Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui le 44e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre

Le compte-rendu de l'audience d'hier avec les auditions de @MicheronH et Bernard Bajolet par @sophparm et illustré par @ValPSQR est à retrouver ici >

franceinter.fr/justice/proces…
Au programme aujourd'hui : les auditions du ministre de l'Intérieur et du procureur de la République de Paris de l'époque : Bernard Cazeneuve et François Molins.

A suivre en LT ici.
Et retrouvez @sophparm sur l'antenne de @franceinter
L'audience reprend pour aujourd'hui. Quelques points de procédure avec le versement de différentes pièces aux débats, de nouvelles constitutions de parties civiles également.
Place à l'audition de Bernard Cazeneuve qui arrive à la barre depuis la salle des témoins. Costume sombre, cravate à motifs vert.
"Bonjour monsieur le Premier ministre", l'accueille le président de la cour d'assises spécialement composée.
Bernard Cazeneuve débute son propos liminaire, comme le veut la règle en cours d'assises : "je suis ici pour témoigner de ce que fut mon action. Pendant la période où j'étais ministre de l'Intérieur, notre pays a été secoué par une vague d'attentats sans précédent".
Bernard Cazeneuve : "j'ai eu à voir de près le choc occasionné par ces attentats sur les victimes. Et j'ai suivi de très près depuis le début de ce procès leurs témoignages devant votre cour. J'ai été très impressionné et touché au coeur par la force de ces témoignages."
Bernard Cazeneuve : "cette dignité [des victimes du #13Novembre ndlr] nous oblige. Et m'oblige également à être extrêmement précis.
Vous me permettrez de rendre hommage aux magistrats qui ont conduit les investigations et permis que ce procès ait lieu".
Bernard Cazeneuve : "vous me pardonnerez d'évoquer le rôle joué par certains qui au sein du ministère de l'Intérieur ont déployé toute leur énergie pour assurer la protection des Français durant cette période tragique et dont certains ont perdu leur vie."
Bernard Cazeneuve : "Je pense à Ahmed Merabet, à Franck Brinsolaro, Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing et Arnaud Beltrame.
Je pense à tous les policiers valeureux des services spécialisés qui sont intervenus."
Bernard Cazeneuve: "lorsqu'un attentat survient après qu'une mobilisation aussi grande est intervenue, c'est un échec. C'est un échec pour ceux qui se sont mobilisés et leur rôle est de tirer les enseignements pour améliorer la lutte contre la corruption ... pardon le terrorisme"
Bernard Cazeneuve : "à partir d'avril 2014, nous avons constaté qu'un nombre de plus en plus important de ressortissants français et européens partaient sur le théâtre des organisations terroristes."
Bernard Cazeneuve : "3 semaines après mon arrivée place Beauvau, j'ai été amené à présenter un ensemble de dispositions : la mise en place du centre national de prévention de la radicalisation avec un numéro vert. Des dispositions législatives ont été présentées le même jour."
"Ces dispositions ont donné naissance à la loi du 13 novembre 2014" explique l'ancien ministre de l'Intérieur qui cite notamment la possibilité de perquisitions administratives, un meilleur contrôle des contenus à connotation terroriste sur Internet.
Bernard Cazeneuve : "cette loi ne suffisait pas à prévenir le risque d'attentats. Les individus qui préparaient ces attentats communiquaient par des moyens cryptés. Et la loi sur le renseignement dont nous disposions datait de 1991 à une époque où il n'y avait pas internet."
Bernard Cazeneuve : "c'est ainsi que nous avons engagé un débat qui a aboutit à la loi de juillet 2015 qui a permis aux services de renseignement d'être dotés d'outils qui n'existaient pas jusqu'alors."
Bernard Cazeneuve : "en dépit de ces dispositions législatives, la montée en puissance de Daech et le départ de citoyens français avant l'adoption de la loi de novembre 2014 a fait peser sur notre pays une menace réelle. On souhaitait nous frapper en raison de ce que nous étions"
Bernard Cazeneuve : "nous étions, pour des raisons tenant à ce que la France représentait en terme de valeurs à travers le monde, particulièrement visés. La menace s'était exprimée bien avant que les frappes de la coalition [en Irak et en Syrie, ndlr] ne commencent."
Bernard Cazeneuve : "à la veille des attentats de novembre 2015, les services de renseignement suivaient 158 dossiers, concernant 941 terroristes exactement. A peu près 300 avaient été interpellés et la moitié à peu près incarcérés. C'est dire l'importance du sujet."
Bernard Cazeneuve : "en 2015, nous sentions que la menace s'intensifiait en raison du nombre d'attentats déjoués. En juillet 2015, est arrêté Tyler Vilus, un attentat est déjoué concernant des individus qui se proposaient de décapiter le commandant de Fort Béart."
Bernard Cazeneuve : "au lendemain des attentats de janvier 2015, nous sommes allés au-delà des engagements pris par le président de la république qui consistaient à créer chaque année 500 postes de policiers et gendarmes pendant cinq ans."
Bernard Cazeneuve : "au lendemain des attentats de janvier 2015, un plan de lutte antiterroriste a été présenté par le gouvernement qui s'est traduit par 800 effectifs supplémentaires pour permettre aux services de renseignement à faire face à la menace accrue."
