Suite à une idée de @trulleauPT_PhD je vais essayer de vous donner mon point de vue totalement subjectif sur les autres professions qui interviennent dans les soins en neurologie.
Et logiquement on va commencer par les kinés.
Alors commençons par ma déclaration d'intérêts : je ne suis pas kiné, aucun membre de ma famille n'est kiné, aucun kiné ne me paye et vice versa. D'ailleurs je ne suis suivi par aucun kiné alors que je devrais.
Mais sinon pourquoi la kinésithérapie est-elle utile en neurologie ?
Vous allez pas le croire, mais la réponse est bien plus fondamentale qu'une simple énumération de techniques ou de maladies.
La réponse est liée à la neuroanatomie fonctionnelle.
PS1 pour ceux qui ne sont pas soignants, en médecine, quand quelque chose est neurologique, on écrit neuro devant.
On parle donc de neuroanatomie mais pas de gastroanatomie ou de pneumoanatomie.
Bref, c'est que du panache.
Et dans le cas de la neuroanatomie, on rajoute fonctionnelle, parce que contrairement à l'anatomie d'un quelconque cœur, nonoss ou machin mou dans l'abdomen, la forme du système nerveux n'apporte aucune information sur sa fonction.
Bref la neuroanatomie est sournoise.
Mais quel rapport avec la kiné. Pour cela il faut revenir à un des principes de base du système nerveux. Et là soyez attentifs aux numérateurs que j'utilise.
Le système nerveux c'est 4 grosses composantes.
- DES trucs qui perçoivent l'environnement et l'état intérieur
- DES trucs qui analysent et prennent des décisions
- DES trucs qui assurent le fonctionnement des organes
- et UN SEUL truc qui met en œuvre les décisions prises.
En français cela veut dire que si vous avez de multiples système perceptifs (visonS, goûtS...) ou cognitifs (réflexionS, langageS, calculS, mémoireS...)
vous n'avez qu'une seule et unique voie de sortie : le système moteur.
Du coup d'une façon où d'une autre, tout ce qui touche au mouvement mobilise en gros 70% de votre cerveau.
Mais ce n'est pas tout.
Dans le système nerveux, plus vous utilisez une fonction, plus le nombre de réseaux de neurones en charge de cette fonction augmente.
Et vice versa.
Ça c'est assez compliqué à comprendre mais on va simplifier.
Imaginons que vous vouliez vous lever de votre canapé.
Pour cela vous avez besoin. 1/ de le vouloir 2/ de regarder votre environnement (pour calculer où est la canapé, le sol, les pièges) 3/ de vous renseigner sur votre propre position (où sont vos pieds, vos mains...)
4/ de choisir un façon de vous lever 5/ de faire le mouvement de vous lever 6/ de vérifier que vous vous êtes bien levés.
Pour dire la même chose avec des mots compliqués, 1/ est le système de la motivation (et de la récompense) 2/ est le système de la perception 3/ est le système proprioceptif 4/ est une partie du système extrapyramidal 5/ est le système pyramidal 6/ est le système cérébelleux
À ces 6 systèmes il faut en ajouter un 7e un peu à part. C'est un système archaïque qui est là pour que le corps adapte son fonctionnement (débit cardiaque fréquence respiratoire..) à ce mouvement extraordinaire qui est de lever votre gros tas du canap.
C'est le système autonome
Et là où c'est bien fait, c'est que tous ces systèmes bossent ensemble à la fois sur un mode coopératif et sur un mode hiérarchique, pour que vous accomplissiez cet énorme exploit : bouger.
Et plus vous le faites souvent, plus cette coopération hiérarchique est efficace.
Ce qui veut dire, que moins vous le faites, moins ça marche.
Et ici "ça" ne désigne pas le mouvement, mais l'ensemble de tout ce qui participe au mouvement.
En plus simple, cela signifie que si par exemple vous restez tout le temps sur votre canapé sans bouger cela donne :
-moins de force ET
-moins d'équilibre ET
-moins de capacité à savoir comment bouger (apraxie) ET
-moins de capacité à percevoir votre corps ET
-une perte de repères spatio temporels ET
-moins de volonté (apathie) ET
-des difficultés à adapter votre corps à l'effort (dysautonomie)
En gros, plus vous faites le légume, plus vous devenez un légume.
Et ce n'est pas une image.
C'est au sens propre.
Et comme on l'a vu, 70% de votre cerveau c'est du mouvement, auquel vous pouvez rajouter 29% de fonctions qui contribuent au mouvement.
Donc, si vous avez une pathologie neurologique
Vous avez 99% de risque d'avoir d'une façon ou d'une autre une altération du mouvement.
Ou pour le dire encore autrement, quand vous avez une pathologie neurologique, vous avez 99% de risques, si vous ne faites rien, et ce quelle que soit la pathologie ou sa gravité, de finir en légume *
* et quand je dis ça, en général, je fais un pause pour laisser à l'auditoire le temps de s'amuser avec un petit regard narquois sur le thème : Rholalala, quelle dramatisation excessive, les neurologues savent plus quoi inventer pour faire peur.
J'aime bien cette pause. Parce que ce que les gens ne réalisent pas, c'est que loin d'être une dramatisation excessive, c'est une vision optimiste. Et on va voir pourquoi.
