Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui le 33e jour d'audience du procès des attentats du #13Novembre 2015.

Le compte-rendu de la journée d'hier, illustré par @ValPSQR est à retrouver ici >

franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, de nouvelles familles qui ont perdu un proche au Bataclan sont attendues à la barre.

Parmi les témoignages prévus : la soeur de Nick Alexander ou le père de Nathalie Jardin, par exemple.

LT à suivre ici.
Retrouvez @sophparm à l'antenne de @franceinter
Les premiers à venir à la barre sont les proches de Lola O., plus jeune victime décédée dans ces attentats. Elle avait 17 ans.
Sa tante est la première à témoigner : "Lola était la fille unique de ma soeur. Elle était ma première nièce. J'avais 20 ans."
La tante de Lola explique qu'il a fallu six jours pour avoir la confirmation de la mort de sa nièce, le 18 novembre. C'est aussi le jour où la voiture des terroristes a été retrouvée, "juste en bas de chez ma soeur".
La tante de Lola raconte d'abord ce coup de téléphone à sa mère qui lui dit "Lola est au Bataclan avec son père".
"J'ai eu envie de vomir. Et puis je me dis : que fait-elle? Elle est blessées ? Elle est jeune ...
On s'appelle toutes les heures à peu près avec mes parents."
Juliette, la tante de Lola explique : "j'ai su très vite qu'Eric, le papa de Lola avait pu sortir du Bataclan. Il a été poussé vers la sortie et elle est restée à l'intérieur.
Puis, je reprends un peu espoir après l'assaut, je me dis qu'elle va pouvoir répondre à son portable."
Juliette : "puis je me dis :"qu'est-ce que j'ai fait ? Je l'ai appelée, si ça se trouve, je l'ai mise en danger".
Les heures passent, sans nouvelles de Lola. "Je suis déjà persuadée que Lola est morte parce que 24h après une tuerie de masse, on est forcément mort".
Juliette : "le dimanche, on va avec mes parents aux Invalides, c'est la première fois que je vois ma soeur Nadja depuis le #13Novembre
Elle est à vif, elle a les traits creusés par la fatigue.
Le lundi 16, toujours aucune nouvelle de Lola."
Juliette : "le mercredi 18, c'est là où on apprend son décès. C'est l'horreur, la sidération. Mais aussi le soulagement, c'est étrange. Mon papa m'appelle, il me dit : "ça y est." Je dis : "comment?". Il répond : "une balle dans la tête".
J'imagine la terreur de ma nièce."
Juliette : "le lendemain, j'assiste à la cérémonie de naturalisation de mon conjoint. On chante la Marseillaise dans la salle. La cérémonie est empreinte d'émotion. Et je me dis que mon chéri est devenu Français dans un bien triste moment."
Juliette : "en rentrant chez nous, le bus passe devant le lycée de Lola. Un hommage était organisé. Et là, je me rends compte que notre Lola est devenue la Lola de tout le monde en fait. On est un peu dépossédés du deuil familial. Notre famille devient une star du deuil."
Juliette : "Lola a un peu l'étoffe de la victime parfaite. Elle est jeune, elle est belle, la seule mineure, la dernière identifiée. Elle a tout pour toucher le Français dans ses tripes. Je me sens un peu mal à l'aise, dépossédée. On n'a pas de place pour pleurer en fait."
Juliette : "les hommages les plus beaux sont pour moi les plus discrets. Lola donne son nom à une salle de cirque parisienne où Lola prenait des cours et faisait des stages."
Juliette : "le samedi 22, j'annonce à ma fille le décès de Lola chez la psychologue. Je lui dis : "tu te souviens que je t'avais dit qu'on cherchait Lola, qu'elle avait été danser dans une salle où il y avait des méchants? Ben, elle est morte en fait". Ma fille était incrédule."
Lola : "je vis dans un demi-somnanbulisme en fait. Mes filles me font du bien, elles me permettent de tenir debout. Je suis très soutenue au travail, je travaille aux urgences de la maternité. J'ai un petit pincement au coeur à chaque fois qu'un bébé naît, mais bon."
Juliette : "dans mon travail, j'ai aussi eu des émotions parce que j'ai eu un ou deux couples rescapés du Bataclan, c'était marqué dans leur dossier médical. C'est des gens qu'on chouchoute ..."
Juliette : "Lola était importante pour mes filles, en particulier la grande, Louise. La petite, je pense aussi qu'elle avait tout compris.
Mes parents ont une douleur de grands-parents et ils voient en même temps leur fille qui est meurtrie au plus profond de sa chair."
Juliette : "je me sens coupable parce que j'ai deux filles vivantes et que ma soeur en a zéro. Je me sens coupable parce que je n'arrive pas à regarder ma soeur autrement que comme une victime, je ne vois rien d'autre en elle, et ça c'est très dur en fait."
Juliette : "ma grande soeur, elle, se tient beaucoup à l'écart du procès. Elle me parle beaucoup de Lola de manière simple. Elle peint, un peu, quand elle y arrive. Et elle essaie de profiter de la nature, de chaque minute du soleil."
Juliette : "depuis dix mois, je m'autorise un peu à craquer. Avec la mort de Lola, je n'osais me plaindre de rien. Maintenant, j'arrive un peu à mettre des mots sur mon ressenti. Mais ce n'était pas facile de me porter partie civile et de témoigner aujourd'hui."
Juliette évoque l'association @lifeforparis via laquelle elle est entrée en contact "avec une certaine Coralie qui me dit qu'elle était juste à côté de Lola et qu'elle la vue tomber au début de l'attaque. On s'est appelées. Elle m'a dit que Lola était tombée d'un coup."
Juliette raconte encore comment @lifeforparis lui permet "de mettre des petits mots quand ça va pas. Parce que je ne peux pas appeler ma soeur, mes parents. Donc ça me fait beaucoup de bien."