Bernard Cazeneuve détaille encore l'augmentation des effectifs de police, de gendarmerie, les budgets de dotation en matériel pour les forces de l'ordre etc.
L'ancien ministre de l'Intérieur développe encore les dispositions de "renforcement du plan Vigipirate".
Bernard Cazeneuve : "après les attentats de janvier 20215, les forces spécialisées [GIGN, Raid, BRI, ndlr] ont décidé d'engager des modifications pour améliorer leurs conditions d'intervention : le développement de forces d'intervention rapide, d'un plan d'assaut ..."
Bernard Cazeneuve : "nous avons été amenés à renforcer considérablement la coopération sur le plan européen car il y avait beaucoup d'angles morts, d'insuffisances, de manquements, avec le sentiment d'être toujours dans une course contre la montre."
Bernard Cazeneuve : "nous avions un dispositif de contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne insuffisant. Frontex disposait d'un budget insuffisant. Ce budget sera porté de 250 millions à 500 millions d'euros, ses effectifs à 1700."
Bernard Cazeneuve : "la journée du #13Novembre commence par des réunions le matin place Beauvau en vue de la déclinaison d'un plan de lutte contre le trafic d'armes. Puis il y a une remise de décoration à Montrouge pour remercier les collègues de Clarissa Jean-Philippe".
Bernard Cazeneuve : "c'est au moment de la pause du dîner que je reçois un coup de fil du président de la République. Il me dit : "je viens d'entendre une explosion, je suis au match de football, pourriez-vous vous renseigner auprès du préfet de police de Paris?"
Bernard Cazeneuve : "les informations sont encore confuses. Je quitte Beauvau immédiatement pour rejoindre le président la République sur place. J'arrive 25 minutes plus tard au Stade de France. Pendant le trajet, le préfet de police m'informe d'une 2e explosion et de fusillades"
Bernard Cazeneuve : "lorsque j'arrive au Stade de France, j'ai la conviction que nous sommes face à une situation d'attaques massives. Le Premier ministre [Manuel Valls ndlr] active la cellule de crise."
Bernard Cazeneuve : "nous sommes informés de l'attaque du Bataclan et qu'il y a des otages. Il est décidé de mobiliser les forces d'intervention pour faire libérer les otages.
Au sein de la cellule de crise, nous avons pour objectif d'éviter des surattentats."
Bernard Cazeneuve : "il est décidé, compte-tenu de la gravité de l'attaque, de déclencher l'état d'urgence et pour se faire d'organiser un conseil des ministres aux alentours de minuit."
Bernard Cazeneuve : "dès le lendemain se déclenchent l'ensemble des mesures de l'état d'urgence. Ce sont près de 4000 perquisitions qui interviendront. Elles permettront de déclencher 597 poursuites, qui aboutiront à la récupération de 600 armes."
Bernard Cazeneuve : "je veux rendre hommage à ceux qui sont intervenus dès les premiers minutes : le commissaire de la BAC et son chauffeur. Ces policiers sont des héros. Comme les policiers de la BAC qui sont entrés dans des conditions de risque extrêmes. Comme les pompiers."
Bernard Cazeneuve évoque le documentaire diffusé sur @Arte "Les ombres du Bataclan" selon lequel d'autres forces auraient pu intervenir plus tôt au Bataclan. "L'intervention destinée à sauver des otages est difficile. Seule la BRI et le Raid pouvait intervenir".
Bernard Cazeneuve revient également sur la polémique selon laquelle "les soldats de Sentinelle auraient pu intervenir".
"Nous avions 11 000 sites protégés par l'opération Sentinelle, mais nous étions aussi obsédés par les 77 000 écoles primaires, plus les lieux de cultes."
Bernard Cazeneuve : "on ne peut pas faire rentrer des militaires qui n'ont pas été formés pour cela pour mettre fin à une prise d'otages. Et pour utiliser leurs armes dans les conditions de légitime défense, encore aurait-il fallu que les terroristes soient visibles."
Bernard Cazeneuve poursuit, cette fois au sujet des menaces éventuelles pesant sur le Bataclan : "je n'ai jamais reçu de note m'informant d'une menace sur le Bataclan. Il est évident que si j'avais été alerté, j'aurais pris des dispositions pour sécuriser ce lieu."
Bernard Cazeneuve : "enfin, il y a eu une polémique sur les conditions dans lesquelles Salah Abdeslam a été interpellé ..."
Il se reprend. "... contrôlé le 14 novembre par les forces de gendarmerie sur l'autoroute."
Bernard Cazeneuve indique que le cadre légal en vigueur à l'époque "n'a pas permis de procéder à l'interpellation" de Salah Abdeslam lors de son contrôle, par la gendarmerie, quelques heures après les attentats du #13Novembre️
Il sera arrêté à Bruxelles 4 mois plus tard.
Fin de la disposition spontanée.
Le président l'interroge sur l'importante délégation d'officiels, dont François Hollande et Bernard Cazeneuve, qui s'est rendue au Bataclan juste après les attentats.
"J'ai toujours considéré que la délégation ministérielle était trop nombreuse".
Bernard Cazeneuve : "l'attaque commencer à 21h40. Les forces de secours de la BSPP arrivent à 21h49 sous les tirs, les BAC arrivent dans la foulée. La BRI est informée autour de 21h50, elle entre autour de 22h20."