Savez-vous quel est le pourcentage de patients qui deviennent totalement grabataires en l'absence de tout traitement en cas de pathologie neurologique ?
-> Parkinson, maladies à corps de Lewy et autre syndromes parkinsoniens : 100%
Et ça...c'est la version optimiste. Parce qu'avant d'être grabataire, toutes ces pathologies provoquent de façon réactionnelle dépression, douleurs chroniques, désocialisation et des pathologies intercurrentes (essentiellement infectieuses, dermatologiques et cardiovasculaires)
Bref c'est très sympa.
Mais ça, c'est sans traitement.
Heureusement il y a les traitements.
...
LOL.
On est en neurologie les lapins, les traitements sont un objet étrange et rares, objet des fantasmes les plus exotiques.
Pour le dire autrement, en 2021, en dehors de la SEP, de l'épilepsie, de certaines formes de maladies de parkinson et quelques neuropathies, il n'existe pas de traitement neurologique MÉDICAMENTEUX efficace.
ALORS QUE LA KINE....
la kiné marche sur TOUT.
Et ça ne marche pas par hasard (d'où mon intro sur le fait que je vais pas développer les techniques)
Ça marche parce que si vous réussissez à préserver le système moteur, vous pouvez limiter les risques d'apathie, de démence, de dysautonomie etc..etc..etc..
Pour le dire de façon un peu plus provocante, si j'étais la sécurité sociale avec un budget limité, je rembourserais en priorité la kiné à 100% à raison d'1 à2h/jour pour tous les patients avec des troubles neuros, aux dépens s'il le faut des traitements neuro médicamenteux
Et pour finir sur un pointe encourageante je vous remets cet article qui sous ses airs de gag (c'est un article de BMJ de Noël) bmj.com/bmj/section-pd…
Il montre pas l'absurde, que la mort fauche ceux qui ne bougent plus.
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Le seul truc inhabituel du jour dans mon hôpital est la lumière jaune qui clignote quand on badge pour entrer dans le service. Il va sans doute falloir changer les piles.
Après il existe des hôpitaux où la situation est légèrement plus compliquées mais sans que ce soit le chaos qu'on a connu. Et ce pour deux raisons :
1- on a appris (dans la douleur) à se réorganiser. Là où l'absence d'un IDE ou d'une médecin était un drame il y a deux ans, cela n'est maintenant pas plus perturbant que le flux d'absentéisme habituel.
2- on a également appris (toujours dans la douleur) à aller à l'essentiel.
Pendant que vous bossez et que Twitter est calme, voilà un #UnLapinUnThread qui devrait, si j'arrive à synthétiser mes idées, vous faire revoir totalement la notion de cerveau. Rien que ça.
Et on va même utiliser des mots compliqués, mais avant ça, on va parler d'Imhotep.
Préambule.
Pour comprendre en quoi on est en train de revoir la notion même de cerveau et de neuroanatomie, il faut déjà comprendre ce que l'on pensait comprendre (!).
Et pour cela il faut comprendre d'où l'on vient.
Alors on va faire un peu d'histoire.
Il est mince, il fait beau (oui parce qu'on ne sait sait pas si le héros en lui-même l'était), il sent bon le sable chaud... Et notre héros est une sorte de légionnaire.
Nous sommes quelque part au XXVII (27e) siècle avant notre ère en Égypte.
Ça fait longtemps que ça vous manquait alors #UnLapinUnThread sur les troubles du sommeil...chez les femmes.
(Oui maintenant y'a un logo...)
Alors on est d'accord que la question du sommeil des femmes peut paraître incongrue.
D'une part parce que le sommeil est un des phénomènes les comparables chez les mammifères
D'autre part parce qu'a priori les différences hommes/femmes en terme d'hormones et de reproduction sont responsables de presque toutes les différences observées.
Sauf que les a priori sont souvent trompeurs et on va regarder ça de plus près.
Les anciens neurologues utilisaient des noms propres imprononçables pour tout est n'importe quoi afin de dérouter l'ennemi. Mais on a du mal à imaginer à quel point. En voici un exemple avec :
Vladimir Mikhaïlovitvh BECHTEREV
(1857-1927).
Grâce à Vladimir on a :
Le réflexe de BECHTEREV (1er)
-- flexion du gros orteil quand on tape le tarse et qui est un équivalent de signe pyramidal --
Le réflexe de BECHTEREV (2e)
-- flexion du pectoral quand on tape son tendon d'insertion humérale (ça sert à rien, c'est juste drôle) --
Tout commence quelque part il y'a une environ cinq ans à dix ans près.
Monsieur X bosse dans une administration quelconque dans un endroit qui l'est tout autant, avec une passion pour son boulot fluctuant entre le rien et le pas grand chose.
C'est important pour la suite.
Un jour monsieur X va voir son médecin traitant (et non je vais pas le critiquer) pour renouveler un traitement antidépresseur au long cours qui marche bien.
L'idée de discuter de la fatigue dans les pathologies neurologiques vient d'une conversation récente avec quelqu'un que j'apprécie énormément et qui souhaitait savoir si cela est connu, fréquent, et, accessoirement, si on pouvait y faire quelque chose (spoil : bof).
Du coup commençons par un problème de vocabulaire auquel se heurtent beaucoup de patients fatigués, qui les prive parfois d'une prise en charge adaptée, et qui induit des erreurs diagnostiques :