Tout commence quelque part il y'a une environ cinq ans à dix ans près.
Monsieur X bosse dans une administration quelconque dans un endroit qui l'est tout autant, avec une passion pour son boulot fluctuant entre le rien et le pas grand chose.
C'est important pour la suite.
Un jour monsieur X va voir son médecin traitant (et non je vais pas le critiquer) pour renouveler un traitement antidépresseur au long cours qui marche bien.
Et monsieur X voit la différence parce que depuis qu'il est traité, il n'est toujours pas plus passionné par son job, mais qu'il a repris des activités sociales et veut s'inscrire dans des clubs de sport et de lecture.
Quelques mois plus tard il retourne voir son généraliste qui lui demande si tout se passe bien, et comme tout se passe bien, tout le monde est content.
Enfin, à un détail près rigolo, monsieur X trouve que le club de sport c'est génial mais que le club de lecture c'est nul.
Son médecin lui demande pourquoi, et monsieur X sur le ton de l'ironie lui dit que c'est un club de vieux, qui se prennent la tête sur des textes de poésies super relous. Lui aime bien la polar et les romans noirs, mais les autres non. Du coup il n'y va plus.
C'est super intéressant comme histoire hein ?
Suf que son médecin connait perso monsieur X et que s'il y a un truc qui lui correspond parfaitement comme description c'est : se prendre la tête sur poésies et des textes de chansons relous.
Genre, quel est le message de "toutes les femmes sont belles de Franck Michael" ?
Du coup son généraliste se demande si le traitement antidépresseur n'a pas un effet secondaire bizarre et me l'envoie en consultation.
Je vois donc monsieur X quelques mois plus tard, et c'est la personne la plus banalement banale. Il est parfaitement lucide, son boulot le gave, il aime bien jouer au foot avec ses potes. Il bouquine, va au resto, va au ciné, butte des lièvres (on est dans un région de chasse).
Et cette histoire de club de lecture le fait rire. Il me donne des exemples des poèmes étudiés dans son club de lecture, et c'est vrai que c'est...nul. Enfin je dis ça, je suis pas fan, mais c'est vraiment...nul.
J'en discute avec son généraliste en lui disant que je trouve rien d'anormal. Cependant celui-ci insiste en me redisant que c'est pas normal. Qu'il y a quelque chose qui va pas.
Du coup on se met d'accord sur le fait que là comme ça je vois pas bien quoi faire de plus, mais que s'il y a des signes nouveau on en cause à nouveau.
Et le nouveau ne tarde pas. Monsieur X fait un AIT. Tout banal. Une parésie brachio faciale gauche, transitoire, de moins de 20 minutes, qui régresse complètement.
Et du coup, il gagne la pack explorations AIT complet avec une IRM et un bilan cardiolo.
A droite (le territoire de la parésie brachio faciale gauche) l'IRM ne montre rien.
Par contre à gauche, il a des signes d'un accident vasculaire ancien. Pas n'importe où. Vraiment pas.
Dans une zone qui entre autre, est responsable de la prosodie.
Mais sinon en gros la prosodie c'est la musicalité qui donne le sens émotif de la voix.
La prosodie c'est ce qui vous permet de comprendre qu'un "non" veut dire "non" dans la phrase "non je veux pas" par rapport à un "non" qui veut dire "si" dans la phrase "tu vas pas faire ça quand même !"
Mais la prosodie c'est plus que ça. C'est aussi ce qui vous fait comprendre que "la mer amère" est quelque chose de plus profond qu'une simple réflection sur le goût de l'eau salée.
Bref....la prosodie c'est LE TRUC qui vous fait aimer...la poésie comme quelque chose de plus que la simple addition de mots.
Et si monsieur X ne prenait plus de plaisir dans son club de lecture c'est parce qu'il a une A-PROSODIE SENSORIELLE TRANSCORTICALE
Secondaire à un AVC.
Qu'on aurait vu si on (je) avait fait une IRM.
Et du coup on (je) aurait pû lui proposer une prise charge cardiologique et la mise en place d'un traitement préventif secondaire.
Morale de l'histoire ?
Alors que je suis un intégriste de la sémiologie, je suis passé à côté d'un truc.