Juliette achève son témoignage en lisant le texte qu'elle a écrit pour l'enterrement de sa nièce, Lola. Elle y évoque sa naissance, leur première rencontre "dans ton petit pyjama vert".
"Tu étais bébé, petite, un peu plus grande et puis jeune femme fauchée en pleine éclosion".
Juliette poursuit la lecture du texte qu'elle avait écrit pour l'enterrement de sa nièce Lola : "tu es partie sans ranger ta chambre, comme d'habitude, tu es partie t'amuser, tu es partie pour toujours, ce n'est pas normal".
Dans son texte écrit pour les obsèques de Lola, Juliette évoque l'interrogation de sa fille Louise, de 6 ans. "Tu m'a demandé si être morte ça voulait dire être absent à l'école pour toute la vie".
Place au témoignage du grand-père de Lola O., Rony, devant une photo de lui et sa petite-fille diffusée sur le grand écran.
"Pour la mémoire de Lola, ma petite fille, pour une trace dans l'histoire, j'ai décidé de m'inscrire dans ce procès."
Rony : "je voudrais remercier Coralie qui a dit que Lola était tombée dès le début. Quel soulagement pour nous de savoir que Lola n'a pas souffert, qu'elle n'a pas assisté aux horreurs décrites ici par les survivants."
Rony : "je voudrais citer une phrase de Lévinas qui figure dans le dernier livre de Yannick Haenel : "je cherche à l'intérieur de la parole ce point où les vivants et les morts se rencontrent."
C'est ma définition de la justice. Ici, c'est l'oralité des débats les mots comptent.
Rony : "j'ai 77 ans, j'ai eu une vie pleine. Quatre enfants. J'ai été prof de SES. Ma femme était professeur de lettres et a eu une vie professionnelle passionnante également."
Rony : "le père de Lola n'était pas près de Lola à ce moment-là. Il a été poussé par la foule et n'a pas pu rerentrer dans la salle à cause de l'attentat. Il nous a dit :"je me reprocherai toute ma vie de n'avoir pas pu sauver Lola".
"A la barre la personne SDAT005 n'a pu retenir ses larmes sur la confusion dans l'identification de Lola" rappelle Rony à la barre. Lola a ainsi été confondue avec une autre jeune fille défigurée par l'attaque. "La balle dans la tête a créé la confusion", explique Rony.
C'est finalement le 18 novembre que Lola est formellement identifiée. "Première victime, dernière retrouvée", résume son grand-père. "C'est dur d'apprendre à vivre avec les morts, surtout celle-là. Hier, j'étais au cimetière de Bagneux, je suis allé voir Lola."
Rony : "Lola était la première de nos cinq petits enfants. Nous avions du temps pour elle.
Toute la famille souffre encore de sa disparition. En particulier, Ivan, notre fils, trisomique, son "tonton rigolo" comme elle disait avec qui elle avait un rapport particulier".
Rony : "Six ans après, Ivan est apaisé. Il nous dit, geste à l'appui, "maintenant, elle est dans mon coeur".
En ce qui me concerne, je lis beaucoup pour essayer de comprendre sur cette question du terrorisme."
Rony : "la mort de Lola m'a fait réfléchir aux trois chocs que j'ai vécu : la diaspora et l'exil depuis l'Egypte, le bouleversement de l'arrivée d'Ivan et le regard de la société sur le handicap et le #13Novembre , l'angoisse incontrôlable et la tentation de l'exil intérieur."
Rony : "des barbares ont tué Lola. Lola dansait au Bataclan. Elle est morte en dansant. C'était la plus jeune. Elle est tombée la première dans l'éclair de la kalachnikov. C'est injuste, absurde, insensé, barbare. Elle était lumineuse, c'était l'innocence même."
Rony: "Lola, ma petite-fille qui découvrait le monde et ne pourra plus continuer à le faire. Elle a eu le temps, dans sa courte vie, de ressentir l'amour autour d'elle.
Nous étions avec elle en novembre 2015, dans notre maison en Auvergne. Le village lui a consacré un beau lieu"
Rony : "il a fallu se battre pour continuer à vivre sans elle. Tous les ans, à l'approche du #13Novembre l'angoisse monte et cette année, tout particulièrement. C'est tellement dur d'exprimer cette cassure que j'ai au fond de moi, ce gouffre dans lequel je ne veux pas sombrer."
C'est au tour du père de Thomas Ayad, décédé au Bataclan à l'âge de 32 ans, de témoigner.
Hacène : "je veux porter un hommage à l'ensemble des victimes mortes ou blessées. L'ensemble des témoignages était émouvant. Ils étaient sans concession, à la limite parfois du supportable"
Hacène, 66 ans : "témoigner d'accord, mais pour dire quoi? Témoigner c'est se replonger dans les horreurs vécues, exhumer nos traumatismes, dévoiler nos souffrances, notre intimité, c'est s'exposer au regard des autres, c'est courir le risque d'être mal compris par la presse."
Hacène : "nos angoisses, nos fêlures sont de l'ordre de l'intime. Et l'intime ne se partage pas, me semble-t-il. Malgré tout ça, j'ai choisi de témoigner car c'est le dernier lieu qui nous reste pour déposer ce lourd fardeau, pour dire à Thomas combien on l'aime."
Hacène : "ce vendredi #13Novembre nous rentrions d'un voyage en Louisiane et nous luttions contre le décalage horaire."
Après un appel d'un autre de leurs enfants, les parents de Thomas ont "directement allumé la télévision. Nous passions d'une chaîne à l'autre."
Hacène : "notre premier réflexe a été d'appeler tout de suite Thomas, nous l'avons rappelé des dizaines de fois.
Nous recevions des informations contradictoires par les uns et par les autres : il s'est réfugié dans les loges, il était au balcon. C'était la confusion totale."
