Thread by @ChopelinP

Pour dépasser les procès d'intention, je vais vous parler d'un de mes sujets de recherche à travers une brève chronologie pour comprendre, de 1789 à nos jours, la pluralité du royalisme en France. Utilisé seul, ce terme n’a aucune raison de servir d’anathème politique. 1 /15

Le terme « royaux » apparaît d’abord à la fin des Guerres de Religion (an. 1590), pour désigner les partisans d’Henri IV opposés aux ligueurs. Dans les années 1780, le mot « royaliste » est utilisé pour qualifier les partisans du réformisme autoritaire de Louis XVI. 2/15

En 1789, le terme royaliste désigne les partisans de l’absolutisme et ceux (les monarchiens) qui acceptent la Révolution tout en défendent une supériorité du roi sur l’Ass. nationale. Laquelle fait le choix d’un pouvoir législatif fort (tout en gardant la forme monarchique). 3/15

1792 : proclamation de la République par la Convention. Les royalistes sont dès lors divisés en trois groupes (absolutistes, monarchiens et constitutionnels) qui s’opposent aux républicains (eux-mêmes divisés, mais c’est une autre histoire). 4/15

1814-1815 : Restauration. Les royalistes se divisent entre ultras (pouvoir fort du roi), doctrinaires (héritiers des monarchiens) et libéraux-constitutionnels (en fait c’est plus compliqué, pardon @CoustinDe pour la simplification…). 5/15

Révolution de 1830, montée sur le trône de Louis-Philippe, issu de la branche cadette des Bourbons : ajout d’une nouvelle ligne de division, la division dynastique, qui oppose les orléanistes aux légitimistes (partisans de Charles X et de ses descendants). 6/15

1883 : mort du comte de Chambord (petit-fils de Ch. X). Nouvelles divisions: les orléanistes, les légitimistes (branche espagnole des Bourbons) et les providentialistes, qui se réfugient dans la prière et attendent que Dieu désigne le nouveau roi (courant encore actif auj.). 7/15

1900-1945 : succès de la doctrine néo-royaliste de Maurras et de l’Action française, mouvement nationaliste, antisémite et violent. Beaucoup de royalistes adhèrent, mais pas tous (condamnation de l’AF par Rome, refus de l’antisémitisme et de la violence, ralliement rép.). 8/15

Après 1945 : les cartes sont rebattues. Discrédit moral de l’AF, espérance d’une restauration au profit du comte de Paris, apparition d’un royalisme de droite, libéral, et d’un royalisme de gauche, social-démocrate. 9/15

Années 60-70 : l'espoir d'une restauration imminente se dissipe, le royalisme français se morcelle, de l’extrême-gauche (mao) à l’extrême-droite (anti-gaulliste), en passant par la social-démocratie ou le gaullisme (fondation de la Nouvelle Action Royaliste en 1978). 10/15

Aujourd’hui, comme hier, le royalisme n’a aucune unité en France. Il y a deux prétendants en lice : le comte de Paris (orléanistes) et le duc d’Anjou (légitimistes), mais il existe mille façons d’être royaliste. Il n'y a pas que la violence politique de l'AF. 11/15

Certains rêvent d’autoritarisme (modèle des dictatures corporatistes, nostalgie du nationalisme intégral, fascisme), d’autres aspirent à la monarchie constitutionnelle (régime politique de 7 pays d’Europe), d’autres affichent un attachement plus vague et sentimental. 12/15

Le royalisme n’est pas un parti, encore moins une doctrine. Il existe des doctrines qui s’appuient sur le royalisme, mais elles ne sont pas LE royalisme. Je préfère pour ma part parler de royalismes au pluriel, comme on parle des républicanismes. 13/15

Cette présentation schématique mériterait évidemment mille nuances, mais elle n’a pour but que d’inviter à réfléchir sur l’usage des termes. Des chercheurs essaient de travailler honnêtement sur ces questions, merci de respecter leur travail et leur personne. 14/15

Pour ma part, je côtoie plutôt les royalismes des an. 1780-1820, mais par la force des choses (historiographie), il faut aussi tenir compte du plus contemporain, dans toute sa diversité et sa complexité. Quelques ouvrages très récents (2020-2021) pour aller plus loin. 15/15