Mais si j'avais fait mon bourrin de base : une consultation neuro = une IRM je ne serais pas passé à côté
Et là, en général, là troupe des gens qui sont contre les examens complémentaires systématiques va me tomber dessus en m'expliquant qu'il vaut mieux rater un AVC que de faire des IRM à tout le monde.
Et c'est vrai.
Mais je vais redevenir bourrin.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Le seul truc inhabituel du jour dans mon hôpital est la lumière jaune qui clignote quand on badge pour entrer dans le service. Il va sans doute falloir changer les piles.
Après il existe des hôpitaux où la situation est légèrement plus compliquées mais sans que ce soit le chaos qu'on a connu. Et ce pour deux raisons :
1- on a appris (dans la douleur) à se réorganiser. Là où l'absence d'un IDE ou d'une médecin était un drame il y a deux ans, cela n'est maintenant pas plus perturbant que le flux d'absentéisme habituel.
2- on a également appris (toujours dans la douleur) à aller à l'essentiel.
Pendant que vous bossez et que Twitter est calme, voilà un #UnLapinUnThread qui devrait, si j'arrive à synthétiser mes idées, vous faire revoir totalement la notion de cerveau. Rien que ça.
Et on va même utiliser des mots compliqués, mais avant ça, on va parler d'Imhotep.
Préambule.
Pour comprendre en quoi on est en train de revoir la notion même de cerveau et de neuroanatomie, il faut déjà comprendre ce que l'on pensait comprendre (!).
Et pour cela il faut comprendre d'où l'on vient.
Alors on va faire un peu d'histoire.
Il est mince, il fait beau (oui parce qu'on ne sait sait pas si le héros en lui-même l'était), il sent bon le sable chaud... Et notre héros est une sorte de légionnaire.
Nous sommes quelque part au XXVII (27e) siècle avant notre ère en Égypte.
Ça fait longtemps que ça vous manquait alors #UnLapinUnThread sur les troubles du sommeil...chez les femmes.
(Oui maintenant y'a un logo...)
Alors on est d'accord que la question du sommeil des femmes peut paraître incongrue.
D'une part parce que le sommeil est un des phénomènes les comparables chez les mammifères
D'autre part parce qu'a priori les différences hommes/femmes en terme d'hormones et de reproduction sont responsables de presque toutes les différences observées.
Sauf que les a priori sont souvent trompeurs et on va regarder ça de plus près.
Les anciens neurologues utilisaient des noms propres imprononçables pour tout est n'importe quoi afin de dérouter l'ennemi. Mais on a du mal à imaginer à quel point. En voici un exemple avec :
Vladimir Mikhaïlovitvh BECHTEREV
(1857-1927).
Grâce à Vladimir on a :
Le réflexe de BECHTEREV (1er)
-- flexion du gros orteil quand on tape le tarse et qui est un équivalent de signe pyramidal --
Le réflexe de BECHTEREV (2e)
-- flexion du pectoral quand on tape son tendon d'insertion humérale (ça sert à rien, c'est juste drôle) --
Suite à une idée de @trulleauPT_PhD je vais essayer de vous donner mon point de vue totalement subjectif sur les autres professions qui interviennent dans les soins en neurologie.
Et logiquement on va commencer par les kinés.
Alors commençons par ma déclaration d'intérêts : je ne suis pas kiné, aucun membre de ma famille n'est kiné, aucun kiné ne me paye et vice versa. D'ailleurs je ne suis suivi par aucun kiné alors que je devrais.
Mais sinon pourquoi la kinésithérapie est-elle utile en neurologie ?
Vous allez pas le croire, mais la réponse est bien plus fondamentale qu'une simple énumération de techniques ou de maladies.
La réponse est liée à la neuroanatomie fonctionnelle.
L'idée de discuter de la fatigue dans les pathologies neurologiques vient d'une conversation récente avec quelqu'un que j'apprécie énormément et qui souhaitait savoir si cela est connu, fréquent, et, accessoirement, si on pouvait y faire quelque chose (spoil : bof).
Du coup commençons par un problème de vocabulaire auquel se heurtent beaucoup de patients fatigués, qui les prive parfois d'une prise en charge adaptée, et qui induit des erreurs diagnostiques :