Hacène: "plus le temps passait et plus j'avais peur que l'inéluctable soit arrivé. Nous avons passé une nuit blanche, les yeux rivés sur la télévision. Nous téléphonions aussi régulièrement au numéro vert. La réponse était toujours la même : "il n'est pas sur la liste des morts"
Hacène : "vers 12h30, j'ai reçu un coup de fil de Pascal Nègre, le PDG d'Universal Music [où Thomas travaillait, ndlr] qui nous informait de la mort de Thomas. On n'y croyait pas. Comment était-ce possible? Le monde s'écroulait sous nos pieds."
Hacène : "c'est à moi qu'est revenue la terrible tâche d'annoncer la nouvelle à Christelle [l'épouse de Thomas ndlr]. Je me souviens très bien du silence assourdissant et terrifiant puis l'explosion d'une douleur insupportable qui me pétrifia le sang et qui me le pétrifie encore"
Hacène : "nous n'avons pas eu le temps de prévenir nos familles que le décès de Thomas était déjà annoncé sur les réseaux sociaux. C'est pas ces canaux que mes nièces, mes soeurs et ma mère l'ont appris."
Hacène revient sur la reconnaissance du corps à l'institut médico-légal et le pansement sur la tête de Thomas. "J'ai pensé qu'il cachait le trou d'une balle qu'il avait du recevoir dans la tête. Cette image m'a hanté pendant des mois, voire des années."
Hacène explique que Thomas est enterré à Amiens, à côté de son grand-père. "La ville a tout fait pour trouver une place. C'est le cimetière où est enterré .... ça y est, j'ai un trou."
Dans la salle, quelqu'un lui souffle : "Jules Verne".
"C'est l'émotion", s'excuse Hacène.
Hacène : "le jour de l'enterrement, nous avons été totalement dépassé. Plus de 1600 personnes avaient fait le déplacement. C'était du jamais vu à Amiens. La police municipale a du intervenir pour la circulation. Nous avons été très touché par cette foule très digne."
Hacène fait projeter un plan qu'il a lui-même tracé du Bataclan Café. C'est là que ce trouvait son fils Thomas. "Je pense qu'il a du se lever par réflexe en voyant arriver les assaillants", explique son père. "Il s'est pris une rafale de cinq balles dont une mortelle".
Hacène poursuit sur les derniers instants de son fils, que lui ont raconté des survivants : "nous savons que le corps a été transféré au poste médical avancé et qu'il y a eu une tentative de réanimation du corps".
Hacène : "Thomas avait 32 ans. Il travaillait depuis 7 ou 8 ans chez Universal Music comme chef de projet international pour le label Mercury. Thomas est mort en faisant son métier, qui était sa passion."
Hacène évoque les nombreux artistes pour lesquels son fil travaillait. Il a un peu de mal à prononcer les noms de Queen of the Stone Age ou Eagles of Death Metal. "Pour nous toute cette notoriété nous était totalement étrangère. Et nous en sommes bien entendu, très fiers."
Hacène : "Thomas est né dans une famille mixte. Il avait un lien privilégié avec ses deux grands-pères, l'une catholique et l'autre musulmane. Il était le lien entre ces deux croyances, ces deux cultures. Il défendait les valeurs de la liberté, du vivre ensemble".
Hacène : "Il savait faire la fête, Thomas. Ah ça oui! Thomas est mort trop jeune, mais ça vie a été pleine et dense. Thomas a rejoint ses deux grands-pères. Avec l'un, il organisera, je l'espère, des matches de hockey, avec l'autre des boeufs clarinette-guitare."
Hacène : "c'est à l'ESC que Thomas a rencontré Christelle. Ils s'aimaient. Ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre. Ils venaient d'acheter une maison. Avec mon épouse, nous pensions que nous allions probablement devenir grands-parents bientôt. Et nous en étions très heureux"
Hacène : "ils devaient récupérer les clés de leur nouvelle maison le samedi 14 novembre. Pour Christelle, le choc a été terrible. Tous ses projets se sont écroulés.
Elle a décidé de s'exiler au Canada pour prendre la distance et se reconstruire."
Hacène évoque Tess, nièce de Thomas "qui n'avait d'yeux que pour son tonton parce qu'il connaissait plein plein d'artistes. Dont Justin Bieber".
Hacène : "nous avons longtemps donné le change à nos familles, nos amis, nos collègues. Nous donnions l'impression que nous surmontions les épreuves.
Nous nous sommes retrouvés livrés à nous même sans aide ni prise en charge des pouvoirs publics".
Hacène : "on n'allait plus au concert, ni au théâtre alors que je voyais entre 200 et 250 spectacles par an auparavant. On n'allait plus au cinéma. On a perdu l'habitude de voyager, de recevoir des amis chez nous. C'est triste et angoissant. On devient les ombres de nous-mêmes."
Hacène : "j'attends du procès qu'il nous permette de reconstituer le puzzle des événements. J'espère aussi que ce procès va nous ouvrir la porte d'une reconstruction individuelle et collective. J'attends aussi qu'il nous éclaire sur les responsabilités des uns et des autres".
Hacène : "je suis issu de la deuxième génération d'immigration. Je suis de culture musulmane. Nos deux enfants ont été élevés dans les principes de la laïcité c'est-à-dire la liberté de croire ou ne pas croire."
Hacène : "ces actes de violence barbare, intolérable, inqualifiable, et qui se prétendent agir au nom de l’islam et du Coran me donnent la nausée."
Hacène : "je veux leur dire que l’islam qu’ils prônent n’est ni le mien, ni celui de mes parents, ni celui d’un milliard et demi de Musulmans dans le monde.
Ils se trompent de croire que c’est la religion qui fait l’homme."
