

23/n Ce point me paraît importer pour éviter de déplorer quotidiennement la perte de foi en la science: la science se politise, s'érige en autorité absolue, ce qu'elle nie, et génère des oppositions.

24/n La science, tout en se fermant à la contradiction et au débat par divers mécanismes tente de légitimer le transfert de souveraineté vers des organes technocratiques. Car : "il faut suivre la science".

25/n "Il faut suivre la science" mais celle-ci ne mène nulle part; dit MC. C'est un outil dédié à la connaissance. La science ne peut qu'éclairer des choix, des arbitrages entre intérêts différents ou incompatibles, fondés sur des échelles de valeur.

26/n Pour gagner une légitimité chancelante, la science s'appuie désormais aussi sur des arguments moraux. Et MC cite le cas de Greta Thunberg déclarant: "comment osez vous?" . On pourrait évoquer bien d'autres exps dont ceux tirés de la situation actuelle.

27/n NP: Je n'ai peut-être pas fait assez clairement la distinction, mais quand je dis "la science" je parle en réalité des scientifiques qui la représentent actuellement vis à vis du public.

28/n MC évoque l'empressement de 1200 scientifiques à signer une déclaration, donnant aux américains noirs l'autorisation de manifester comme d'une tentative de gagner en légitimité.cbc.ca/radio/asithapp…

29/n Le scientisme est donc une forme de populisme qui établit des vérités incontestables, ce que tout le monde sait, par l'intercession des médias (NP: il y a qqs siècles "tout le monde" savait que Dieu décidait de nos destins et que le Soleil tournait autour de la Terre)

30/n Mais la nouveauté c'est que la science est réputée pouvoir établir non seulement ce que tout le monde sait, mais aussi ce que tout le monde fait, ou ne peut pas faire.

31/n A l'occasion de cette crise, une tendance, déjà émergente à se proposer de contrôler les comportements par la peur, s'est beaucoup banalisée.

32/n Tout d'un coup, ce qui ne semblait pas possible, qui n'avait été prévue dans aucun plan de crise, est devenu possible: restreindre les libertés de toute une population. La Chine l'a fait, puis l'Italie et c'est devenu une évidence.

33/n Tout d'un coup la démocratie est devenue un luxe qu'on ne pouvait plus se permettre.

34/n Et, j'ajoute, les scientifiques ont profité de l'occasion pour prendre ouvertement toutes les manettes du pouvoir, dans une accélération d'un mouvement déjà engagé.

35/n La menace était et est grave, concède MC. Mais qui décide où on met le curseur? Et, surtout, les médias, les scientifiques et les politiques ont contribué à une surestimation de cette menace.

36/n Ainsi, un sondage mené chez les britanniques en juillet a montré que 29% d'entre eux étaient persuadés que 6 à 10% de la population était déjà morte à cause du Covid.

37/n Certains scientifiques louchent de plus en plus ouvertement du côté de la Chine en tant que modèle. Mais l'opinion publique compte encore en occident et la persuasion doit venir de l'individu lui-même. Cela est mieux accepté sous couvert de science.

38/n La démocratie est fragile, car elle repose d'abord non sur des lois mais sur des conventions. NP:Les conventions sont les représentations que nous nous faisons de ce qui est acceptable ou pas. La convention, comme un sort, peut être rompue.

39/n La ligne rouge une fois franchie, il n'est pas certain qu'on puisse la franchir dans l'autre sens.
NP: Et il faut se demander si c'est aussi la dynamique, le sens de l'histoire, il ne me semble pas.

40/n Le scientisme joue un rôle dans cette évolution en présentant une image arrangée et démagogique de la réalité. En prétendant étendre son pouvoir bien au-delà de son domaine de compétences et en contradiction avec sa vocation. Ce en quoi il constitue une forme de populisme.

41/n Les populations sont ambivalentes. Elles sont à la recherche d'une autorité rassurante, de rituels. Cela réduit le degré incertitude dans un monde où la peur est devenu un mode de gestion et donne l'impression d'avoir un contrôle.

42/n Une partie de la population pourrait trouver que les modalités relationnelles établies pendant l'épidémie seraient, au fond, rassurantes. Cela contribuerait à une poursuite de l'atomisation de la société.

43/n Pour que la peur devienne notre principal moteur il a fallu une focalisation de l'attention, ce qui a été fait notamment grâce aux médias, aux discours des politiques et des scientifiques. Pourtant,nous prenons quotidiennement des risques sans y penser.

44/n Davantage de solidarité pourrait être une sortie de cet enfermement et de ce dilemme.
NP: la solidarité se limite souvent dans notre société à des groupes ayant une communauté d'intérêts ou d'idéologie. La compétition est plutôt la règle.

45/n Je vous laisse lire la conclusion, qu'il ne faut pas surinterpréter, mais qui est assez dure.