Bernard Cazeneuve : "La BRI qui arrive à 22h20, ce ne sont pas les colonnes classiques, c'est la force rapide d'intervention. Les colonnes elles-mêmes arrivent autour de 22h40. Et deux colonnes supplémentaires interviendront au moment de l'assaut au premier étage."
Notons que l'ancien ministre de l'Intérieur (et plus tard Premier ministre) Bernard Cazeneuve, qui cite de nombreux chiffres, dates, horaires etc, dans sa déposition s'exprime sans aucune note depuis maintenant près d'une heure 30.
Bernard Cazeneuve : "j'ai été très blessé, mais pas à titre personnel, pour eux, quand j'ai vu la manière dont [les policiers de la BRI, ndlr] étaient mis en cause par certains commentaires. J'ai vu à travers leur regard ce qu'ils avaient pu éprouver et ressentir."
Le président : "certains primo-intervenants auraient voulu profiter de l'armement de l'opération Sentinelle ..."
Bernard Cazeneuve :"ces armes n'étaient pas celles utilisées par la police nationale". Il indique que celle-ci est désormais formée en ce sens.
Bernard Cazeneuve évoque "la relation de très grande confiance professionnelle entre [le procureur de la République de Paris ndlr] François Molins et moi. Nous estimions que nous étions l'un et l'autre comptable de la sécurité des Français."
Bernard Cazeneuve : "depuis les attentats, il ne s'est pas écoulé un jour sans que je me sois posé la question de savoir s'il y avait quelque chose que j'aurais pu faire et que je n'ai pas fait. Cette question me hante en permanence."
Bernard Cazeneuve : "les attentats sont survenus, des vies ont été brisées, des Français sont inconsolables. Comment ne pourrais-je pas me poser la question de savoir si nous aurions pu faire autrement. Je continuerai à m'interroger jusqu'à mon dernier souffle."
Bernard Cazeneuve reconnaît, même si cela n'était pas de la responsabilité de son ministère dit-il, les "dysfonctionnements majeurs" du numéro d'appel, "des conditions d'accueil des familles à l'école militaire" dans les heures et les jours qui ont suivi les attentats.
Bernard Cazeneuve : "ce soir là, il y a des informations qui remontent du préfet de police de Paris. Elles nous rendent compte de l'état d'intervention des forces et de la prise d'otages. Et la conclusion à laquelle nous arrivons, est qu'il faudrait donner l'assaut".
Bernard Cazeneuve : "me rendant sur les lieux du Bataclan, je vois sortir après l’assaut, une jeune femme dont le regard est perdu, j’éprouve ce qu’éprouvent tous les Français devant leur écran de télévision et qui sont au bord des larmes."
Bernard Cazeneuve : "il y a ce que je ressens en tant que citoyen mais je suis ministre de l'Intérieur. Je dois agir. Et ce que j'ai éprouvé n'est rien par rapport à la douleur des familles qui est insondable. Et c'est pour cela que je n'ai jamais exprimé ces sentiments"
Bernard Cazeneuve, une nouvelle fois interrogé sur la connaissance d'éventuelles menaces sur le Bataclan : "quelle eut été la logique qui voulait , alors que la mobilisation était absolue, que nous aurions écarté des informations? Par quelle logique aurions-nous agi de la sorte?"
Bernard Cazeneuve : "les mosquées pour lesquelles nous avions des informations que s'y tenaient des propos à caractère terroriste ont systématiquement fait l'objet de démarches pour obtenir leur fermeture. Les dispositions de l'état d'urgence nous ont facilité ces démarches"
Bernard Cazeneuve : "l'islamisme est un totalitarisme. C'est une idéologie totalitaire qui est destinée à priver de la liberté. Donc je n'ai jamais considéré qu'il pouvait y avoir des explications justifiant des crimes terroristes."
Bernard Cazeneuve : "aucune explication au monde ne peut justifier qu'on ait la moindre complaisance à l'égard d'une idéologie totalitaire qui a pour objectif, dans la plus grande violence, de semer la désolation."
Me Claudette Eleini : "vous avez évoqué plusieurs angles morts. J'en ajouterai un : Abdelhamid Abaaoud. Angle mort à double titre puisqu'il est mort."
Bernard Cazeneuve : "Abaaoud n'a jamais résidé en Belgique. En 2013, il va sur le théâtre des opérations terroristes".
Bernard Cazeneuve : "nous ne savions pas qu'[Abdelhamid Abaaoud] était sur le territoire national au moment où les faits se sont produits."
Me Claudette Eleini (PC): "ça fait peur de savoir que des terroristes ne sont pas localisés lorsqu'ils pénètrent sur le territoire français"
Bernard Cazeneuve : "en nous attaquant, les terroristes veulent remettre en cause l'unité et l'indivisibilité de la nation France..
Et donc la difficulté de la lutte antiterroriste c'est à la fois d'être implacable et en même temps de ne pas céder sur les principes de droit".
Bernard Cazeneuve : "il fallait accepter d'aller devant le Parlement, des heures durant, rendre compte de la manière dont nous mettions en oeuvre des mesures de police administrative. C'était fondamental."
Me Szwarc (PC) :"est-ce qu'il n'y a pas eu une sous-évaluation laissant penser que la crise syrienne n'aurait pas de conséquences en France?"
Le président : "vous avez trois heures ..."
Rires dans la salle.
Bernard Cazeneuve : "ce n'est pas assez monsieur le président ..."
L'audience est suspendue "pour une petite pause. Monsieur le premier ministre, vous avez déjà répondu à beaucoup de questions", indique le président.
L'audience a repris avec la suite des questions d'avocats de parties civiles à Bernard Cazeneuve.