Hacène : "je veux répondre à Salah Abdeslam que ce sont nos enfants que vous avez assassinés, par la France. Vous n'êtes qu'un groupe de malfrats en quête d'un territoire, d'une reconnaissance et d'un pouvoir. Vous êtes prêts à tuer toute personne qui ne partage pas vos idées."
Hacène : "je ne peux pas accepter qu'on puisse faire l'amalgame entre des va-t-en guerre, des paumés de notre société, des tueurs sanguinaires et des musulmans qui n'ont qu'une seule envie : vivre dans notre société en paix. Ils prennent en otage tous les musulmans."
Hacène : "j'espère que les âmes des 131 morts et des 500 blessés vous hanteront toutes les nuits jusqu'à votre mort. Vous avez cru que cet acte barbare allait nous anéantir, mais vous avez eu tort. Il nous a rendu plus forts."
Hacène : "il existe un islam des lumières et c'est celui-là que nous reconnaissons. Vous allez être jugés ici par la justice des hommes. Vous verrez ensuite pour la justice divine, c'est votre affaire, pas la nôtre."
L'audience est suspendue jusqu'à 16 heures (environ) avant la suite des témoignages des proches de victimes assassinées au Bataclan.
L'audience reprend.

Salah Abdeslam demande la parole :"les Juifs se conforment à la Torah, les chrétiens à l'Evangile et les musulmans au Coran et à la tradition prophétique."
Salah Abdeslam : "si quelqu'un disait : je suis sportif mais je ne pratique pas de sport, ça n'a pas de sens. Il en va de même si quelqu'un dit : "je suis musulman mais je ne pratique pas."
Salah Abdeslam : "vous avez votre législation, vos valeurs on ne vous en veut pas pour ça. Quant à nous, on pratique notre religion et notre législation chez nous."
Place au témoignage de Virginie, qui était au concert des Eagles of Death Metal avec sa bande de "8 amis".
"On se place dans la fosse sur le côté gauche. Je suis projetée au sol. Je me souviendrai toujours du bruit que fait la foule en tombant sur le plancher du Bataclan."
Virginie : "je rampe, je vois qu'une bonne partie de la fosse rampe dans la même direction. J'ai l'image d'une ondulation collective, comme de l'eau. Je commence à sentir que ça glisse sous mes mains, je commence à sentir l'odeur métallique du sang."
Virginie : "arrivée au niveau de la sortie de secours, les choses se compliquent pour moi. Un Everest, une montage de corps empilés. Soit je rampe et je risque d'être piétinée, soit je grimpe et je risque de me prendre une balle."
Virginie : "je décide de grimper et je m'excuse pour les gens à qui j'ai fait ce que je craignais pour moi. Je me lance et je m'attends à prendre une balle dans le crâne."
Virginie se réfugie dans un local : "je m'attends à voir des terroristes partout dans la rue et arriver dans ce local."
Finalement, "nous nous retrouvons dehors, exposés à toutes les caméras et aux badauds venus attiser leur curiosité qui nous filment avec leur téléphone".
Le lendemain, Virginie n'a toujours par de nouvelles de Claire, l'une des amies avec qui elle était au concert. Elle apprend son décès le samedi soir : "il n'y a plus aucun espoir. Tous les scénarios que je m'étais fait dans la tête s'effondrent".
Virginie ne rentrera chez elle à Lyon que début décembre.
Parmi les symptômes du syndrome de stress post-traumatique, "j'entendais la musique des Eagles of Death Metal. J'avais peur de rester coincée avec cette musique dans ma tête toute ma vie".
Virginie : "nous n'avons plus l'insouciance et la légèreté que nous avions auparavant. Chacun de mes amis ont connu et connaissent encore des moments difficiles. "
Virginie : "je voudrais aussi vous parler de Claire Camax, que j'ai perdue ce soir là. Elle était mariée à Laurent et mère de deux enfants de 3 et 7 ans." Claire Camax avait 34 ans.
"Je me souviens du visage de Claire ce soir-là en la retrouvant dans la fosse du Bataclan."
Virginie : "Avec Laurent, ils ont décidé de changer de vie, de quitter la région parisienne et de s'installer en Touraine pour construire une maison écologique. Tous leurs projets ont volé en éclats ce soir-là. Je pense souvent à Claire et tout ce qu'elle devait encore vivre".
Virginie : "Claire est présente dans chacune de nos vies par le vide qu'elle y laisse.
En assistant aux premières audiences, j'ai compris que ce procès allait être important dans ma vie."
Virginie : "l'espoir que j'ai également c'est que ce procès apporte des vérités pour que les accusés tombent du piédestal qu'ils se sont construits dans leur tête et qu'aucun gamin n'ait un jour envie de leur ressembler, encore moins de les imiter."
Au tour de Zoé, soeur de Nick Alexander de s'avancer à la barre : "je suis britannique et c'est un privilège pour moi de me tenir devant vous aujourd'hui pour la mémoire de mon frère alors qu'il travaillait au stand de merchandising des Eagles of Death Metal. Il avait 35 ans".
Zoé : "comme toujours, il est venu me voir avec mes enfants de 3 et 4 ans avant de partir. Il a passé quelques temps à la maison avec mes parents."
Ce sont ses parents qui l'avertissent qu'une prise d'otages est en cours au Bataclan.
Suivent les longues heures d'attente. "Peut-être qu'il avait été blessé à la tête, peut-être, peut-être, peut-être ...."
Puis "j'ai reçu l'appel que nous craignons tous de la part d'un des collègues de Nick qui nous disait qu'il était mort."
Zoé : "j'ai ensuite appelé mes parents. J'ai composé leur numéro en sachant qu'une fois que j'aurai passé cet appel, nos vies seraient changées à jamais. Nick était désormais le corps Bataclan C3.
C'était sombre, surréaliste, sans fin."
Zoé : "il a quitté cette vie dans les bras de quelqu'un qu'il aimait. Il était peut-être apeuré, mais il n'était pas seul. Et nous lui sommes éternellement reconnaissant pour cela".
