Thread by @SirYesSir29

Je suis juge d'instruction et je reçois un jeune homme suspecté de vol avec arme. Il a été mis en examen par mon prédécesseur, il y a bien longtemps déjà : d'abord incarcéré, il a ensuite été placé sous contrôle judiciaire. Les faits remontent à plus de 2 ans et demi maintenant.

J'ai pris connaissance de la procédure en détail et il me reste à interroger David, le seul mis en examen dans le dossier.
Il est soupçonné d'avoir volé un véhicule avec un comparse qui n'a pas été identifié. Ils se sont alors rendus dans une supérette, armés.

Là, cagoulés, gantés et respectivement munis d'1 pistolet et d'1 fusil à pompe, ils ont menacé le personnel présent afin de se faire remettre le contenu des tiroirs caisse. Les victimes n'étant pas assez rapides à leur goût, l'1 des malfaiteurs -portant le fusil- a tiré en l'air,

un bruit assourdissant, qui a beaucoup marqué les victimes. Ils ont été très agressifs, bousculant deux caissières... Prenant la fuite avec leur maigre butin, moins de 2000€, ils se sont éloignés de la ville pour brûler le véhicule volé : un tiers est passé les récupérer

à bord d'une voiture dont 1 riverain, étonné de voir des allées et venues inhabituelles dans son coin de campagne, a relevé la plaque.
C'est cette plaque, ainsi que les investigations sur la téléphonie, qui permettent d'impliquer David dans l'incendie du véhicule.

Il a reconnu qu'il était présent lors de cette scène, 2 amis étant passés le prendre chez lui, lui ayant indiqué avoir fait 1 connerie et devoir se débarrasser du véhicule. Il n'a pas été informé des détails sur cette fameuse "connerie". Une fois la voiture volée bien embrasée,

il a appelé 1 copain qui est passé les prendre.
Le vol du véhicule ? Pas lui.
Le vol avec arme? Jamais de la vie.
Ses 2 copains? Hors de question de les balancer.
J'ai décortiqué le dossier, et pas grand chose à me mettre sous la dent. Aucune des victimes ne le reconnaît,

la faute à la cagoule. Pas d'ADN, la faute aux gants. Une mauvaise vidéo surveillance, une silhouette floue... David n'a pas un gabarit hors du commun : taille moyenne, poids moyen, pas de quoi le distinguer particulièrement. La perquisition à son domicile s'est avérée négative :

pas d'argent, pas d'arme. La police judiciaire a travaillé sur commission rogatoire mais en réalité on est secs, à part les dégradations par moyen dangereux, les preuves à l'encontre de David pour le reste des faits font défaut.
Cela fait 1 moment qu'il n'a pas été interrogé...

Allez je le convoque 1 dernière fois puis je communiquerai le dossier au procureur, il prendra très certainement des réquisitions de non lieu partiel... Qu'en l'état je suivrai.
David est à l'heure le jour de l'interrogatoire. Il a des documents à me présenter sur sa situation.

Il m'explique qu'il a trouvé 1 formation en alternance, en boulangerie. Ça lui plaît, son patron est content, il lui a d'ailleurs fait 1 lettre pour le dire à la justice : il est au courant de la procédure en cours. C'est nouveau dans le parcours de David, qui n'était pas inséré

au moment de son interpellation. Il a rencontré une jeune femme, avec qui il vit, ils veulent fonder 1 famille. Ma greffière prend note de toutes les informations sur la nouvelle situation de David, avant qu'on en vienne aux faits.
David soupire... Il commence par dire

qu'il a beaucoup changé depuis cette période de sa vie. Il a réfléchi, et quelque chose de nouveau est entré dans sa vie : la foi. Sa compagne est très croyante, et à ce stade de sa vie, il l'est également devenu. David me parle de sa pratique religieuse avec

beaucoup de conviction. Il conclue en disant qu'il entend se comporter en homme et donc assumer ses responsabilités : le vol du véhicule, le vol avec arme, c'est bien lui. Il était porteur du fusil à pompe. Il ne souhaite pas me dévoiler l'identité de son comparse,

c'est contraire à ses valeurs, mais il me raconte en détail le déroulement des faits, dans les mêmes termes que ceux employés par les victimes... Pas de doute, il y était. Il précise qu'il se droguait à l'époque, qu'il était sans ressources, sans morale, que rien d'autre

que lui, ses besoins, ses envies, ses problèmes ne comptaient. Il porte un jugement dur sur ce qu'il a fait, et s'excuse vis-à-vis des victimes.
Les aveux dans 1 cabinet d'instruction ce n'est pas si fréquent quand les charges sont aussi fragiles... Et c'est mon 1er mis en examen

qui craque sans que j'ai rien à faire parce qu'il a rencontré Dieu.
Le ressort dans lequel j'officie est très criminogène et la Cour d'Assises ne peut pas tout absorber : le procureur me demande de correctionnaliser le vol avec arme et de renvoyer David pour vol avec

3 circonstances aggravantes outre le vol et l'incendie du véhicule devant le tribunal correctionnel, ce que je fais, les victimes ayant accepté.
Je me dis qu'il va bénéficier de la clémence du tribunal : quelques antécédents certes mais de vrais efforts d'insertion,

et surtout David n'est jugé pour les faits les + graves que parce qu'il les a avoués. Sans ce revirement, c'était 1 non lieu assuré, à mon sens le tribunal correctionnel va en tenir compte...
David sera moins convaincant devant ses juges que dans mon cabinet.

Le procureur présent à l'audience me racontera que son obstination à ne pas parler de son complice passera très mal, de même que ses difficultés à montrer de l'empathie envers les victimes, et à beaucoup parler de lui, penser à lui... Comme s'il n'avait pas tant changé que ça.

Plus de 3 ans et demi après les faits, il sera condamné à 7 ans d'emprisonnement assortis d'1 mandat de dépôt à l'audience.