Me Reinhart l'interroge : "est-ce que les attentats du #13Novembre sont le fruit d'une politique migratoire défaillante?"
Bernard Cazeneuve : "les terroristes ont emprunté les flux migratoires, non pas parce qu'ils en avaient la possibilité. Mais parce qu'en le faisant, ils créent les conditions de la fracturation de la société française. Donc ils avaient un intérêt stratégique à le faire."
Me De Montbrial (PC) : "une jeune femme dont le compagnon a été tué au Bataclan m'a spécifiquement demandé de poser la question suivante : il avait été question de décorer les intervenants de la légion d'honneur. Elle voulait savoir si ça avait été le cas?"
Bernard Cazeneuve :"500 médailles de la sécurité intérieure et une dizaine de légion d'honneur ont été distribuées. Je ne peux pas vous dire à qui."
Devant l'absence de questions et des avocats et de la défense, que le président salue d'un "merci", au vu de l'heure tardive, Bernard Cazeneuve peut quitter la salle d'audience.
C'est donc au tour de l'ancien procureur de la République François Molins de venir à la barre.
Mais avant cela, Me Raphaël Kempf (avocat de Yassine Atar) souhaite intervenir sur le refus manifesté par les enquêteurs belges de venir témoigner à l'audience.
"C'est quand même sur la base du travail des enquêteurs belges que Yassine Atar se trouve dans ce box".
Me Kempf : "nous ne comprenons pas pourquoi les enquêteurs belges ne veulent pas se présenter. Nous avons un certain nombre de questions précises à leur poser."
Me Eskenazi, avocat belge de Mohamed Abrini se lève à son tour "il y a toujours le bon Belge qui arrive à la fin".