Hélène a témoigné plus tôt au cours de ce procès des derniers instants de Nick, dans ses bras.
Zoé : "le nombre de messages qu'on a reçu en provenance du monde entier, de personne qu'il n'avait rencontré parfois qu'une seule fois était considérable. Leurs rencontres avaient été brèves mais Nick les avait fait se sentir spéciaux."
Zoé : "il avait des amis depuis l'enfance et d'autres depuis la semaine précédente. Il n'était jamais blasé et s'il n'avait pas été mon frère, je l'aurais choisi en tant qu'ami."
Zoé : "dans les jours qui ont suivi sa mort, un ami a écrit sur son mur Facebook les mots suivants :
"Chers "courageux" terroristes qui ont tué notre bien-aimé Nick, avez-vous jamais essayé de marcher à travers Gloucester un vendredi soir habillé de vêtements alternatifs?"
Zoé : "il n'y a rien que je ou qui que ce soit puisse faire. Ce qui est fait est fait. Mais depuis plusieurs semaines vous, les accusés, avez entendu des personnes endeuillées, des personnes blessées et traumatisées, vous dire que malgré le mal fait, elles ne vous haïssaient pas"
Zoé : "j'espère que quelque chose, un simple mot que vous aurez entendu ici, résonnera dans votre conscience. Nous ne sommes pas en guerre contre vous. Vous êtes en guerre contre vous-mêmes. Vos ennemis sont plus proches de vous que vous ne le pensez."
Zoé : "monsieur Abdeslam, votre frère est également mort d'une mort brutale et violente cette nuit-là, la vie de votre famille a été changée à jamais. Vos parents et les miens ont vécu la même chose de ce point de vue là."
Zoé : "j'ai été en Syrie et je peux vous dire que les personnes qui nous ont accueillies chez elles n'aiment pas ce que vous avez fait et ne veulent pas que vous parliez en vos noms. "
Zoé : "à tous les accusés, je voudrais que lorsque viendra le moment de parler, vous nous disiez comment vous en êtes arrivés là. Ce n'était certainement pas la voie que vous aviez choisie."
Zoé : "la musique existe dans tous les cultures à travers le monde. Nous pouvons l'utiliser comme langage commun pour briser les barrière qui existent dans la société et donner une voix aux personnes qui ont du mal à s'exprimer."
Zoé: "les terroristes ont essayé de laisser un souvenir de noirceur. Ils ont essayé de laisser la crainte régner mais nous avons choisi à la place l'espoir et la résilience. Vous nous avez pris le corps de Nick mais son âme résonne dans chaque note de musique jouée en sa mémoire
Zoé : "la valise de Nick est toujours là et nous n'avons jamais rallumé son téléphone. Nous sommes incapables d'affronter et découvrir les messages qu'il a reçu ce soir-là".
Zoé : "j'ai entendu les survivants évoquer à maintes reprises leur culpabilité et je voudrais les remercier du plus profond de mon coeur pour le rôle qu'ils ont joué en tant que gardiens de nos proches disparus ce soir-là."
Fin du témoignage de Zoé, soeur de Nick Alexander.
J'en profite pour corriger le nom de la ville natale de Nick Alexandre. Il s'agit de Colchester (et non Gloucester comme tweeté par erreur).
Mea culpa.
Place aux témoignages de la famille de Guillaume Valette, considéré comme la 131e victime des attentats du #13Novembre 2015. Il n'a pas été tué ce soir-là, mais il s'est suicidé le 19 novembre 2017.
Son père Alain, témoigne en premier : "il n'a pas reçu de balle dans le corps, mais si vous me permettez cette expression, les balles psychiques l'ont lentement tué. Notre fils qui aimait tant la vie a été envahi par le stress post-traumatique au point de mettre fin à ses jours."
Alain : "puisqu'il n'est plus là pour le faire, c'est moi qui vais vous raconter son #13novembre
J'emprunte pour cela les mots de sa plainte et ceux qu'il nous a raconté dans la nuit du 13 au 14 novembre."
Alain : "Guillaume s'est couché, il a vu une jeune fille qui regardait fixement le plafond. Il a compris qu'il était morte. Son corps a été pris de tremblements et une femme à ses côtés lui a pris la main et dit : "calme-toi, ça va aller". Ca lui avait fait un bien fou."
Alain : "au moment d'une pause dans les tirs, quelqu'un a dit : "il faut y aller". Il avance mais les tirs reprennent. Il retombe sur un amas de corps qu'il a décrit comme une mêlée de rugby, il essayait de cacher sa tête dans les corps pour se protéger."
Finalement, Guillaume se réfugie dans une pièce bloquée par une planche à repasser. "C'est là, qu'il nous a envoyé un message : "je n'ai rien, je suis en sécurité", raconte son père, Alain.
"Pendant deux heures, Guillaume n'a rien vu mais tout entendu".
Alain : "ce qu'il a marqué, plus que la crainte d'être découvert dans cette loge, c'était les cris des blessés. Puis, quand il a été évacué par la police, Guillaume a regardé la fosse et a découvert l'horreur, ça l'a beaucoup marqué".
Alain : "l'après-Bataclan pour Guillaume se décompose en deux périodes. Jusqu'au mois de juin 2017, Guillaume a développé les symptômes du stress post-traumatique. A partir de juillet 2017, ce stress s'est transformé en un délire hypocondriaque et une dépression majeure".
Alain : "Guillaume nous a tout raconté pendant les heures qui ont suivi l'attentat, mais peu à peu, il s'est refermé. Lui qui était ressorti indemne et ressentait la culpabilité du survivant, voulais être fort."
Alain : "au premier anniversaire des attentats, Guillaume s'est mis à pleurer et nous a dit : "je n'oublierai jamais le bruit de ces mitraillettes". C'était la première fois qu'il nous reparlait de ces attentats. Ca a duré 30 secondes, et il s'est refermé."
Alain : "le 8 juillet 2017, il se réveille brusquement dans la nuit en hurlant, la peur sur son visage. Quelques jours plus tard, il est pris d'une crise d'angoisse au travail. C'est à partir de cette période, qu'il a commencé à être persuadé être atteint d'une maladie grave".
Alain : "il est allé faire une IRM du poumon. Il a fait toutes les spécialités et évidemment, à chaque fois il n'y avait rien. C'était comme ça tout l'été jusqu'à ce que son état s'aggrave fortement au moins d'août."
Alain : "le 24 août, nous l'avons emmené aux urgences à Saint-Anne. Jusqu'à sa mort, il ne sortira plus du parcours hospitalier.
Guillaume continuait à penser qu'il allait mourir de son cancer et que personne ne le soignait. Vous n'imaginez pas notre sentiment d'impuissance."
Alain : "il ne voulait pas faire d'activités, prenait ses repas dans sa chambre, il fallait lutter pour qu'il aille jusqu'au bout du couloir, dans le petit salon. On assistait impuissant à la dégradation de son état. Nous avons alerté les soignants de nos craintes d'un suicide."
Alain : "le 13 novembre 2017, aucun médecin n'est venu le voir dans sa chambre, ils ne sont venus que le lendemain. Le 19 novembre, il s'est suicidé. Dans sa lettre, il persiste : "je suis atteint d'un cancer de l'oesophage"."
Alain : "nous avons entendu des médecins : "j'ai été berné" et d'un autre : "je n'ai rien vu venir".
Son histoire me pousse à vous dire que les blessures psychiques devraient être mieux appréhendées et comprises."
Christophe, le frère de Guillaume Valette s'exprime à son tour.
"Si je témoigne aujourd'hui, c'est simplement pour vous parler de lui, pour que dans le flot immense des victimes, vous sachiez un peu qui était Guillaume Valette, mort de ses blessures."
Christophe : "quand je pense à mon frère, c'est le mot passion."
Le frère de Guillaume raconte le premier concert de son petit frère, "il avait 15 ans." Il se souvient "qu'il sortait littéralement de lui-même, le bonheur sur son visage c'est ce dont je veux me souvenir"
Christophe : "avec mon frère, on avait parlé de ça justement. Pour nous, un concert c'était deux heures hors des petits tracas de la vie, hors du temps, du chômage."
Christophe : "s'il était là pour témoigner de son #13Novembre mon frère vous dirait de rendre justice, une justice objective, sans émotion ni parti pris. "
Christophe : "il adorait les autres, idolâtrait les parents. Quand je m'engueulait avec les parents, il arrivait et disait : "les parents sont les meilleurs, fin du débat." Donc fin du débat.
Il adorait son neveu et a eu une place essentielle dans la petite enfance de mon fils."
Christophe : "est-on faible parce qu'on ne supporte pas la violence ou parce qu'on finit par l'accepter ?
En un sens, Guillaume a toujours été fidèle à ce qu'il était et ce en quoi il croyait. Le suis-je moi-même? Je ne pense pas. J'utilise mes moyens : le cynisme, l'humour."
Christophe : "je ne vais rien vous apprendre en vous disant que le deuil est quelque chose de gris et de complexe. Une famille, aussi soudée qu'elle soit, on doit gérer son deuil et celui des autres. Je vous parle de mon fils et de tous les enfants liés au #13Novembre "
Christophe : "mon fils, en ce moment, on doit lui apprendre que la vie ce n'est pas la mort. On a du lui dire pour son oncle, le terrorisme, le suicide, la méthode du suicide. On a du lui dire parce qu'il commençait à inventer des choses."
Christophe : "pour nous, Guillaume Valette est la 131e victime du Bataclan. Pour nous ce chiffre est important."
Place à la lecture d'une lettre de la mère de Guillaume Valette "qui avait un besoin viscéral de s'exprimer".
"Guillaume était très proche de moi, il voulait toujours m'être agréable."
La mère de Guillaume dans une lettre: "parfois, je retrouve des lettres qu'il m'a écrit pour mon anniversaire ou la fête des mères. Sur l'une d'elle, il a écrit : "chaque maman est différente, mais je suis si heureux d'être ton fils." C'est si bien écrit, ça me tire les sanglots"
Lettre de la mère de Guillaume : "j'ai alerté de si nombreuses fois. Oui, ce sont les mères qui connaissent le mieux leurs enfants. Et quand on s'inquiète, on nous colle une étiquette d'anxieuse. Si j'avais été écoutée, il serait là à la barre pour témoigner de son Bataclan."
Lettre de la mère de Guillaume : "ouvrir la tombe de mon père pour mettre mon fils à ses côtés à été un déchirement pour nous tous."
Lettre de la mère de Guillaume : "le terrorisme ne l'a pas tué le #13Novembre 2015, le terrorisme l'a tué à petit feu, le terrorisme a eu raison de sa vie en deux ans. Toute notre vie, son père, ses frères et moi nous demanderons ce que nous aurions pu faire pour éviter ce drame"
Lettre de la mère de Guillaume : "je sais que je ne me remettrai jamais de la mort de Guillaume et que malgré mes convictions catholiques, je ne pardonnerai jamais".
C'est au tour de Joëlle, veuve de Jean-Jacques Amiot, tué au Bataclan à l'âge de 68 ans. A la barre, elle est entourée de leur deux filles.
"Le week-end prochain, nous allions fêter l'anniversaire de Jean-Jacques, il est du 17 novembre."
Joëlle tente en vain de joindre son mari au téléphone. Puis, "j'arrive à joindre son ami qui était avec lui au concert et qui sanglote au téléphone : ils le recherchent depuis des heures."