Il plaide, lui aussi, pour la venue des enquêteurs belges. Et finit son argumentaire par la formule d'usage en Belgique : "j'ai dit et je vous remercie".
Ce débat était initialement prévu pour se tenir vendredi matin en chambre du conseil, c'est-à-dire lors d'une audience de réunissant que la cour, les avocats généraux et les avocats de défense et de parties civiles.
Sans les accusés, le public et la presse.
Alors que Me Raphaël Kempf avocat de Yassine Atar) s'agace, le président le reprend : "ne vous énervez pas, vous pouvez le dire calmement".
- je n'y arrive pas monsieur le président, je suis trop jeune pour ça, peut-être.
- merci pour les moins jeunes.
Le président indique avoir "pris une décision de réouverture des débats, personne ne m'y a forcé". Il maintient donc le débat prévu ce vendredi, en comité restreint.
L'audience est suspendue quelques minutes pour l'arrivée de François Molins.
François Molins s'approche à la barre. "On vous a fait un petit peu attendre", s'excuse le président.
"Je suis à la disposition de la cour" répond celui qui est aujourd'hui procureur général près de la cour de Cassation.
François Molins (@francois_molins) demande à s'asseoir "parce que j'ai quelques problèmes de dos".
"J'ai été cité comme témoin devant votre cour d'assises, ce qui est inédit pour un procureur, inédit pour moi. Je ne suis pas là pour porter une appréciation sur les charges"
François Molins : "je voudrais dire deux choses en préambule : cet attentat terroriste n'a pas été évité. J'ai toujours vécu ce type de situation comme un échec. Et tout n'a pas été parfait. On a fait je crois au mieux, en donnant le meilleur de nous-même au parquet de Paris."
François Molins : "après chaque attentat, le parquet de Paris avait pour habitude de pratiquer des Retex, des retours d'expérience pour être meilleur la fois d'après. L'histoire, et c'est vrai pour la justice, n'a de sens que si on sait tirer les leçons de l'expérience."
François Molins : "à l'époque 9 magistrats composaient la section C1 [section du parquet de Paris dévolue à l'antiterrorisme, ndlr]. Je les ai porté à 11 en janvier 2016. Mais les moyens pouvaient être considérablement renforcés dans le cadre de la cellule de crise."
François Molins : "on a commencé à être confrontés au terrorisme djihadiste dans les années 2011-2012. On assiste alors aux départs de Français dans les zones tribales du Pakistan et d'Afghanistan."
François Molins : "mars 2012, c'est l'affaire Merah. Elle va nous permettre de tirer un certain nombre de leçons, au moins 5 : 1/ la difficulté de détecter les terroristes, 2/ la nécessité de pénaliser la préparation des actes de terrorisme à l'étranger ..."
François Molins : "... 3/ le fait qu'on était face à des terroristes déterminés, 4/ les difficultés de la prise en charge des victimes et 5/ les enjeux de la communication."
François Molins : "on a assisté à partir de 2012 à une augmentation phénoménale de la menace. Et on a eu une massification du contentieux : 10 dossiers ouverts en 2012, 239 en 2016."
François Molins : "A noter que la France et la Belgique sont les deux pays les plus touchés en Europe : la France en valeur absolue, la Belgique en proportion de la population."
François Molins : "c'est pas moins de 2000 Français qui ont été concernés, soit parce qu'ils avaient quitté la France pour la zone irako-syrienne, soit parce qu'ils avaient des projets de départs, soit parce qu'ils aidaient des personnes à concrétiser leur projet de départ".
François Molins : "on était bien conscients que la détection de ses individus devait se faire dans des délais très raccourcis. Donc on a progressivement construit une politique pénale adaptée aux enjeux de la situation."
François Molins : "on a assisté à une montée en puissance de Daech avec la proclamation du califat en juin 2014 et en septembre 2014 l'appel de Daech au meurtre pour tuer tous les Français mécréants en quelqu'endroit qu'ils se trouvent. Avec une année 2015 particulièrement dure"
François Molins : "2015 est une année dramatique, ponctuée d'attaques terroristes lourdes et au cours de laquelle les services de renseignement nous disent régulièrement que la menace n'avait jamais été aussi élevée. Et que la question n'est plus si mais quand, où, comment."