Joëlle : "nous avons appris son décès à 22h45 le samedi 14 novembre, mais nous ne savions pas comment il a été tué il où il était précisément."
A l'institut médico-légal, "le médecin légiste nous explique qu'il est mort sur le coup, qu'il n'a pas souffert. Maigre consolation"
Joëlle : "mon immense regret de ne pas avoir été là, de savoir qu'il est mort seul à la sortie numéro 3 du Bataclan, face contre terre, de ne pas avoir pu lui tenir la main et lui dire :"je suis là", de ne pas me souvenir de notre dernier baiser ce jour-là".
Joëlle : "j'étais très émue par les témoignages de survivants qui souffrent de culpabilité. Je voudrais leur dire que je suis heureuse qu'ils soient vivants et debout face à la barbarie.
Continuons à danser, à écouter de la musique, à boire un verre en terrasses, à nous aimer."
Patrick, père d'Alban Denuit, décédé au Bataclan, s'est avancé à la barre. "Mon fils venait d'avoir son diplôme de doctorat et il le fêtait ce jour-là avec ses copains et copines. Malheureusement, il n'est pas rentré."
Patrick : "la personne d'institut médico-légal m"a dit très précisément : "votre fils, on lui a coupé les testicules, on lui a mis dans la bouche, il a été éventré et il a perdu tout son sang". J'étais dans la sidération. J'ai attendu un certain temps."
Patrick : "la psychologue m'a dit : "votre fils est sur le côté parce que la partie droite de son visage ne peut pas être montrée." Et elle a corroboré les dires de la personne de l'accueil. J'ai même vu la psychologue pleurer et c'est moi qui l'ai réconfortée".
Patrick : "j'ai cherché à obtenir le rapport d'expertise médical au plus tôt. Il est arrivé un peu après, mais il ne correspondait en rien à ce que j'avais vu. Ou en tous cas, pas grand chose."
Patrick : "j'ai obtenu les CD des scanners de mon fils et je les ai montré à un médecin. Il m'a dit que sur les 6 CD, 5 n'étaient pas les scanners de mon fils.
Il m'a aussi dit que quelques victimes étaient mortes par arme blanche."
Patrick : "j'ai écrit à Georges Fenech, qui présidait la commission d'enquête parlementaire. Et il se trouve qu'un policier a témoigné devant cette commission et a dit ce que m'avait dit le docteur sur certaines victimes" [qui selon lui auraient été tuées à l'arme blanche ndlr]
Patrick poursuit sur son fils dont un oeil aurait été "arraché", selon lui.
Il évoque ensuite une rencontre avec "Monsieur Nunez et un autre ministre qui m'ont dit : votre fils a été éviscéré par le bas. Et l'autre ministre de rajouter : ils l'ont écartelé et battu à mort".
Le président intervient : "vous avez été entendu par le juge d'instruction qui vous a montré des rapport d'expertise, des photographies de votre fils. Et les lésions que vous décrivez ne sont pas du tout avérées. Il faut remettre les choses dans leur ordre."
Le président : "on a un rapport qui conclut que votre fils Alban Denuit a subit 5 passages de projectiles d'armes à feu."
Un autre rapport conclut "à des lésions thoraciques, abdominales, une fracture du fémur droit. Il n'y a pas d'autres lésions au niveau de l'appareil génital."
Le président poursuit avec le détail d'"un examen radioscopique" qui détaille "un fragment métallique au niveau du poumon droit".
"Donc rien au niveau d'une éventration, d'une ablation des testicules telles que vous l'avez relatées ou d'un oeil crevé".
Le président : "aucun des survivants n'a fait état de la moindre scène de torture telle que vous l'avez exprimée. Au-delà du fait que je ne vois pas pourquoi on cacherait ce genre de chose, la scène qui a duré quelques minutes est déjà en soit d'une gravité extrême."
Le président ajoute encore qu'il "n'a été trouvé trace d'aucune arme blanche sur les lieux. Je tenais à rectifier quand même cela.
Enfin, sur le policier qui a témoigné dans le cadre de la commission parlementaire, il n'est pas intervenu au Bataclan."
Le président : "cette personne dans le cadre de la commission d'enquête a dit que diverses personnes auraient été décapitées. Comment aurait-on pu cacher cela? Je m'interroge sur ce qui a pu animer cette personne et sur les suites données à ce qui ressemble à un faux témoignage"
Patrick : "en tant que partie civile, la manifestation de la vérité est aussi essentielle."
Le président : "je viens de la rappeler."
- Je demande que soit pratiquée une expertise de la dentition de mon fils et comparée à celle des scanners.
Patrick : "je vous demande cela monsieur le président, ce n'est pas grand chose."
Président : "juste un supplément d'information, quoi."
- pour la manifestation de la vérité.
Place au témoignage de Patrick Jardin, père de Nathalie Jardin décédée au Bataclan.
"Je suis veuf depuis 2004 et j'étais le papa de Nathalie Jardin qui était ingénieure lumière au Bataclan bien que la direction ait indiqué qu'elle ne travaillait pas ce soir-là".
Patrick : "ma fille a été assassinée par des monstres. Et je reste poli pour ne pas choquer Mes Ronen et Vettes, les avocats d'Abdeslam. Oui des monstres. Ils se disent combattants, si la situation n'était pas aussi dramatique, je dirais qu'ils sont risibles."
Patrick : "j'ai connu de vrais combattants, des amis qui ont combattu dans la légion étrangère ou dans les paras. Jamais aucun d'eux ne se serait permis de tirer à bout portant ou même à bout touchant contre des personnes désarmées."
Patrick : "quand j'entends Abdeslam justifier de ses actes criminels par fidélité à l'islam, dans sa bouche l'islam a tout d'une idéologie mortifère. On passe là du crime de guerre au crime contre l'humanité, comme vous le savez imprescriptible."
Patrick : "quand j'entends [Salah Abdeslam] se plaindre comme une pleureuse de ses conditions de détentions, je rappelle qu'ils sont pris en charge gratuitement par la justice. Et n'hésitent pas à en abuser puisqu'ils ont tous deux ou trois avocats."
Patrick : "l'islam dont se revendiquent ces assassins permet de faire du mensonge une stratégie de guerre. On mesure par là le fossé immense qui sépare notre civilisation de l'islam. Et on mesure le désarroi de nos services de renseignement intérieur."
Patrick : "Abdeslam n'a pas d'enfant, n'en aura probablement jamais. Ce voyou immature ne pourra jamais comprendre la douleur de perdre un enfant."
Patrick : "ces accusés sans courage, avez-vous seulement imaginé que l'un des nombreuses victimes que vous avez faites puisse se rendre au domicile de vos familles et fasse ce que vous avez fait, c'est à dire un carnage? "
Patrick : "au-delà de ces attentats, pratiqué par des musulmans radicalisés, ce qui est dramatique c'est le silence indécent et assourdissant des autres contre ce carnage. 38% des musulmans ne condamnent pas la décapitation de Samuel Paty."
Patrick : "on me dit haineux. Oui, c'est vrai j'ai la haine. Mais quel est le contraire de la haine? C'est l'amour. Et comment aimer ceux qui ont tué votre enfant. Je sais que beaucoup critiquent ma position, mais peu importe."
Patrick : "je pense moi aussi qu'il y a eu des exactions".
Le président l'interrompt : "il n'y en a pas eu. Vous savez ce que ça fait des balles de kalachnikov dans les yeux? Ce n'est pas la peine de rajouter à l'horreur ce qui est déjà assez horrible."
Patrick : "il me semble anormal de ne pas parler des faits et des personnes qui ont permis que des actes aient été commis dans notre pays. Je trouve le box des accusés bien vide. Il manque les politiques. Les politiques doivent au peuple la sécurité".
Patrick : "Quand François Hollande donne l'ordre d'intervenir en Syrie, je pense que le président de la République a fait preuve de négligence quant à la sécurité des Français. Il était président de la République, mais certainement pas un chef d'Etat."
Patrick : "un directeur des services m'a indiqué qu'il était sur le point d'arrêter certains des terroristes mais qu'il n'avait plus assez d'effectifs car Manuel Valls les avait envoyer à l'étranger pour amasser des fonds pour sa campagne."
Patrick : "autre preuve de la négligence de nos dirigeants : le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve savait qu'il allait se passer quelque chose puisqu'il déclara le matin même à son directeur de cabinet qu'il redoutait un attentat de 130 morts".
Patrick : "on a appris que derrière le Bataclan se situe une mosquée, fréquentée entre autres par les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et les frères Abdeslam. Mosquée toujours en activité. Après les attentats de Charlie Hebdo [janvier 2015, ndlr], on n'a tiré aucun enseignement."
Patrick : "autre artisan du désastre administratif français : monsieur Le Drian, alors ministre des armées, incapable de se justifier de l'absence d'intervention des militaires de l'opération Sentinelle qui auraient pu sauver de nombreuses vies".
Patrick : "six ans après cette tragédie, je n'arrive toujours pas à comprendre comment les militaires en faction devant le Bataclan ont pu rester inerte face aux cris d'effrois. J'espère que le matin, ils arrivent encore à se regarder devant une glace."
Patrick : "j'ai compris qu'on était dirigés par des gens dépourvu du courage le plus élémentaire, incapable de prendre la moindre décision et dépourvus d'honneur. S'ils en avait eu, ils auraient fait comme les ministres belges de l'intérieur et la justice et auraient démissionné"
Patrick : "j'oublierai jamais cet affreux hommage national aux Invalides, sans chaleur, sans empathie, où le président de la République est venu prononcer un discours insipide et s'est enfui après sans consoler les familles victimes par sa faute".
Patrick : "je n'oublierai pas non plus l'inhumation de ma fille, le jour de mon anniversaire, le 27 novembre.
J'adore mon pays qui je pense est le plus beau pays du monde mais malheureusement dirigé par des personnes dénué de la plus élémentaire empathie."
Patrick : "plus le temps passe et plus la douleur d'avoir perdu ma fille augmente. Car plus le temps me séparant d'elle augmente. J'en suis réduit à continuer à payer son abonnement téléphonique pour pouvoir entendre sa voix."
Patrick : "je vis désormais en sachant qu'un jour tout peut basculer brutalement.
On va encore me traiter de facho, d'ultradroite, alors que je ne fais pas de politique".
Patrick : "je sais que mes propos vont choquer, mais j'ai bien trop de respect pour cette cour pour ne pas dire ce que je pense. J'attends que ces monstres pourrissent jusqu'à leur mort en prison. Cela leur donnera le temps de réfléchir au sens de leurs actes."
Patrick : "j'attends que les Français prennent conscience de ce qu'est devenu la France et prennent les mesures pour se protéger puisqu'apparemment dans ce pays, on ne peut compter que sur soi."
Le président : "merci monsieur pour cette déposition qui n'était donc pas politique. Merci de la confiance que vous placez dans la confiance de votre pays, on va tout faire pour la mériter et commencer par appliquer le principe de la présomption d'innocence pour les accusés".
Le président : "on va appliquer le principe du contradictoire après avoir entendu les témoins dont, cela devrait vous satisfaire, certains hommes politiques. On aura donc tous les éléments à discuter et on va prendre le temps d'entendre ces personnes."
Fin de l'audition de Patrick Jardin et de cette 33e journée d'audience.
L'audience est suspendue, elle reprendra demain à 12h30 avec les témoignages de proches de victimes du Bataclan, mais aussi de policiers primo-intervenants.
Le compte-rendu de l'audience du jour, illustré par @ValPSQR est à lire ici > franceinter.fr/justice/proces…

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