François Molins explique que le #13Novembre il sort d'une semaine à Marrakech à la rencontre d'autres magistrats antiterroriste. "Le vendredi, je suis donc assez fatigué, je vais me coucher tôt". Jusqu'à la première alerte d'une explosion au Stade de France.
François Molins active alors la cellule de crise du parquet de Paris. "Je vais y passer tous les jours qui suivent. Elle constitue une sorte de permanence pour tous les services de police, les hôpitaux de Paris, les pompiers etc. Ca fonctionne comme une salle d'état-major".
François Molins : "j'ai rappelé mes officiers de sécurité et je suis parti à la Bonne bière et au Carillon. Il est 22h15 ou 30 pas plus. Il n'y a encore aucun enquêteur. En arrivant, je suis tombé sur un brigadier du 11e qui a enlevé son gilet pareballe pour me le mettre."
François Molins : "je suis parti au Carillon, c'était pareil : des corps couchés sur le trottoir. J'ai discuté avec une dame derrière le bar qui m'a raconté la scène : la voiture noire, les individus qui rafalent au fusil d'assaut. Et ensuite, je vais au Bataclan."
François Molins : "le chef de la BRI vient nous voir et nous soumet un plan d'assaut. Avec le préfet de police de Paris, on va valider très vite ce plan. L'assaut va être donné à 00h20, on le suit à l'aide de la radio. Et on va comprendre que les otages sont sains et saufs."
François Molins entre ensuite dans le Bataclan : "c'est l'horreur, c'est dantesque. J'avais jamais vu un bilan aussi lourd. Je n'oublierai jamais le corps d'une dame, les cheveux au carré avec la tête posée sur un sac à main où un portable n'arrêtait pas de sonner. "
A la barre, François Molins revient sur sa découverte de la scène de crime du Bataclan : "en fait, je ne sais pas si je n'arrivais pas à y croire ou si je refusais d'y croire. Je suis rentré trois fois dans le Bataclan."
François Molins détaille ensuite les premières investigation. Dès "4h10, on apprend qu'une voiture a été loué en Belgique à Etterbeek".
"On va très vite mettre en oeuvre une coopération pénale avec le parquet fédéral" belge.
François Molins : "le samedi à 13h50, on a deux appels. Le premier de la DGSI qui nous donne l'identité de Salah Abdeslam et nous informe qu'il a été contrôlé le matin à Cambrai. Et au même moment, le parquet fédéral [belge, ndlr] nous informe qu'il délivre un mandat d'arrêt".
François Molins : "à ce stade, si on fait les comptes, il apparaît que sont dans la nature : Salah Abdeslam et deux membres du commando des terrasses."
François Molins : "les recherches vont rester vaines jusqu'au lundi 16 novembre. Les enquêteurs nous informent qu'un témoin que j'appellerai Sonia explique qu'elle a vu un homme sortant d'un buisson à Aubervilliers et qu'elle a immédiatement reconnu : Abaaoud."
François Molins : "ce sont des déclarations incroyables qu'on prend avec beaucoup de prudence et on se demande si le témoin n'a pas été manipulée pour attirer la police dans un guet-apens.
On met une surveillance en place devant le buisson d'Aubervilliers."
François Molins : "on sait désormais où sont les 2 terroristes. On prend la décision de les interpeller. L'assaut va être donné au cours de la nuit à 4h10.
A un moment donné, l'un des deux terroristes va déclencher son gilet explosif qui va entraîner l'effondrement du plancher"
François Molins : "même si on redoutait des attaques d'ampleur, je pense qu'en réalité on n'était pas préparés. Avec des attaques sur huit sites."
François Molins : "on a constaté de nombreuses difficultés : des problèmes d'articulation entre les numéros d'appels, aucun lieu d'accueil avant le samedi matin à l'école militaire et de nombreuses familles ont erré la nuit du vendredi et le samedi à la recherche de proches"
François Molins détaille également les problèmes d'identification des 130 victimes décédées ou d'autres grièvement blessées : "il y a eu des erreurs d'identification et d'interversion de corps et je mesure bien le caractère épouvantable et insoutenable pour les victimes".
François Molins : "je dois avouer que j'ai mis une pression maximale sur le directeur de l'institut médico-légal. Et j'ai indiqué que les opérations de médecine légale devaient être terminées le 20 novembre au soir". Soit six jours après les attentats du #13Novembre
François Molins : "la coopération a été un enjeu majeur dans ce dossier. Il n'y a plus d'attentat terroriste qui ne concerne qu'un seul pays. La coopération avec les Belges est exemplaire depuis l'affaire Nemmouche" [auteur de l'attaque du musée juif de Bruxelles, ndlr]
François Molins évoque cependant le problème "des fuites dans les médias, à de multiples reprises, qui ont empoisonné les relations avec les Belges. Cela a atteint un summum avec la révélation dans l'Obs de la découverte des empreintes de Salah Abdeslam dans une cache de Forest".
François Molins conclut sur "le devoir impérieux" selon lui, du procureur de communiquer "et de donner à la presse des informations sérieuses".
"C'est ce qu'on a essayé de faire dans ce dossier. C'est des centaines de médias qui téléphonaient. Il y a 4 conférences de presse"
François Molins : "on a vite compris que la communication que nous organisions permettait de gérer les peurs, rassurer nos concitoyens. Je pense avec le recul que cet exercice est indispensable et j'espère qu'il a contribué à renforcer la confiance du public en la justice".
François Molins, interrogé à son tour sur la menace qui pouvait peser sur le Bataclan : "à l'époque, à aucun moment, on est en état de penser que le Bataclan est une cible. Par contre, il y a eu une époque où le Bataclan a pu apparaître comme une cible terroriste éventuelle."
Président : "certaines parties civiles ont manifesté le regret que la BRI soit intervenue avec un certain délai"
François Molins : "je comprends les questionnements sur ce point. Je connais aussi des situations où on a essayé de faire mieux et on a fait bien pire".
François Molins cite des exemples d'interventions sur des braquages de gens bien intentionné mais par formé et qui se sont mal terminées pour les victimes, des passants : "on n'est pas au far-west où on entre dans un saloon avec des portes qui s'ouvrent et on tire de partout".
François Molins : "un plan d'assaut n'est jamais identique, il est adapté à la situation. Et une fois qu'on l'a construit, on va le soumettre. C'est vrai qu'il s'écoule près d'une heure. Mais je ne suis pas persuadé qu'on aurait pu faire mieux."
François Molins interrogé sur l'improvisation des terroristes survivants du commando des terrasses : "je me suis posé la même question et je me la pose encore. Il y a quelque chose de tout à fait irrationnel. Pourquoi être allé se refugier dans un buisson? Je ne sais pas."
Interrogé sur les autopsies des terroristes, François Molins rappelle "il y a eu l'histoire du Captagon que les terroristes auraient pris pour se donner du courage. En réalité, il n'y en avait pas. Il y a pu avoir chez [Samy] Amimour des traces d'alcool, mais pas grand chose."
François Molins, interrogé sur le fait que les terroristes du Stade de France n'avaient pas de billet leur permettant d'entrer : "c'est quelque chose qu'on a du mal à expliquer, cette petite part d'amateurisme alors qu'on est dans une organisation extrêmement structurée."
François Molins au sujet de l'intervention du 18 novembre à Saint-Denis : "j'étais tellement sensible à la situation de ces braves gens que deux jours après, j'ai téléphoné à la préfète pour insister sur le devoir de reloger ces gens-là dans les meilleurs délais"
Après une nouvelle question de Me Mouhou (PC) sur l'intervention du Raid à Saint-Denis, le 18 novembre, le président s'agace : "monsieur Molins a déjà répondu. Je vous propose, si vous avez de bonnes idées, d'intégrer le Raid.
On n'est pas au tribunal administratif !"
Le président, agacé une nouvelle fois par la question d'un avocat de parties civiles sur la règle en matière d'avis à victimes : "attendez, le juge d'instruction fait ce qu'il veut. Il avise au début, au milieu ou à la fin. J'ai une petite expérience en la matière".
Les avocats généraux n'ont pas de question à poser à François Molins "suite à ce propos très complet", précise Camille Hennetier.
"D'autant plus que nous ne sommes pas impartiaux en la matière", ajoute celle qui fut le bras droit du procureur de la République de Paris.
Fin de l'audition de François Molins. L'audience est suspendue jusqu'à demain. Elle reprendra à 12h30.
Retrouvez le compte-rendu de l'audience du jour, illustré par @ValPSQR ici > franceinter.fr/justice/proces…

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9 Nov
Bonjour à tous,

De retour au procès des attentats du #13Novembre pour la 10e semaine, 41e jour d'audience.

Le compte-rendu de la dernière journée par @sophparm est à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…
Cette 10e semaine ne comptera que deux jours d'audience. En raison du 11 novembre, mais aussi de la proximité de la date de commémoration des attentats du #13Novembre

Demain, la journée sera consacrée aux auditions de François Hollande et de Gilles Képel.
Aujourd'hui, il sera question du contexte syrien avec les auditions de deux enquêteurs de la DGSI.

LT à suivre ici.
Avec les dessins de @ValPSQR
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29 Oct
Bonjour à tous,

Au procès des attentats du #13Novembre 2015, la 36e journée d'audience va débuter.

Le compte-rendu de l'audience d'hier, illustré par @ValPSQR est disponible ici > franceinter.fr/justice/proces…
Au programme aujourd'hui : les témoignages des présidents d'association @FENVAC et @afvt_org ainsi que plusieurs médecins, chirurgiens et psychiatres

LT à suivre ici.
Compte-rendus dès 13h sur l'antenne de @franceinter

Ainsi que les dessins de @ValPSQR
L'audience a repris. Une avocate de parties civiles indique que nombre de ses clients se sont sentis frustrés de n'avoir pas pu entendre la diffusion de l'enregistrement du Bataclan hier.
"On voudrais savoir si on pourrait rejouer l'enregistrement en fixant un rendez-vous".
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28 Oct
Bonjour à tous,

Au procès des attentats du #13Novembre 2015, l'audience va bientôt reprendre pour son 35e jour.

Le compte-rendu de l'audience d'hier par @sophparm est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/proces…
Au programme aujourd'hui : les témoignages des présidents d'association @lifeforparis et @13onze15 notamment.

LT à suivre ici.
Retrouvez @sophparm l'antenne de @franceinter
Et toujours les dessins de @ValPSQR
@lifeforparis @13onze15 @sophparm Avec @sophparm nous avions dressé les portraits des présidents qui s'apprêtent à témoigner.

Pour @13onze15 , Philippe Duperron > franceinter.fr/justice/philip…

Pour @lifeforparis Arthur Dénouveaux > franceinter.fr/justice/proces…
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26 Oct
Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui le 33e jour d'audience du procès des attentats du #13Novembre 2015.

Le compte-rendu de la journée d'hier, illustré par @ValPSQR est à retrouver ici >

franceinter.fr/justice/proces…
Aujourd'hui, de nouvelles familles qui ont perdu un proche au Bataclan sont attendues à la barre.

Parmi les témoignages prévus : la soeur de Nick Alexander ou le père de Nathalie Jardin, par exemple.

LT à suivre ici.
Retrouvez @sophparm à l'antenne de @franceinter
Les premiers à venir à la barre sont les proches de Lola O., plus jeune victime décédée dans ces attentats. Elle avait 17 ans.
Sa tante est la première à témoigner : "Lola était la fille unique de ma soeur. Elle était ma première nièce. J'avais 20 ans."
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25 Oct
Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui que débute la 8e semaine du procès des attentats du #13Novembre 2015, 32e journée d'audience.

Le compte-rendu de la dernière journée est à retrouver ici >
franceinter.fr/justice/proces…
Au programme aujourd'hui :
de nouveaux témoignages de familles endeuillées du Bataclan.

LT à suivre ici.
Aujourd'hui, c'est @arianegriessel que vous pourrez retrouver à l'antenne de @franceinter

Avec toujours les dessins de @ValPSQR
L'audience reprend avec les premiers témoignages du jour, ceux de la famille de Cécile Misse, assassinée au Bataclan à l'âge de 32 ans avec son compagnon Luis Zschoche.
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22 Oct
Bonjour à tous,

C'est aujourd'hui le 31e jour d'audience au procès des attentats du #13Novembre 2015.

Le compte-rendu de la journée d'hier par @sophparm
est à retrouver ici >

franceinter.fr/justice/proces…
Vous pouvez également retrouver le témoignage d'Aurélie, qui a perdu son compagnon Matthieu Giroud au Bataclan, qu'elle a accepté de nous confié et que nous avons choisi de publier en intégralité >
franceinter.fr/justice/proces…
Au programme aujourd'hui, la suite des témoignages des familles endeuillées du Bataclan.

La cour devrait également entendre le témoignage de Kevin, qui a du être amputé après avoir été blessé de deux balles.
Il nous avait confié son témoignage ici >franceinter.fr/attentats-du-1…
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